« mûr », définition dans le dictionnaire Littré

mûr

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mûr, ûre

(mur, mu-r') adj.
  • 1Qui est arrivé au point de se détacher spontanément ou d'être cueilli, en parlant des fruits. Ces pêches ne sont pas mûres. Des raisins, mûrs apparemment Et couverts d'une peau vermeille, La Fontaine, Fabl. III, 11.
  • 2 Fig. Il se dit des personnes qui ont atteint un certain point de développement. Le seul fait qui me semble douteux, c'est que, dans un climat aussi froid, les femmes soient mûres d'aussi bonne heure, Buffon, Suppl. à l'hist. nat. Œuvres, t. XI, p. 225, dans POUGENS.

    Par ironie. Une fille mûre, une fille qui a passé la jeunesse, et qu'il serait grand temps de marier.

    Dans un sens analogue. Déjà un peu âgé. Deux veuves sur son cœur eurent le plus de part, L'une encor verte, et l'autre un peu bien mûre, La Fontaine, Fabl. I, 17. Un amant fait et mûr…, Regnard, le Joueur, I, 2.

    Mûr pour le ciel, en langage mystique, se dit d'une personne morte jeune, ou, simplement, dont la vie a été bien remplie. J'ai vu tendre aux enfants une gorge assurée à la sanglante mort qu'ils voyaient préparée, Et tomber sous le coup d'un trépas glorieux Ces fruits à peine éclos, déjà mûrs pour les cieux, Rotrou, Saint Genest, II, 7. Si les autres affaires ont leur temps particulier, l'affaire du salut est de tous les temps, et tout âge est mûr pour le ciel, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 144. Pleine de bonnes œuvres, mûre pour le ciel, Massillon, Myst. Assomp.

    On dit de même : mûr pour l'éternité.

  • 3 Fig. Il se dit des choses qui sont arrivées à un certain point. Ô cité mûre pour ta ruine, Chateaubriand, Itin. 7e partie.

    Vin mûr, vin qui n'a plus de verdeur et qui est bon à boire.

    Cet abcès est mûr, il est près de crever, de percer, ou il est temps de l'ouvrir.

    Cet habit est mûr, est bien mûr, il est vieux, usé, facile à déchirer. Voyez cet homme dont l'habit est un peu mûr, c'est un dîneur en ville, Picard, Provinc. à Paris, II, 1.

    Cette affaire est mûre, il est temps de s'en occuper, de la terminer. Ce projet n'est pas mûr encore, et je vous en rendrai compte dans quelques mois, si, comme je l'espère, il vient à bien, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 4 déc. 1770.

  • 4Âge mûr, âge qui suit la jeunesse. L'âge viril plus mûr inspire un air plus sage, Boileau, Art. p. III. Dans un âge plus mûr moi-même parvenu, Racine, Phèdre, I, 1.

    Homme mûr, esprit mûr, homme, esprit sage, posé, réfléchi. La raison n'est pas mûre en si verte saison, Rotrou, Antig. IV, 6. La troisième espèce [des dialogues de Platon] est de ceux qui sont propres aux personnes déjà mûres, Fénelon, Platon. La lecture de ses ouvrages [de Hobbes] demande un homme mûr et circonspect ; personne ne marche plus fermement et n'est plus conséquent, Diderot, Opin. des anc. philos. Hobbisme.

    Courage mûr, courage éprouvé. Votre courage mûr en sa verte saison, Malherbe, II, 9.

    Mûre délibération, délibération où tout a été examiné avec beaucoup d'attention.

PROVERBES

Entre deux vertes une mûre, se dit de quelque chose de bon qu'on trouve entre plusieurs choses mauvaises.

Il faut attendre à cueillir la poire qu'elle soit mûre, il ne faut point précipiter une affaire.

La poire est mûre, la poire n'est pas mûre, l'affaire est arrivée, n'est pas arrivée au point précis où il convient de s'en occuper.

HISTORIQUE

XIIIe s. De foi et de creance enterine et meüre, Berte, XLII. Car jà fame… si ferme cuer n'aura, Ne si loial, ne si meür, Que jà puist estre hom asseür De li tenir par nule paine, la Rose, 9937. …Car nous sommes seür De morir ; mais du terme, moi n'autrui n'aseür ; Plus tost meurent li jone souvent que li meür, J. de Meung, Test. 19.

XVe s. D'entre deux meures une verte Vous fault servir pour vos labeurs, Orléans, Rondeau. Aussi dit-on que qui ne cuelt [cueille] des vertes, il ne mangera jà des meures, le Jouvencel, dans LEROUX DE LINCY, Prov. t. II, p. 493. Et si elle est aultre [libertine], qui avient souvent, pensez qu'il [le mari] a assez à souffrir, et si elle lui en baille de belles, de vertes et de meures, Les 15 joyes de mariage, p. 106.

XVIe s. Mais la mort le ravit en sa jeunesse meure ; à maint homme qui vit, grand regret en demeure, Marot, III, 256. L'empereur tousjours les entretenoit, meslant entre deux vertes une meure, aujourd'hui doute, demain esperance, Du Bellay, M. 251. Devenu avec le temps plus poisant et plus meur, Montaigne, I, 32. Aprez meure deliberation de conseil, Montaigne, III, 326.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, maweur ; namur, meûr ; Hainaut, meur, fém. meurte, murte ; Berry, meûr, et aussi meux, fém. meuse, des poires meuses ; génev. meur, fém. meure ; bourg. meur, meu ; picard, meur ; provenç. madur ; espagn. maduro ; ital. maturo : du lat. maturus. On lit dans Bèze : « meur ; l'usage s'est introduit de prononcer mur. »

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MÛR. Ajoutez :
5En physiologie, il se dit d'un ovule prêt à se détacher de l'ovaire.

Dans l'élève des vers à soie, il se dit de ceux qui sont prêts à faire le cocon. Ces vers à soie sont mûrs.

REMARQUE

Ce mot, au commencement du XVIIe siècle, s'écrivait meurs au pluriel ; et Malherbe l'a fait rimer avec mœurs : Nul autre plus que moi n'a fait cas de sa perte, Pour avoir vu ses mœurs, Avec étonnement qu'une saison si verte Portât des fruits si meurs, Lexique, éd. L. Lalanne. Corneille a écrit meur, qu'il a fait rimer avec humeur : Que je vous croyais bien d'un jugement plus meur ! Ne pouviez-vous souffrir de ma mauvaise humeur ? Corneille, Galerie du Palais, V, 4. Est-ce une rime pour l'œil, ou effectivement prononçait-on meurs, meur, comme eu dans humeur, humeurs ? En tout cas, Voltaire, dans la Henriade, a encore fait rimer l'Eure avec nature.