« laver », définition dans le dictionnaire Littré

laver

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

laver

(la-vé) v. a.
  • 1Nettoyer avec de l'eau ou avec quelque autre liquide. Laver le plancher. Il [Jésus] commença à laver les pieds de ses disciples, et à les essuyer avec le linge qu'il avait autour de lui, Sacy, Bible, Év. St Jean, XIII, 5. L'onde tiède, on lava les pieds des voyageurs, La Fontaine, Philém. et Bauc. Le déluge lava le monde, le renouvela et fut l'image du baptême, Bossuet, Élévat. sur myst. VIII, 5. Et qu'un sang pur par mes mains épanché Lave jusques au marbre où ses pas ont touché, Racine, Athal. II, 8.

    Se laver les mains, nettoyer ses mains avec de l'eau. Se lavant les mains devant le peuple, il [Pilate] leur dit : je suis innocent du sang de ce juste, ce sera à vous à en répondre, Sacy, Bible, Évang. St Math. XXVII, 24.

    Fig. et familièrement. Se laver les mains d'une chose, déclarer qu'on n'en veut pas être responsable ; locution tirée de l'acte de Ponce-Pilate. Ma foi, monsieur, si Scapin vous fourbe, je m'en lave les mains et vous assure que je n'y trempe en aucune façon, Molière, Scapin, III, 6. Je vous en donne avis et en lave mes mains, Sévigné, 22 sept. 1687.

    Fig. et familièrement. Laver la tête à quelqu'un, lui faire une sévère réprimande. [Neptune] Après avoir lavé la tête Aux vents auteurs de la tempête, Scarron, Virg. I. Le roi envoya chercher Pontchartrain, et lui commanda de laver rudement la tête à son parent, Saint-Simon, 24, 26. Ah ! mon oncle, parbleu ! je vous trouve à propos Pour vous laver la tête et vous dire en deux mots…, Regnard, le Distrait, III, 2.

    On disait dans le même sens en parlant d'une femme : laver la cornette. Ce qu'il avait à faire n'était autre chose que d'avoir le plaisir de lui laver sa cornette, Sévigné, 27 fév. 1671.

    Fig. et dans le style élevé et poétique. Laver ses mains, ses bras dans le sang, tuer beaucoup de personnes. Il vous faudra… Soutenir vos rigueurs par d'autres cruautés, Et laver dans le sang vos bras ensanglantés, Racine, Brit. IV, 3.

  • 2 Absolument. Laver, se laver les mains avant le repas. On lava et on se mit à table. Tout le monde au son d'une cloche Dans une salle se trouva ; Énée avec Didon lava, Scarron, Virg. I. Quand il [Monsieur] était au dîner du roi, il remplissait et égayait fort la conversation ; là, quoique à table, il donnait la serviette au roi en s'y mettant et en sortant… il y lavait, Saint-Simon, 417, 9.

    Donner à laver à quelqu'un, lui présenter de l'eau et un linge, quand il va se mettre à table, afin qu'il se lave les mains. L'électeur de Brandebourg donna à laver à l'empereur et à l'impératrice, Voltaire, Mœurs, 70. On parfume l'hôte, on lui donne à laver dans des aiguières d'or et d'argent, Chateaubriand, Génie, II, VI, 3.

    Pierre à laver, pierre en forme de table, dont la surface est légèrement inclinée et sur laquelle on lave la vaisselle, les formes d'imprimerie, etc.

  • 3 Terme de chimie. Ôter par le moyen de l'eau les impuretés grossières de quelque mixte.

    Terme de monnoyeur. Laver au plat, laver les cendres et les balayures pour en retirer les parcelles d'or et d'argent.

  • 4Laver un livre, les feuillets d'un livre, une estampe, les tremper dans une eau chargée d'acide chlorhydrique, pour en ôter les taches.

    Laver du papier, le tremper dans une eau chargée d'alun, pour lui donner plus de consistance et l'empêcher de boire.

    Laver la laine à dos, nettoyer la laine d'un mouton avant de le tondre.

  • 5Laver les couleurs, les faire tremper et délayer dans l'eau, afin que, la couleur se précipitant au fond, on puisse ôter les saletés qui s'amassent au-dessus de l'eau.

