« jardin », définition dans le dictionnaire Littré

jardin

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jardin

(jar-din) s. m.
  • 1Espace clos d'ordinaire, planté de végétaux utiles ou d'agrément. Jardin fruitier. Le jardin du Luxembourg, des Tuileries. Elle avait dès longtemps du sage Quintinie Formé pour les jardins l'admirable génie, Perrault, dans RICHELET. Son bonheur consistait aux beautés d'un jardin ; Le Scythe l'y trouva qui, la serpe à la main…, La Fontaine, Fabl. XII, 20. Il [le riche] peut dans son jardin, tout peuplé d'arbres verts, Recéler le printemps au milieu des hivers, Boileau, Sat. VI. C'est donc ici d'Esther le superbe jardin, Racine, Esth. III, 1. Dans ce dernier palais [à Babylone] étaient ces jardins suspendus, si renommés parmi les Grecs ; ils formaient un carré dont chaque côté avait quatre cents pieds, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 31, dans POUGENS. L'art des jardins a été créé et perfectionné par le Nostre pour l'agréable et par la Quintinie pour l'utile, Voltaire, Louis XIV, Artist.

    Fig. Jésus [lors de la Passion] est dans un jardin non de délices, comme le premier Adam, où il se perdit et tout le genre humain, mais dans un de supplices, où il s'est sauvé et tout le genre humain, Pascal, Pens. XXV, 1, édit. HAVET.

    Fig. Brillante sur ma tige, et l'honneur du jardin, Je n'ai vu luire encor que les feux du matin ; Je veux achever ma journée, Chénier, la Jeune captive.

    Jardin français, jardin régulier où règne la symétrie et où l'art ne se cache pas.

    Jardin anglais, jardin à l'anglaise, jardin irrégulier où l'art est caché sous l'apparence d'une nature agreste. Le lieu, environné de montagnes, de précipices profonds, de rochers couverts de mousses et de verdure, suffisait à lui seul pour dégoûter à jamais de ces froids jardins à l'anglaise où l'on a voulu follement imiter de semblables effets, Genlis, Veillées du chât. t. I, p. 240, dans POUGENS.

    Jardins potagers, jardins dans lesquels se trouvent, à peu près exclusivement, des plantes légumières. Jardins fruitiers, les vergers proprement dits. Jardins botaniques, jardins destinés à l'étude des végétaux. Jardin de pharmacie, jardin où l'on cultive des plantes médicinales. Jardins d'agrément, jardins qui ne rapportent ni légumes ni fruits et ne sont faits que pour le plaisir des yeux.

    Jardin des plantes, Jardin du roi, le jardin qui accompagne le Muséum d'histoire naturelle de Paris ; Jardin des plantes est aussi le nom qu'on donne aux jardins botaniques dans toutes les villes de France.

    Les jardins d'Épicure, jardin où Épicure philosophait, et, quelquefois, par métonymie, la secte épicurienne. On dit aussi les philosophes, la secte des jardins. Ô maison d'Aristippe, ô jardins d'Épicure, Vous qui me présentez, dans vos enclos divers, Ce qui souvent manque à mes vers, Le mérite de l'art soumis à la nature, Voltaire, Épître 76.

    Jardin des Hespérides, lieu où, suivant la mythologie, un dragon gardait les pommes d'or. Vos fruits [des orangers de Versailles] aux écorces solides Sont un véritable trésor ; Et le jardin des Hespérides N'avait point d'autres pommes d'or, La Fontaine, Psyché, I, p. 14. Quelques savants curieux ont cru que le jardin des Hespérides, gardé par un dragon, était une imitation du jardin d'Éden, gardé par un bœuf ailé, ou par un chérubin, Voltaire, Dict. phil. Paradis.

    Fig. et familièrement. Faire d'une chose comme des choux de son jardin, en disposer comme si on en était le maître, le possesseur.

    Fig. Jeter une pierre, des pierres dans le jardin de quelqu'un, attaquer quelqu'un indirectement ; locution prise de l'habitude des gamins de jeter des pierres par-dessus les murs des jardins et d'y causer du dommage. J'irai voir ces coquins qui jettent des pierres dans le jardin du patron [les Bretons fort échauffés contre le duc de Chaulnes, contre qui, du reste, ils avaient lancé des pierres], Sévigné, 3 juill. 1675.

