« inutile », définition dans le dictionnaire Littré

inutile

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

inutile

(i-nu-ti-l') adj.
  • 1Qui n'est point utile, en parlant des choses. Il n'est rien d'inutile aux personnes de sens, La Fontaine, Fabl. V, 19. L'amour est quelquefois bien inutile de s'amuser à de si sottes gens ; je voudrais qu'il ne fût que pour les gens choisis, Sévigné, 62. Songeons que ce sacrifice d'une valeur infinie [le sacrifice de la messe]… serait inutile à la reine [morte], si elle n'avait mérité par sa bonne vie que l'effet en pût passer jusqu'à elle, Bossuet, Mar.-Thér. On en gémit, on en pleure [de la mort de Marie-Thérèse] ; voilà ce que peut la terre pour une reine si chérie ; voilà ce que nous avons à lui donner, des pleurs, des cris inutiles, Bossuet, ib. Il est inutile de vous dire combien la reine fut consolée par ce merveilleux événement [la restauration de Charles II], Bossuet, Reine d'Angl. Je n'emporterais donc qu'une inutile rage…, Racine, Andr. III, 1. Voudrais-je, de la terre inutile fardeau… ? Racine, Iphig. I, 2. Depuis quand pense-t-on qu'inutile à moi-même Je me laisse ravir une épouse que j'aime ? Racine, ib. IV, 6. Tout fuit, et, sans s'armer d'un courage inutile, Dans le temple voisin chacun cherche un asile, Racine, Phèdre, V, 6. Mais que peuvent pour lui vos inutiles soins ? Racine, Athal. V, 2. Tout l'esprit qui est au monde est inutile à celui qui n'en a point, La Bruyère, XI. Sans fatiguer le ciel par des vœux inutiles, Massillon, Carême, Prière 2. Pourquoi imprimer les lettres de ses amis ? est-ce qu'on écrit au public, quand on fait des réponses inutiles à des lettres qui ne sont que des compliments ? Voltaire, Lett. d'Argental, 20 juin 1767. Vous ne cherchez que des vérités utiles, et vous n'avez guère trouvé, dites-vous, que d'inutiles erreurs, Voltaire, Mœurs, Introd. 5. Mais il [Caton] tourna sur soi ses innocentes mains ; Sa mort fut inutile au bonheur des humains, Voltaire, Mort de Cés. II, 4.

    Substantivement. L'inutile, ce qui est inutile, par opposition à l'utile. De ses arbres à fruit [le sage] retranchait l'inutile, La Fontaine, Fabl. XII, 20.

  • 2Qui ne rend pas de services, en parlant des personnes. Le prince [Condé] que l'on regardait comme le héros de son siècle, rendu inutile à sa patrie dont il avait été le soutien, Bossuet, Anne de Gonz. Ils [les grands] tombent, et par leur chute deviennent traitables mais inutiles, La Bruyère, IX. L'Évangile condamne aux mêmes ténèbres éternelles et aux mêmes supplices le serviteur infidèle et le serviteur inutile, Massillon, Carême, Riche.

    Laisser quelqu'un inutile, ne pas employer ses talents. C'est un homme qu'il ne faut pas laisser inutile.

    Substantivement. Un inutile, une inutile, un homme, une femme inutile. Fi ! que cela est vilain d'être une grande inutile dans le monde ! Regnard, Ret. impr. 6. Dis, ne rougis-tu point d'être un grand inutile, Et de grossir l'essaim des oisifs de la ville ? Boissy, Sage étourdi, II, 3.

  • 3Dont on ne se sert pas. Un meuble inutile.

    Fig. L'argent, l'argent, dit-on, sans lui tout est stérile ; La vertu sans l'argent n'est qu'un meuble inutile, Boileau, Épître V.

HISTORIQUE

XIIe s. Tuit declinerent ensembledement [simultanément], inuteles fait sunt ; nen est chi facet ben, Liber psalm. p. 70.

XIVe s. Par inutile vergoigne, Bercheure, f° 75.

XVe s. Telz poursuites [d'amours illégitimes] sont inutiles Destructions d'ame et de corps, Deschamps, Mir. de mar. p. 98.

XVIe s. Ses vers naistront inutis, Ainsi qu'enfans abortis Qui ont forcé leur naissance, Ronsard, 363. Des chardons inutils et des herbes mechantes, Desportes, Élégies, I, 19. … Mort injuste et cruelle… Un grand homme est plus tost par toy mis au tombeau, Qu'un lourdaut, de la terre inutile fardeau, Desportes, Tombeau de Desportes.

ÉTYMOLOGIE

Bourguign. inutille (ll mouillées) ; provenç. et espagn. inutil ; ital. inutile ; du lat. inutilis, de in… 1, et utilis, utile.