« joli », définition dans le dictionnaire Littré

joli

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

joli, ie

(jo-li, lie) adj.
  • 1Qui marque la vivacité, l'esprit, la gaieté ; ce sens, qui est le primitif, a vieilli. [Il dit] Que Pline est inégal, Térence un peu joli, Régnier, Sat. X. Je meure, ton humeur me semble si jolie, Que tu me vas résoudre à faire une folie, Corneille, Suite du Ment. I, 2. Tu le disais tantôt, chacun a sa folie, Les uns l'ont importune, et la tienne est jolie, Corneille, ib. IV, 1. Une des choses qui me touchent le plus est une conversation jolie et spirituelle, exempte de toutes sortes de médisances et de railleries piquantes, Portrait de Mlle de la Trém. par elle-même. À mon gré, le Corneille est joli quelquefois, Boileau, Sat. III. Néron : Tel serait sage dans une condition médiocre, qui devient insensé quand il est le maître du monde. - Caligula : Cette folie serait bien jolie si elle n'avait rien à craindre ; mais les conjurations, les troubles, les remords, les embarras d'un grand empire gâtent le métier, Fénelon, Dial, des morts, Néron et Calig. Il était de la plus jolie humeur du monde en arrivant chez la reine, Hamilton, Gramm. 8.

    Agréable. Pourquoi dites-vous du mal de mon café avec du lait ?… c'est la plus jolie chose du monde, Sévigné, 19 févr. 1690.

    Il se dit, dans un sens analogue, mais vieilli aussi, des personnes. Les Français sont jolis assurément [au passage du Rhin] ; il faut que tout leur cède pour les actions d'éclat et de témérité, Sévigné, 3 juill. 1672. Il [le jeune Grignan] a fort bien causé, il est en vérité fort joli, Sévigné, 8 déc. 1688. Vous êtes une jolie femme, de n'être point grosse ; mais vous avez des pensées là-dessus qui me font trembler, Sévigné, 125. Aristote, toi qui sais tout, d'où vient que certains princes sont si jolis dans leur enfance, et qu'ensuite ils oublient toutes les bonnes maximes qu'ils ont apprises ? Fénelon, t. XIX, p. 235. Nos Français sont malheureusement si galants et si jolis que tous ceux qui ont traité de pareils sujets les ont toujours ornés d'une petite intrigue entre une jeune princesse et un fort aimable cavalier, Voltaire, Lett. Prince roy. de Prusse, 5 févr. 1738.

    C'est un joli garçon, se disait d'un jeune homme qui se distingue et se fait estimer par sa bonne conduite, par son mérite.

    On dit aujourd'hui, en ce sens : c'est un joli sujet.

    Ironiquement. Par ma foi, votre frère et vous, êtes deux jolis garçons dans vos choix [c'est-à-dire vous avez fait des choix qui ne vous font guère honneur], Hamilton, Gramm. 11.

    Ironiquement et populairement. Il est joli garçon, se dit d'un homme qui s'est enivré, qui a été battu, qui est en mauvais état. Vous venez du cabaret, vous voilà joli garçon.

    Il s'est fait joli garçon, se dit de celui qui a mis ses affaires en désordre par la débauche, par sa mauvaise conduite. Il a dissipé son bien, il s'est fait joli garçon.

  • 2Digne d'être apprécié, remarqué (sens qui a vieilli). Ce militaire a fait une jolie action à tel siége, à telle bataille.
  • 3Qui plaît par la gentillesse, sans avoir une beauté régulière et complète. Elle est plus jolie que belle. Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! La Fontaine, Fabl. I, 2. Mon Dieu ! qu'elle est jolie, et qu'elle a l'air mignon ! Molière, l'Ét. III, 11. Après cela, si vous ne me trouvez pas joli garçon, vous aurez tort, Sévigné, 26 (M. de Sévigné à sa sœur) Le maréchal de Lorges n'est-il point trop heureux ? les dignités, les grands biens et une très jolie femme, Sévigné, 8 avril 1676. Votre fille est jolie, je l'aime, et j'en ai beaucoup de soin, Sévigné, 26. Qu'elle est jolie et qu'elle a les yeux doux ! Racine, Plaid. III, 4.

    Familièrement. Un joli cœur, un homme qui fait l'agréable, qui a de l'afféterie. Faire le joli cœur.

