« lait », définition dans le dictionnaire Littré

lait

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

lait

(lè ; le t ne se lie que dans le parler soutenu) s. m.
  • 1Liquide opaque, blanc, d'une pesanteur spécifique un peu plus grande que celle de l'eau, d'une saveur douce, fourni par les glandes mammaires de la femme et des femelles des animaux mammifères, pour la nourriture des petits. Sa nourrice avait peu de lait, celle-ci en a comme une vache, Sévigné, 8 avr. 1671. En Hollande, en Italie, en Turquie et en général dans tout le Levant, on ne donne aux enfants que le lait des mamelles pendant un an entier, Buffon, Hist. nat. hom. Œuv. t. IV, p. 199. Le bon lait n'est ni trop épais ni trop clair ; la consistance doit être telle que, lorsqu'on en prend une petite goutte, elle conserve sa rondeur sans couler, Buffon, Quadrup. t. I, p. 214.

    Jeune lait, lait d'une femme accouchée depuis peu.

    Lait d'un an, lait d'une femme accouchée depuis un an.

    Vieux lait, lait d'une femme accouchée depuis longtemps.

    Le lait monte, se dit du lait qui commence à venir à une nouvelle accouchée.

    Fièvre de lait, fièvre causée par le lait qui commence à venir aux femmes dans les premiers jours qui suivent l'accouchement.

    Lait répandu, prétendue déviation du lait, à laquelle le vulgaire attribue la plupart des maladies qui surviennent après les couches, mais qui ne sont nullement dues à un lait répandu.

    On dit vulgairement aussi : son lait lui a remonté, en parlant d'une femme à qui il survient quelque maladie dans le cours de ses couches ; fausse opinion populaire, car le lait ne remonte pas plus qu'il ne se répand.

    Fig. On a troublé le lait à cette nourrice, elle est devenue grosse.

    Frères de lait, sœurs de lait, l'enfant de la nourrice et le nourrisson qui a sucé le même lait.

    Fig. Redoutez-le [l'amour] pour mille causes, Bien qu'il vous soit frère de lait, Béranger, Anniv.

    Dents de lait, les premières dents qui viennent aux enfants et aux jeunes animaux. Cet enfant perd ses dents de lait. Cheval qui a encore ses dents de lait et qui est trop jeune pour travailler.

    Fig. Ce beau réduit par préférence est fait Pour les vieillards dont l'humeur gaie et tendre Paraît encore avoir ses dents de lait, Voltaire, Ép. X.

    Fig. Avoir une dent de lait contre quelqu'un, voy. DENT, n° 4.

    Vache à lait, voy. VACHE.

    Veau de lait, cochon de lait, veau, cochon qui tette encore, ou qu'on ne nourrit que de lait.

  • 2 Fig. Nourriture de l'âme, de l'esprit. À Dieu ne plaise que j'instruise si mal le peuple que le Saint-Esprit a commis à ma conduite, et que je donne aux enfants le poison mortel [une fausse doctrine], au lieu du lait que je leur dois, Bossuet, 2e avert. 20. Le témoignage intérieur est l'appui des commençants ; c'est le lait des âmes tendres et naissantes, Fénelon, t. XVIII, p. 256. Les consolations : c'est un lait dont il nourrit notre faiblesse, Massillon, Prof. rel. 2. Heureux qui, se livrant aux sages disciplines, Nourri du lait sacré des antiques doctrines, Chénier, Poésies div. à M. de Pange.

    Sucer avec le lait une doctrine, une opinion, un sentiment, recevoir, dès l'enfance, une doctrine, une opinion, un sentiment. Cette haine des rois que depuis cinq cents ans Avec le premier lait sucent tous ses enfants [de Rome], Corneille, Cinna, II, 1. N'es-tu pas dans ces lieux Où la haine des rois, avec le lait sucée, Par crainte ou par amour ne peut être effacée ? Racine, Bérén. IV, 4. C'est peu qu'avec son lait une mère amazone M'ait fait sucer encor cet orgueil qui t'étonne, Racine, Phèdre, I, 1. Celui qui depuis vingt ans combat toutes les oppressions, qui parlait aux Français de liberté, de constitution, de résistance, lorsque ses vils calomniateurs suçaient le lait des cours et vivaient de tous les préjugés dominants, Mirabeau, Collection, t. III, p. 357. Lui qui des muses de l'école N'avait jamais sucé le lait, Béranger, Épit.