    Fig. Le fruit de notre jardin, la chose qui nous est propre, qui nous occupe avant les autres. Voilà bien parler de la Bretagne, ma chère enfant, cela peut-être vous ennuiera ; mais cela est naturel, ce sont des fruits de notre jardin, Sévigné, 591.

    Fig. En termes mystiques, le jardin de l'Époux, la culture religieuse des âmes. Contentons-nous de savoir qu'il y a des plantes tardives dans le jardin de l'Époux ; que, pour en voir la fécondité, les directeurs des consciences, les laboureurs spirituels doivent attendre avec patience le fruit précieux de la terre…, Bossuet, Bourgoing.

    Fig. Ce qui produit des fruits intellectuels. Il disait qu'il aimait à voir croître dans les jardins d'autrui des plantes dont il avait fourni les graines, Fontenelle, Leibnitz.

  • 2 Fig. Pays fertile et dont la culture est très variée. Ils [les Hollandais] font un commerce immense à Cranganor [Inde], qui est, dit-on, un jardin de délices, Voltaire, Polit. et législ. Fragm. hist. sur l'Inde, X.

    Le jardin de la France, nom qu'on donne quelquefois à la Touraine. Tours, que l'on appelait le jardin de la France, se doit à cette heure nommer le paradis de la terre…, Voiture, Lett. 86.

    Le jardin de l'Europe, nom qu'on donne quelquefois à l'Italie.

  • 3Jardin sec, herbier.
  • 4 Terme de fauconnerie. Lieu où l'on expose les oiseaux de vol au soleil, le matin. Donner le jardin à l'oiseau, le mettre au grand air.
  • 5 Vulgairement. Le jardin pavé, la halle.
  • 6 Terme de marine. Partie supérieure des bouteilles d'un grand bâtiment.
  • 7Jardin des racines grecques, nom donné par les grammairiens de Port-Royal au recueil qu'ils avaient fait des racines grecques. On voit que les auteurs jouaient ici sur le mot de racine, qui se prend dans la nature en un sens qui justifie le mot jardin ; et en grammaire dans un autre sens auquel le mot jardin ne peut convenir que par abus.

HISTORIQUE

XIIIe s. Au jardin le [du] roi [il y] ot mainte table dressée, Berte, II. Dames i aura abeant, Qui ja n'en averont deduit ; Celes plantent jardin sanz fruit, Lai du conseil.

XVe s. Il est sailly de la maison de France, Creu au jardin semé de fleurs de lys, Orléans, I. Comme le suppliant se alloit esbattre tout seul autour du gard ou jardin… , Du Cange, gardignium. Au jardin de deux amans vrais et loyaulx ne peult lever pire herbe [que la jalousie], Perceforest, t. VI, f° 105. L'une lui dit ung brocart, l'autre li gete une pierre en son jardin, Les 15 joies de mariage, p. 31.

XVIe s. Le jardin de la cuisine [le potager], Nouv. coust. génér. t. II, p. 349. Jouer au jardin madame, la substance de ce jeu est que chacun des assistants doit donner un arbre, une beste dessus pour le garder, et un oyseau dessous pour chanter, et faut qu'il contreface le son ou voix de la beste et le chant de l'oyseau, puis l'on demande à la compagnie s'il a bien fait…, Des Accords, Escraignes dijonnoises, p. 10, dans LACURNE. Jardin aux fauxbourgs vaut cent solz au rebours, Cotgrave Cela n'est pas cru en ton jardin, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 256.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. jadin ; Berry, jardrin ; picard, gardin, guerdin ; provenç. jardin, gardi ; catal. jardi ; espagn. jardin ; portug. jardim ; ital. giardino ; du germanique : goth. gards, maison ; anc. h. allem. karto, garto ; allem. Garten ; isl. gort. Le latin hortus, jardin, le latin chors, chortis, cour de ferme, le bas-latin curtis, et le français la cour sont de même radical. Comparez l'ancien slave grad, le russe gorod, ville.