« lasser », définition dans le dictionnaire Littré

lasser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

lasser

(lâ-sé) v. a.
  • 1Causer la lassitude physique. Un voyage si long doit vous avoir lassée, Corneille, Tite et Bérén. II, 5. Il ne faut pas que le roi se persuade que ce palais superbe qui occupe aujourd'hui tant d'esprits et qui lasse tant de mains, éternise son nom, Ménage, Préface aux œuvres de Malherbe. Dès qu'il [Charles XII] put monter à cheval, il reprit ses fatigues ordinaires, toujours se levant avant le soleil, lassant trois chevaux par jour, faisant faire l'exercice à ses soldats, Voltaire, Charles XII, 5.

    Absolument. Cette danse lasse beaucoup.

    Fig. La moisson de nos champs lassera nos faucilles, Et les fruits passeront les promesses des fleurs, Malherbe, II, 1. Ainsi ce roi qui seul a durant quarante ans Lassé tout ce que Rome eut de chefs importants, Racine, Mithr. I, 1. Le malheur qu'il sait vaincre et qu'il ne peut lasser, Ducis, Osc. IV, 2.

  • 2Causer la lassitude morale. Ne vous suffit-il pas de lasser la patience des hommes, sans lasser encore celle de mon Dieu ? Sacy, Bible, Isaïe, VII, 13. Moi-même revêtu d'un pouvoir emprunté… J'ai cent fois dans le cours de ma gloire passée Tenté leur patience [des Romains] et ne l'ai point lassée, Racine, Brit. IV, 4. Les maux ont lassé mon courage, Voltaire, Mérope, II, 5. Qui peut avoir sitôt lassé votre justice ? Voltaire, ib. III, 4.
  • 3Ennuyer, dégoûter. Je m'accoutume à faire de longues lettres, et j'ai peur de vous lasser, Voiture, Lett. 23. Traître, je suis lassé d'entendre tes leçons, Tristan, Mariane, III, 5. Tant de précaution commence à me lasser, Corneille, Sertor. IV, 2. Je ne trouve qu'en vous je ne sais quelle grâce Qui me charme toujours et jamais ne me lasse, Racine, Esth. II, 7. Les dieux n'étaient pas encore lassés de me persécuter, Fénelon, Tél. X.

    Absolument. Il ne faut point détourner l'esprit ailleurs, sinon pour le délasser, mais dans le temps où cela est à propos ; le délasser quand il faut et non autrement ; car qui délasse hors de propos, il lasse, Pascal, Pensées, t. I, p. 290, édit. LAHURE. Rien ne lasse comme les choses extraordinaires devenues communes ; il n'y a que les besoins renaissants qui puissent donner du plaisir tous les jours, Voltaire, Amabed, 17e lettre.

  • 4Se lasser, v. réfl. Devenir physiquement las. Ils se sont lassés à force de courir. La barbarie des bourreaux se lasse sur un corps formé par l'Esprit saint, Massillon, Carême, Passion.

    Fig. Auguste s'est lassé d'être si rigoureux, Corneille, Cinna, III, 1. Qui se lasse d'un roi peut se lasser d'un père, Corneille, Nicom. II, 1. On se lasse bientôt de l'amour d'une femme, Mais la soif de régner règne toujours sur l'âme, Corneille, Perth. III, 3. Il n'est pas encor temps que l'amitié se lasse, Corneille, Sertor. IV, 3. Le ciel s'est donc lassé de m'être impitoyable, Corneille, ib. V, 2. Ce grand homme [César], a-t-on dit, était persuadé que la beauté du langage dépend beaucoup plus d'user des meilleurs mots que de les diversifier, et, s'il était content d'une expression, il ne s'en lassait point, et ne craignait pas non plus d'en lasser les autres, Méré, Œuvres posthumes, p. 45. De travailler pour lui [l'estomac] les membres se lassant, La Fontaine, Fabl. III, 2. Un mari qui vous adore, qui ne peut se lasser d'être auprès de vous, Sévigné, 24. Néron de vos discours commence à se lasser, Racine, Brit. III, 8. Peut-être la fortune est prête à vous quitter… Prévenez son caprice avant qu'elle se lasse, Racine, Esth. III, 1. Dieu même, disent-ils, s'est retiré de nous… Et sa miséricorde à la fin s'est lassée, Racine, Athal. I, 1. Enfin, pour ne pas parler de tous les anciens historiens, est-il un homme sensé qui se lasse de la lecture de Plutarque ? Rollin, Traité des Ét. III, 3.

REMARQUE

Se lasser régit tantôt la préposition à, tantôt la préposition de devant un infinitif. Dans le premier cas, il signifie faire une chose avec effort jusqu'à la lassitude : L'autre en vain se lassant à polir une rime… , Boileau, Disc. au roi. ; dans le second, il signifie se dégoûter, perdre patience, renoncer à.

HISTORIQUE

XIe s. [Se] Lasserat Charles, si recreront si Franc [ses Français refuseront d'aller plus loin], Ch. de Rol. LXVII.

XIIe s. Du cheval [il] descendi, où il n'ot que lasser, Sax. XII.

XIIIe s. Ensi reposerent ceus de l'ost, qui moult erent lassés celle nuit, Villehardouin, CVI. Les chevaus estoient lassez, et le jour estoit eschaufé, Joinville, 227.

XVe s. Jeune, gente, nompareille princesse, Puisque ne puis veoir vostre jeunesse, De m'escrire ne vous veuillez lasser, Orléans, Bal 38.

XVIe s. Il survint une grosse pluye qui les rompit et lassa encore plus que la besongne qu'ils avoient faitte, Amyot, Syll. 39.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. lassar ; catal. llassar ; ital. lassare ; du lat. lassare (voy. LAS 1).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

LASSER (la-sé), v. a. Prendre, saisir avec le lasso. Aussitôt qu'il l'a lancé [le lasso], les deux gauchos montés lancent leurs chevaux de manière à entraîner les bœufs lassés jusqu'à ce que leurs têtes viennent se choquer contre la barrière, Journ. offic. 19 mars 1877, p. 2162, 1re col.

ÉTYMOLOGIE

Espagn. lasso, lacs.