    En termes de peinture, laver c'est coucher les couleurs à plat, sans les pointiller.

    En termes de dessinateur, laver, c'est étendre sur un dessin une ou plusieurs teintes d'encre de Chine, de bistre ou d'autre couleur. Laver un dessin sur un trait à l'encre, au crayon. Laver, dans un plan, les masses de constructions en rouge, et les masses de verdure en vert.

  • 6En parlant d'un fleuve, ou de la mer, baigner, passer auprès. Toutes les plaines… Que l'Inde et l'Euphrate lavent, Malherbe, II, 4. Et jusqu'au pied des murs que la mer vient laver, Racine, Baj. V, 11. La Tamise lave les bords du vaste et peu magnifique palais des rois de la Grande-Bretagne, Hamilton, Gramm. 7.
  • 7 Fig. Effacer, avec un nom de chose pour régime, comme par une eau qui enlève une tache. Mais, pour en recevoir le sacré caractère Qui lave nos forfaits dans une eau salutaire, Corneille, Poly. I, 1. Après avoir lavé ces taches que le péché laisse en nous, Fléchier, Lam. Dans le sang ennemi tu peux laver ton crime, Racine, Alex. IV, 3. Tout mon sang doit laver une tache si noire, Racine, Mithr. III, 1. Le bain sacré de la pénitence où il venait laver les souillures de son âme, Massillon, Or. fun. Villars. C'est ici la montagne où, lavant nos forfaits, Il [Jésus] voulut expirer sous les coups de l'impie, Voltaire, Zaïre, II, 3. Lavons, mon cher Brutus, l'opprobre de la terre ; Vengeons ce Capitole au défaut du tonnerre, Voltaire, M. de Cés. II, 4.

    Laver ses péchés avec ses larmes, pleurer ses péchés.

    Purifier, justifier, avec un nom de personne pour régime. Cette âme que vous venez de laver dans les eaux du jubilé, Sévigné, 269. En deux prédications de saint Pierre huit mille Juifs se convertissent, et, pleurant leur erreur, ils sont lavés dans le sang [de Jésus-Christ] qu'ils avaient versé, Bossuet, Hist. II, 7. Il [le baptême] ne nous marque que notre entrée dans l'Église, et nous lave de nos péchés, Bossuet, Euchar. II, 6. Peut-être ferez-vous un jour quelque action d'éclat qui vous lavera de tout soupçon, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 13 oct. 1698. Laissez-moi nous laver l'un et l'autre Du crime que sa vie a jeté sur la nôtre, Racine, Bajaz. IV, 6. Le sang coule sur l'autel pour vous laver de vos souillures, Massillon, Carême, Temples.

  • 8Punir, venger. Il m'a rendu l'honneur, il a lavé ma honte, Corneille, Cid, II, 9. Avant ce jour fini, ces mains, ces propres mains Laveront dans son sang la honte des Romains, Corneille, Hor. III, 6. Laissez-moi m'assouvir dans mon courroux extrême, Et laver mon affront au sang d'un scélérat, Molière, Amph. III, 5. Il expire ; et nos Grecs irrités Ont lavé dans son sang ses infidélités, Racine, Androm. V, 3.

    Laver une injure, un outrage dans le sang, se battre avec quelqu'un qui nous a grièvement offensés, le tuer, le blesser. Ce n'est que dans le sang qu'on lave un tel outrage, Corneille, Cid, I, 8.

  • 9 Terme de charpenterie. Ôter avec la besaiguë les traits de scie et les rencontres d'une pièce de bois de sciage, pour la dresser et l'aviver.
  • 10Dans une espèce d'argot du jour, laver se dit pour vendre, dépenser. Il a lavé sa montre. Vous avez pour quarante francs de loges et de billets à vendre, et pour soixante francs de livres à laver au journal, Honoré de Balzac, Un grand homme de province à Paris, t. II, p. 47, dans FR. MICHEL, Argot.
  • 11Se laver, v. réfl. Se nettoyer avec l'eau. Ils se lavaient trois fois par jour, tandis que les Portugais ne se lavent qu'une fois par semaine, Voltaire, Philos. Serm. Rabbin Akib.

