« médiocre », définition dans le dictionnaire Littré

médiocre

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médiocre

(mé-di-o-kr') adj.
  • 1Qui est entre le grand et le petit, entre le bon et le mauvais. Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée, La Rochefoucauld, Max. 375. Tâchez, mon enfant, de vous accommoder un peu de ce qui n'est pas mauvais ; ne vous dégoûtez point de ce qui n'est que médiocre, Sévigné, 18 mars 1671. Dans les fortunes médiocres, l'ambition encore tremblante se tient si cachée qu'à peine se connaît-elle elle-même, Bossuet, le Tellier. N'attendez pas que j'ouvre ici une scène tragique, que je représente ce grand homme étendu sur ses propres trophées… dans les pertes médiocres on surprend ainsi la pitié des auditeurs, Fléchier, Turenne. Les sots lisent un livre et ne l'entendent point ; les esprits médiocres croient l'entendre parfaitement ; les grands esprits ne l'entendent quelquefois pas tout entier, La Bruyère, I. Il n'y a rien qui se soutienne plus longtemps qu'une médiocre fortune, La Bruyère, VI. Une bonne terre, quoique médiocre en étendue, Fénelon, Tél. XI. Non, mes frères, la vertu ne dégénère jamais en vice médiocre, Massillon, Carême, Inconst. Il paraît ici des couplets contre tout le monde ; mais ils sont assez, comme tous les hommes d'aujourd'hui, malins et médiocres, Voltaire, Lett. Formont, 29 mai 1732. Peut-être les hommes d'une fortune médiocre sont en tout pays les meilleurs citoyens, puisqu'ils sont au-dessus d'une extrême pauvreté qui peut conduire à des bassesses, et au-dessous de la grande opulence qui nourrit presque toujours l'ambition, Voltaire, Mél. hist. Mensonges impr. Question intéressante. Les muses haïssent le genre médiocre et tempéré, Chateaubriand, Génie, II, II, 8.

    Avec l'un des adverbes bien, fort, etc. médiocre se dit de ce qui est au-dessous du médiocre. Son revenu est très médiocre. Son talent est bien médiocre.

    De même, avec la négation, il se dit de quelque chose de considérable. L'impatience que j'ai n'est pas médiocre, Sévigné, 19. Je voudrais bien en avoir une [espérance] plus prochaine de vous avoir cet hiver avec moi ; pour vous dire le vrai, mes désirs là-dessus ne sont pas médiocres, Sévigné, 15 mai 1676. De la manière dont on m'a parlé, l'article de votre jeu n'est pas médiocre sur votre dépense, Sévigné, 10 mai 1676.

    Plus que médiocre, de peu de valeur. La gazette de Manheim est un papier allemand plus que médiocre, Corresp. du gén. Klinglin, I, 372. Je ne puis pas vous cacher que mes espérances sont plus que médiocres, ib. p. 183.

  • 2De peu d'esprit, de peu de talent, de peu de capacité, en parlant des personnes. M. de Longueville avait, avec le beau nom d'Orléans, de la vivacité, de l'agrément, de la dépense, de la libéralité, de la justice, de la valeur, de la grandeur ; et il ne fut jamais qu'un homme médiocre, parce qu'il eut toujours des idées qui furent infiniment au-dessus de sa capacité, Retz, Mém. t. I, liv. II, p. 294, dans POUGENS. Nous affectons souvent de louer avec exagération des hommes assez médiocres, La Bruyère, XII. Ce n'est pas sur une personne médiocre que je prétends avoir la supériorité, Fénelon, Dial. des morts anc. Dial. 30. L'approbation universelle est plus ordinairement pour l'homme médiocre, Montesquieu, Lett. pers. 145. Il ne faut se moquer ni de ceux qui font du bon, ni de ceux qui font du très mauvais, mais de ceux qui, étant médiocres, se croient des génies et font les importants, Voltaire, Dict phil. Art dramatique. Mes divins anges, il n'y a que Racine dans le monde ; s'il me vient quelqu'un de sa famille, je vous promets de le bien traiter ; mais, pour Campistron, la Grange-Chancel, Crébillon et moi, nous sommes des gens excessivement médiocres, Voltaire, Lett. d'Argental, 9 mars 1763.
  • 3 S. m. Ce qui est médiocre. …Dans l'art dangereux de rimer et d'écrire Il n'est point de degré du médiocre au pire, Boileau, Art p. IV. Ils [les esprits justes, doux, modérés] ne peuvent au plus qu'être les premiers d'une seconde classe et exceller dans le médiocre, La Bruyère, I. C'est parce qu'on a senti par les réflexions et comme par l'expérience la distance énorme du médiocre à l'excellent qu'on ne peut plus souffrir le médiocre, D'Alembert, Mélanges etc. t. V, Réflexions sur la poésie.

    Au-dessous du médiocre, se dit d'une personne, d'une chose sans mérite. Ce tableau est au-dessous du médiocre. Je l'ai quelquefois rencontré [le chevalier de Ménil] chez elle [Mlle de Launai], et il m'a paru au-dessous du médiocre, Duclos, Mém. rég. Œuvres, t. V, p. 379, dans POUGENS.

  • 4 Au plur. Les médiocres, les gens qui sont dans une condition, dans une fortune médiocre. Puisque les grands, les petits et les médiocres vivent également assujettis aux mêmes nécessités naturelles, exposés aux mêmes périls, livrés en proie aux mêmes maladies, Bossuet, Gornay.

HISTORIQUE

XVIe s. Souhaits mediocres, Rabelais, Pant. IV, Nouv. prol. Passion mediocre, Montaigne, I, 10. La poësie mediocre, qui s'arreste entre deux, est desdaignée, Montaigne, I, 390. Nous vivons en un siecle qui ne produict les choses que bien mediocres, Montaigne, III, 67.

ÉTYMOLOGIE

Lat. mediocris, dérivé de medius, qui est au milieu.