« martyre », définition dans le dictionnaire Littré

martyre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

martyre

(mar-ti-r') s. m.
  • 1La mort ou les tourments endurés pour la religion chrétienne. La mort la plus infâme ils [les chrétiens] l'appellent martyre, Corneille, Poly. III, 3. Nous souffririons le martyre plutôt que de…, Pascal, Provinciales, II. Nous savons que toutes les vertus, le martyre, les austérités et toutes les bonnes œuvres sont inutiles hors de l'Église et de la communion du chef de l'Église, qui est le pape, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 1. La cause de leur martyre, ç'a été le mépris des idoles ; le fruit de leurs souffrances et de leur martyre, ç'a été la conversion des peuples ; et enfin ce qui en fait la perfection, c'est qu'ils ne se sont pas épargnés eux-mêmes, et qu'ils ont signalé leur fidélité par l'effusion de leur sang, Bossuet, Panég. St Victor. Dans les temps orageux de mon naissant empire [de la religion], Au sortir du baptême on courait au martyre, Boileau, Lutr. VI.
  • 2 Par extension, souffrance très intense. Et ce dernier soupir met fin à mon martyre, Corneille, Médée, V, 4.
  • 3 Fig. Toute sorte de peine d'esprit. Un mot est bientôt dit ; mais, dans un tel martyre, On n'a pas bientôt vu quel mot c'est qu'il faut dire, Corneille, Perthar. III, 1. Toi qui vois tout mon cœur, juge de son martyre ; L'ambition l'entraîne et l'amour le déchire, Corneille, Tite et Bérén. I, 1. Pour l'intérêt public rarement on soupire, Si quelque ennui secret n'y mêle son martyre, Corneille, Pulch. II, 1. Mme de Fontanges est duchesse… Mme de Montespan est enragée… vous pouvez juger du martyre que souffre son orgueil, Sévigné, 6 avr. 1684. En vérité, c'est un martyre que cette séparation, Sévigné, 22 sept. 1688. L'on cachait cette tristesse si habilement, qu'elle ne paraissait point du tout ; et l'on se livrait, pour mieux tromper, au martyre insupportable d'être à la cour, d'être belle et parée, Sévigné, 1er mars 1680. Vous ne serez jamais embarrassée de cette enfant [Pauline]… j'en jouirais, et ne me ferais point le martyre, au milieu de tous ceux dont la vie est pleine, de m'ôter cette consolation, Sévigné, 26 oct. 1688. Cette femme n'a point d'affaires ; elle ne cherche qu'à faire des visites ; elle vient de vingt lieues loin… d'abord me voilà à me cacher dans ces bois, comme vous savez, pour différer mon martyre, Sévigné, 21 juin 1680. Lisette, dont l'empire S'étend jusqu'à mon vin, J'éprouve le martyre D'en demander en vain, Béranger, Infid. de Lisette.

    Mettre en martyre, tourmenter. Que tu te plais, Florise, à me mettre en martyre ! Corneille, la Gal. du Palais-Roy. III, 4.

    N'être qu'en martyre, être dans un grand tourment ; locution qui n'est plus usitée. Avec ces bons esprits je n'étais qu'en martyre ; Leur discours m'assassine, Corneille, la Veuve, I, 6.

  • 4Martyre d'amour, ou, simplement, martyre, souffrances qu'éprouve un amant. …Et d'un commun martyre Tous deux brûlaient, sans oser se le dire, La Fontaine, Fiancée. Mais si d'un œil un peu doux La belle voit son martyre, Molière, Sicilien, 9. Je hais ces vains auteurs… Ils ne savent jamais que se charger de chaînes, Que bénir leur martyre, adorer leur prison…, Boileau, Art p. II.

    Conter son martyre, son amoureux martyre, son douloureux martyre, exprimer à une femme l'amour qu'on ressent pour elle, les peines qu'il cause. Que voulez-vous me dire ? - Oronte : Qu'un rival avant moi vous contait son martyre, Th. Corneille, l'Amour à la mode, III, 6. Dans un amoureux délire, Un berger jeune et discret Disait ainsi son martyre à l'écho de la forêt, Étienne, Joconde, I, 3.

HISTORIQUE

XIe s. [Je] nel di pour ce, des vos [vôtres] iert [sera] là martire, Ch. de Rol. XLIII. Li douze pair seront mis en martire, ib. LXXI. Ce dist Rolans : ci [nous] recevrons martyre, ib. CXLI.

XIIe s. Saisne vont par ces rues, faisant moult grant martire [carnage], Sax. X. Ne il [les meurtriers] ne sunt pas mielz apresté del ferir, Que mis [mon] curages est del martire suffrir, Th. le mart. 143.

XIIIe s. Einsi dura la meslée jusques à grant piece de la nuit, et toutes voies les departirent à grant travail et à grant martyre, Villehardouin, L. Je suefre tel martire Que j'en suis devenue aussi jaune com cire, Berte, LXXXVIII. Seneque mist il [Néron] à martire Son bon mestre, et li fist elire De quel mort morir il vorreit, la Rose, 6233.

XVIe s. Ainsi parloit mon cuer plein de martire, Marot, I, 340. Quelle peine, quel martyre est-ce [servir un tyran] ! La Boétie, Servit. volont.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. martyri ; esp. et ital. martirio ; du lat. martyrium, de martyr.