    On dit dans le même sens : il a sucé le lait de la doctrine évangélique, le lait des saines doctrines, etc.

  • 3Lait considéré comme aliment des personnes qui ne tettent plus. Perrette [qui avait un pot au lait sur sa tête] là-dessus saute aussi transportée ; Le lait tombe ; adieu, veau, vache, cochon, couvée, La Fontaine, Fabl. VII, 10. C'est une fille accoutumée à vivre de salade, de lait, de fromage et de pommes, Molière, l'Avare, II, 6. Peut-être que le lait vous est contraire ; suivez votre expérience, Sévigné, 28 juill. 1677. Ils ne savaient que conduire leurs brebis, les tondre, traire leur lait et faire des fromages, Fénelon, Tél. II. Le lait de la femelle buffle n'est pas si bon que celui de la vache ; elle en fournit cependant en plus grande quantité, Buffon, Quadrup. t. V, p. 111.

    Battre le lait, le remuer dans la baratte pour faire le beurre. Ces Scythes dont parle Hérodote, qui crevaient les yeux à leurs esclaves, afin que rien ne pût les distraire et les empêcher de battre leur lait, Montesquieu, Rom. 22.

    Pot au lait, voy. POT.

    Se mettre au lait, se mettre au régime lacté, faire du lait sa principale nourriture. Maulevrier fit le malade de la poitrine, se mit au lait, fit semblant d'avoir perdu la voix, Saint-Simon, 139, 38. Il m'arriva une fois à Compiègne d'être six semaines au lait pour mon plaisir et en pleine santé ; jamais mon âme n'a été plus calme, plus paisible que durant ce régime, Marmontel, Mém. V.

    Lait coupé, lait dans lequel on a mis une portion d'un autre liquide. Lait coupé avec de l'eau, avec du bouillon.

    Fig. et familièrement. Il avale cela doux comme lait, se dit d'un homme qui reçoit avidement toutes sortes de louanges, ou qui, par lâcheté, par dissimulation, passe doucement sur les choses qu'on lui dit pour le piquer.

    Fig. Bouillir du lait à quelqu'un, voy. BOUILLIR. n° 2.

    Veiller à quelque chose comme au lait sur le feu, veiller sans se relâcher à quelque chose, locution qui vient de ce que le lait, quand il commence à bouillir, si on ne le retire pas à temps, déborde et tombe dans le feu.

    Soupe au lait, soupe de lait, voy. SOUPE.

  • 4Petit-lait ou lait clair, la sérosité qui se sépare du lait lorsqu'il se caille. Une prise de petit-lait clarifié et édulcoré, pour adoucir, Molière, Mal. im. I, 1.
  • 5Lait de beurre, espèce de petit-lait qui reste dans la baratte, après qu'on a fait le beurre, et qui n'est que du petit-lait tenant en suspension des grumeaux de beurre.
  • 6Lait ribot, nom du petit-lait en Bretagne, ainsi nommé parce qu'il se produit quand on ribote le beurre, voy. RIBOTER.

    Gros lait, nom donné en Bretagne au lait caillé.

  • 7Lait artificiel, solution de caséine dans les carbonates alcalins, voy. LACTOLINE.
  • 8Sucre de lait, voy. LACTINE.
  • 9Liqueur blanche qui est dans les œufs frais, quand ils sont cuits à point pour être mangés à la coque. Cet œuf est bien cuit, il fait le lait.
  • 10Suc blanc qui sort de quelques plantes et de quelques fruits. Lait de figuier. Lait de coco.
  • 11Nom de certaines liqueurs artificielles qui ont une ressemblance de couleur avec le lait.

    Lait d'amandes, émulsion d'amandes douces ou amères, ayant beaucoup de ressemblance avec le lait.

    Lait virginal, cosmétique dans lequel on faisait entrer autrefois le baume du Pérou, le storax, l'ambre et la civette ; on le prépare aujourd'hui en versant goutte à goutte de la teinture alcoolique de benjoin dans de l'eau commune, jusqu'à ce que la liqueur soit parfaitement blanche. Le lait virginal est ainsi dit parce qu'il est employé pour entretenir la fraîcheur du teint. Je ne vois partout que blancs d'œufs, lait virginal, et mille autres brimborions que je ne connais point, Molière, Préc. 4.