    Faire le joli cœur signifie aussi dissimuler, sous une gaieté forcée, une vive contrariété. Il a beau faire le joli cœur…

    Des grammairiens assurent qu'il faut écrire un Jolicœur, il fait le Jolicœur, Jolicœur étant un nom de comédie. D'autres mettent un trait d'union, joli-cœur.

  • 4Il se dit des choses ou des animaux dans le même sens. Avoir de jolis yeux, un joli pied, une jolie main. Un joli cheval. Faire de jolis vers. Vos chansons m'ont paru jolies, j'en ai reconnu les styles, Sévigné, 19. Voilà une lettre de M. de Condom [Bossuet], qu'il m'a envoyée avec un billet fort joli, Sévigné, 27. Il y avait dimanche un bal qui fut joli, Sévigné, 77. Il ne faut quelquefois qu'une jolie maison dont on hérite, qu'un beau cheval, ou un joli chien dont on se trouve le maître… pour adoucir une grande douleur, La Bruyère, XI. Je trouve tout cela trop faux et trop joli pour y répondre sérieusement, Fontenelle, Oracles, II, 5.

    De jolies choses, des traits d'esprit pleins d'agrément. Pour vous dire le vrai, je serai bien aise qu'il [mon cœur] demeure entier, et je craindrais que, s'il était une fois en deux, il ne fût partagé en mon absence ; vous voyez comme je me sais bien servir des jolies choses que j'entends dire, Voiture, Lett. 19. Il y a de jolies choses que l'esprit ne cherche point et qu'il trouve toutes achevées, Chev. de Méré, dans BOUHOURS, Rem. Il se faut bien garder de paraître toujours prêt à dire de bons mots et de jolies choses, ID. ib.

    Ironiquement. De jolies choses, des choses très désavantageuses. Nous parlions de son maître ; il m'en disait de jolies choses, Genlis, Théâtr. d'éduc. le Méchant par air, I, 2.

    Familièrement. Le tour est joli, c'est-à-dire c'est un tour plaisant.

    En un autre sens. Un joli tour, un méchant tour. Je n'étais pas plus grand que cela, que je me signalais déjà par cent tours d'adresse jolis, Genlis, Scapin, I, 2.

    Il lui a joué un joli tour, c'est-à-dire il lui a joué un tour fort digne de blâme, il l'a trompé indignement.

  • 5Qui donne agrément, aisance. Le voilà maintenant dans une très jolie position. Il vient d'obtenir une assez jolie place. On lui donne cent mille francs de dot, cela est fort joli.
  • 6 Par ironie et familièrement. Déplaisant, ridicule, digne de blâme, en parlant des personnes ou des choses. Vraiment vous êtes joli de me parler de la sorte. La vente d'Entrecasteaux est retardée, nos affaires embarrassées, le tout par la négligence de l'abbé de Grignan ; sa paresse est jolie dans le commerce, comme vous voyez, Sévigné, (Mme de Grignan à M. de Grignan, 22 déc. 1677). Vous me donnez là de jolis sentiments, Fontenelle, Soliman, Juliette. Marine est une jolie personne ! ne vous a-t-elle dit que cela, monsieur ? Lesage, Turcaret, II, 3. Je joue ici vraiment un joli personnage, Destouches, Philos mar. III, 3. Vraiment, mon oiseau, vous faites là un joli métier, répondit la princesse en souriant, Voltaire, Princ. de Babyl. 3. Vous vous faites de jolies affaires, je sors de chez une femme qui ne vous pardonnera de sa vie le portrait de votre coquette, Genlis, Veillées du chât. t. III, p. 226, dans POUGENS.

    Il est dans un joli état, se dit d'un homme qui s'est enivré, ou à qui il est arrivé quelque grave mésaventure, une blessure, une maladie, etc.

  • 7 S. m. Ce qui est joli. Le beau est au-dessus du joli (voy. BEAU, synonymes).

    Familièrement. Le joli de l'affaire est que… c'est-à-dire le plaisant, le piquant de l'affaire est que…

REMARQUE

Dans les Mots à la mode, Boursault fait la critique de l'emploi de joli tel qu'il subsistait encore de son temps. Qui jamais, dites-moi, fut assez ridicule Pour traiter de jolis Hector, Achille, Hercule ? sc. 11 ; et : Dire un joli garçon n'est pas dire un brave homme, Et le mot de joli n'a jamais été fait Qu'en faveur d'un enfant et d'un colifichet, sc. 2. Boursault se trompe ; joli avait été fait pour ces acceptions blâmées ; seulement, du temps de Boursault, l'usage les délaissait.