    Particulièrement. Nettoyer ses mains. Le sommelier en hâte est sorti de la cave ; Déjà monsieur le maître et son monde se lave, Régnier, Sat. VI.

  • 12 Fig. Se purifier, se justifier. Et ne te souille pas au lieu de te laver, Mairet, Sophon. I, 1. J'ai bien voulu chez vous leur faire compagnie, Pour vous voir vous laver de cette calomnie, Molière, Mis. V, 4. L'hérésie a beau se laver de cet opprobre, Massillon, Pet. carême, Respect. Pouvez-vous vous laver d'un procédé si malhonnête ? Dancourt, Chev. à la mode, V, 6. Plus il [Lally] s'obstinait à vouloir se laver à leurs dépens [les officiers ses subordonnés], plus il se noircissait, Voltaire, Louis XV, 34.

    Être effacé, en parlant des souillures morales. Si mon crime par là se peut enfin laver, Corneille, Cid, V, 7. Une injure répondue à une injure ne suffit point ; cela ne peut se laver, s'effacer que par le sang de votre ennemi ou le vôtre, Marivaux, Double inconst. III, 4.

PROVERBES

Une main lave l'autre, c'est-à-dire les parents, les associés se secourent, se défendent.

À laver la tête d'un âne, d'un More, on perd sa lessive, c'est-à-dire on perd les peines qu'on prend en voulant instruire une personne obstinée, indocile, stupide, ou en voulant lui faire entendre raison.

HISTORIQUE

XIe s. [Les corps] Bien sont lavez de piment et de vin, Ch. de Rol. CCX.

XIIe s. Quant fu fais li services [divin], si sont alé laver, Sax. XII. Icel sanc de pechié covint par sanc laver ; Pur relever le chief covint le chief doner, Th. le mart. 149.

XIIIe s. Li aver [les avares] Qui ne vuelent lor cuer laver De la grant ardure et du vice à la convoiteuse avarice, la Rose, 4822. Pour nient [je] soffri ennui en cest siecle, et lavé mes mains entre les innocenz, Psautier, f° 86. Il me demanda si je lavoie les piez aus poures le jour du grant jeudi, Joinville, 194.

XVe s. Le roy, combien que cest offre ne luy plaisoit gueres, se prinst à laver [on était à dîner], sans trop respondre à propos, Commines, IV, 10. Et luy dictes [au roi] qu'il m'a bien fait laver ici par son chancelier, mais que, avant qu'il soit ung an, il s'en repentira, Commines, I, 1.

XVIe s. Il entroit plusieurs fois le jour dedans le baing pour se laver et nettoyer, Amyot, Sylla, 73. L'armée roiale commença dès le point du jour à laver [nettoyer] les logis, et dans neuf heures les liguez en perdirent trois, au dernier desquels demeura sur la place plus de 800 hommes, D'Aubigné, Hist. III, 266. À main lavée Dieu mande la repeue, Cotgrave En vaisseau mal lavé ne peut on vin garder, Cotgrave Pour laver ses mains on ne vend pas sa terre, Cotgrave Me suis trouvé avec des damoiselles qui se lavoient la gorge des baguenauderies que leur avoient ramagé leurs aimez courtisans, Contes de Cholières, f° 220, dans LACURNE. Les pauvres femmes sont abusées et deshonorées du monde ; et, qui plus est, vous vous en vantez, et lavez vostre bouche de nous comme de vieilles charognes trouvées sur les fumiers, Nuits de Straparole, t. I, p. 405, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. laivai ; provenç. et espagn. lavar ; ital. lavare ; du lat. lavare ; comparez le grec λούειν ; la racine est lu, qu'on retrouve dans luere, et qui reçoit un gouna dans λούω.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

LAVER. Ajoutez : - REM. On dit populairement : laver à quelqu'un la tête avec du plomb, le tuer d'un coup de fusil ou de pistolet. Voici une phrase qui explique cette locution : Il ne faut plus se le dissimuler, les aristocrates sont comme les bouteilles, il faut du plomb pour les nettoyer, le P. Duchêne, 255e lettre, p. 2.. On sait qu'on se sert de grains de plomb pour nettoyer les bouteilles.