    Lait de poule, sorte d'émulsion qu'on prépare en battant un jaune d'œuf avec de l'eau chaude et du sucre, et aromatisant avec de l'eau de fleur d'orange.

    Terme d'alchimie. Lait virginal ou lait de la vierge, mercure hermétique qui, projeté sur quelque métal, le change en une liqueur blanche.

  • 12Lait de chaux, solution aqueuse, tenant de l'hydrate de chaux en suspension. Blanchir une muraille avec du lait de chaux.
  • 13Lait de cire, composition qui sert à lustrer les meubles.

    Lait de soufre, liqueur laiteuse qui résulte de la précipitation d'un sulfhydrate par un acide.

  • 14Voie de lait, voy. LACTÉE (VOIE). N'étaient-ils pas excusables [les anciens] dans la pensée qu'ils ont eue pour la voie de lait, quand, la faiblesse de leurs yeux n'ayant pas encore reçu le secours de l'artifice, ils ont attribué cette couleur à une plus grande solidité en cette partie du ciel, qui renvoie la lumière avec plus de force ? Pascal, Fragm. d'un traité sur le vide.
  • 15Nom de diverses plantes. Lait battu, la fumeterre.

    Lait de couleuvre, le réveil-matin ou euphorbia cyparissias, L.

    Lait doré, l'agaric délicieux.

    Lait d'oiseau, l'ornithogale blanc.

    Lait de Sainte-Marie, le chardon-Marie.

    Lait d'âne, laiteron

  • 16Nom de certaines substances minérales. Lait de roche, chaux carbonatée spongieuse.

    Lait de montagne, variété terreuse de carbonate de chaux.

PROVERBES

Le vin est le lait des vieillards, il soutient leurs forces.

Il sait connaître mouches en lait, c'est-à-dire il n'est pas niais, il sait l'air du monde.

Si on lui tordait le nez, il en sortirait du lait, voy. TORDRE.

HISTORIQUE

XIIIe s. Le lait d'amandes au lait dolz, Barbazan, Fabliaux, t. IV, p. 96. Il vivent du let de leur bestes, Joinville, 230.

XIVe s. Lait d'amandes : pourboulez et pelez vos amandes…, Ménagier, II, 5. Qu'elle ne le vous baille point [le lait] s'elle y a mis eaue, car moult souvent elles agrandissent leur lait, ib. II, 5.

XVe s. Le comte de Flandre qui eut des nouvelles des laits… qui alloient à Gand… si y mit remede, Froissart, II, II, 148. Rien ne congnois ; si fais, mouches en laict ; L'ung est blanc, l'autre est noir, c'est la distance [différence], Villon, Débat du cœur et du corps, Ballade. Je congnois bien mouches en laict ; Je congnois à la robe l'homme, Villon, Ballade des menus propos. Doit-il presumer [le mari] n'enquester Qui est Michaut ne Michelet, S'il congnoistra mouches en laict ? Coquillart, Droits nouveaux.

XVIe s. Ô gentil joli vin clairet, Qui sert aux vieilles gens de lait, Tu sois bien venu…, J. le Houx, Vau de Vire, 38. Nous avons toujours quelques hardes perdues que nous leur faisons payer ; nous demandons du lait de truye à l'hostesse ; l'un fait le mauvais, l'autre le Judas, et tout vient en partage avec les compagnons, D'Aubigné, Faen. III, 1. Sur ce point voilà la mer calme comme du lait, D'Aubigné, Hist. II, 80. Le lait de tithymal, Paré, V, 21. Laict clair ou petit laict, Paré, XVI, 22. Vin sur laict est souhait ; laict sur vin est venin, H. Estienne, Précell. du lang. fr. 170. Avalant cela doux comme laict, Nuits de Straparole, t. II, p. 20, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. laissea ; wallon, lèsai ; namur, lasia ; Hainaut, lachau, lassau ; bressan, lassay ; provenç. lach, lag, lait, layt ; catal. llet ; espagn. leche ; portug. leite ; ital. latte ; du lat. lactem, accusatif archaïque de lac. Comp. le celtique : kymri, llaeth ; irland. lacht ; bas-bret leaz. Les patois laissea, lèsai, etc. viennent d'un diminutif lactellum.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

LAIT. Ajoutez :
17Arbre à lait ou arbre à la vache, voy. ARBRE à LA VACHE dans le Supplément, au mot ARBRE.