HISTORIQUE

XIIe s. Car traï m'a et mort à escient Mes jolis cuers [cœur], que je doi tant haïr, Couci, X. Quant li loussignols [le rossignol] jolis Chante sur la flor d'esté, ib. XI.

XIIIe s. Cele feste fu moult joïe, Et bele et boine et moult jolie, Fl. et Bl. V. 3147. À l'issue d'avril, un temps dous et joli, Berte, I. Tant sui à m'amie ententis ; Ne puis vers autres estre jolis, Partonop. V. 4042. Nus [nul] n'a joie, s'il n'a le cuer joli, Mss. de poésies fr. avant 1300, t. III, p. 1199, dans LACURNE. El [papelardise] ne fu gaie ne jolive, Ains fu par semblant ententive Du tout à bonnes ovres faire, Et si avoit vestu la haire, la Rose, V. 427.

XIVe s. Pour Bauduin ochire [tuer] est cascuns bien garnis ; Et Bauduins chevauche qui fu gais et jolis, Baud. de Seb. VI, 367. L'arcevesque de Rouen ne pouvoit bonnement avoir paix avec les nobles de Normandie, pour la cause de ce qu'il estoit jeune et trop jolis en aucuns de ses fais, Chron. de St Denis, t. II, f° 143, dans LACURNE.

XVe s. [Le roi ne put oublier de longtemps son amour pour la comtesse de Salebrin] mais en fut toujours depuis plus lié [vif], plus gai et plus joli ; et en fit plusieurs belles festes…, Froissart, I, 1, 167. Ce n'est mie pour les villains… Ce n'est fors que pour les jolis Qui prendent solas et delis à l'oïr, et qui compte en font, Froissart, Buysson de jonece. Le suppliant avoit oui dire que paix estoit faite… et en estoit bien jolis et bien aise, Du Cange, jocare. Il a esté contraint de soy tenir joly et de changer souvent habits, Aresta amorum, p. 167, dans LACURNE. Si se retrahit la chevalerie arriere au costé par devers la riviere ; car il n'y avoit si joli [brave, vigoureux] qui n'eust bon mestier de soy aysier, Perceforest, t. IV, f° 61. Le seigneur de la Trimouille, qui estoit bien joly et monté sur un grand coursier, voulut venir aux escarmouches, et de fait print sa lance et vint jusques au frapper, Chronique de la Pucelle, ch. 60. Et quant on a maistresse assez jolie, D'autres discours il lui convient user, Basselin, XLIX. Plut tout ce jour si très fort, qu'il n'y avoit si jolis qui n'eust voulu estre à couvert, Journ. de Paris, p. 24. Sachez, quant est de ses ebats, la femme ne cessera point pour noise qui luy en soit faite, et dust elle estre tuée, mais en fera tout à sa jolie volonté, pour ce qu'elle y a commencé, Les quinze joies du mariage, p. 183, dans LACURNE. Le seigneur de Pacé [en Anjou] a droit de faire mener, le jour de la Trinité, par ses gens et officiers, à la dame, toutes les femmes jolies [prudes et sages] qu'ils trouveront à Saumur… Le même seigneur a droit ce jour-là de contraindre toutes les femmes qui ne seront pas jolies, qui seront notoirement diffamées de ribaudie, de venir à ladite dame de Pacé avec lesdites femmes jolies, ou de payer cinq sols au seigneur, cité dans PIGANIOL DE LA FORCE, Nouv. descript. de la France, 3e éd. Paris, 1754, t. XII, p. 211.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. jôli, content de ; provenç. joli ; anc. cat. jolin ; ital. giulivo ; de l'ancien scandinave jul, désignant les fêtes et festins solennels. Jul est l'ancien norrois hjol, anc. suédois hjul, angl. wheel (roue), et désigne le tour que fait le soleil retournant sur ses pas au solstice d'hiver ; c'est la fête de solstice d'hiver, Noël payen ; on y faisait le sacrifice d'un cochon à Freya. Diez suppose avec raison que ce mot a dû être introduit dans le français par les Normands.