« irriter », définition dans le dictionnaire Littré

irriter

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irriter

(i-rri-té) v. a.
  • 1Mettre en colère, en parlant des personnes qui irritent. Irriter un taureau, un lion. Ne dites pas à ce zélé magistrat qu'il travaille plus que son grand âge ne le peut souffrir ; vous irritez le plus patient de tous les hommes, Bossuet, le Tellier. A-t-il craint d'irriter les puissants, quand il a pu secourir les faibles ? Fléchier, Duc de Mont. On n'avait qu'à l'irriter : alors, fougueux et hors de lui-même, il éclatait par des menaces, Fénelon, Tél. XVI. Eurymaque n'avait qu'à le contredire ; en l'irritant, il découvrait tout, Fénelon, ib.

    Fig. Tout à coup une noire tempête enveloppa le ciel, et irrita toutes les ondes de la mer, Fénelon, Tél. VI.

    Absolument. Je veux me faire craindre, et ne fais qu'irriter, Corneille, Cinna, IV, 3.

    Mettre en colère, en parlant des choses qui irritent. Ta fortune est bien haut, tu peux ce que tu veux : Mais tu ferais pitié même à ceux qu'elle irrite…, Corneille, Cinna, V, 1. Ici tous les objets vous blessent, vous irritent, Racine, Athal. II, 3. Les moindres retardements irritaient son naturel ardent, Fénelon, Tél. XVI. La honte irrite enfin le plus faible courage, Voltaire, Henr. III.

  • 2Rendre plus vif, plus ardent, en parlant des personnes. Quel démon vous irrite et vous porte à médire ? Boileau, Sat. IX. Mais de faire fléchir un courage inflexible, … D'enchaîner un captif de ses fers étonné, …C'est là ce que je veux, c'est là ce qui m'irrite, Racine, Phèdre, II, 1.
  • 3Rendre plus vif, plus violent, en parlant des choses. Irriter le mal. Irriter la fièvre. Enfin épargnez-moi ces tristes entretiens Qui ne font qu'irriter vos tourments et les miens, Corneille, Poly. II, 2. Sévère craint ma vue, elle irrite sa flamme, Corneille, ib. II, 5. Que n'a pas fait ce Sauveur miséricordieux [Jésus] pour prévenir les malheurs de ses citoyens ? fidèle au prince comme à son pays, il n'a pas craint d'irriter l'envie des pharisiens en défendant les droits de César, Bossuet, le Tellier. Pour ne pas irriter la haine publique déclarée contre le ministère, Bossuet, ib. Pourquoi veux-tu, cruelle, irriter mes ennuis ? Racine, Androm. II, 1. Et c'est cette vertu si nouvelle à la cour Dont la persévérance irrite mon amour, Racine, Brit. II, 2. Je vois que mon silence irrite vos dédains, Racine, ib. III, 3. La possession des richesses ne fait qu'en irriter la soif, Fénelon, t. XVIII, p. 54. Les sciences irritent sa curiosité au lieu de la satisfaire, Massillon, Car. Avenir. La mollesse De leur goût dédaigneux irritait la paresse, Voltaire, Henr. X. Comment irriter, par degrés, la curiosité du spectateur ? Voltaire, Lett. d'Argental, 16 mai 1767. Et tous ses ennemis irritent ma colère, Voltaire, Tancr. II, 1. Me voir rappeler incessamment tant de doux souvenirs, c'était irriter le sentiment de mes pertes, Rousseau, Conf. VI. Il faudrait s'attacher principalement à irriter l'appétit, Diderot, Interprét. de la nat. n° 39.
  • 4Causer une excitation sur les membranes et sui les nerfs. Irriter la membrane pituitaire par des sternutatoires. Cela m'irrite les nerfs.
  • 5 Terme de médecine. Exciter dans une partie une activité excessive, accompagnée d'ordinaire d'une sensation plus ou moins douloureuse. La fumée irrite l'œil.
  • 6S'irriter, v. réfl. Devenir irrité, se mettre en colère. Quels foudres [ô Dieux] lancez-vous quand vous vous irritez, Si même vos faveurs ont tant de cruautés ? Corneille, Hor. III, 1. Mais ce n'est pas assez, amis, de s'irriter, Il faut voir quels moyens on a d'exécuter, Corneille, Pomp. IV, 1. Faible, et qui s'irritait contre un trépas si lent, Racine, Mithr. V, 4. Qu'un jeune homme ne s'irrite jamais contre un vieillard, qu'il ne le menace jamais, Diderot, Opin. des anc. phil. (Pythagorisme).

    S'irriter que, s'irriter de ce que. Sa bonté [de Dieu] s'irrite que vous lui fassiez demander des grâces pour autrui, tandis que vous vous réservez le privilége de pouvoir l'outrager encore vous-même, Massillon, Carême, Véritable culte.

    Par extension, devenir impatient. Plus l'obstacle qu'on trouve à ses grandeurs paraît faible, plus l'ambition s'irrite de ne pas le vaincre, Bossuet, Polit. X, III, 5.

    Fig. La mer s'irrite, commence à s'irriter, la mer s'agite, commence à s'agiter.

  • 7Devenir plus vif, en parlant des choses. Les haines s'irritaient en secret. Ta fureur s'irritant soi-même dans son cours, Racine, Brit. V, 6. Ce feu, longtemps caché, qui vient de nous surprendre, Dans Vérone allumé, s'irritait sous la cendre, Ducis, Othello, I, 1.
  • 8 Terme de médecine. Contracter une irritation. Sa gorge s'irrite à force de parler.

    On a dit en un sens analogue : le sang s'irrite. Je pense à votre belle jeunesse, à votre santé… comme vous en avez abusé, comme votre sang s'est irrité, Sévigné, 11 mai 1680.

HISTORIQUE

XVIe s. Si furent irritez et provoquez contre les Romains, Bercheure, f° 11, verso.

XVe s. Je suis beaucoup irrité Contre toi, vin desloyal, Basselin, XX.

XVIe s. Ilz attisoient le feu le plus qu'ilz pouvoient au dedans de la ville, en l'irritant par toute maniere qu'il leur estoit possible, Amyot, Brut. 39. Un tousseur continuel irrite mon poulmon, Montaigne, I, 91. La volupté mesme cherche à s'irriter par la douleur, Montaigne, III, 2. Irriter les frelons, Cotgrave Le zele est une ardante affection de l'ame qui tend à l'honneur de Dieu et au salut du prochain, dont s'ensuit aussi qu'elle s'irrite quand on le deshonore, Lanoue, 68. L'eau qu'on arreste en est plus irritée, Et bruit plus fort plus elle est arrestée, Desportes, Diverses amours, XV, dialogue.

ÉTYMOLOGIE

Lat. irritare, que les étymologistes latins regardent comme un fréquentatif de irrire, inrire, gronder, grogner, en parlant d'un chien. Du supin irritum vient le causatif irrītare, faire gronder comme un chien, irriter. In-rire est formé de in, en, et rire, qui est le radical sanscrit rāi, rāgati, il aboie (dans le véda).