« merveilleux », définition dans le dictionnaire Littré

merveilleux

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

merveilleux, euse

(mèr-vè-lleû, lleû-z', ll mouillées, et non mèr-vè-yeû) adj.
  • 1Qui tient de la merveille. Et loin de te blâmer, tant que j'aurai de voix, Je pourrai publier tes merveilleux exploits, Mairet, Mort d'Asdr. II, 3. Seigneur, cette surprise est pour moi merveilleuse, Corneille, Pomp. I, 4. Je ne sais qui fut ta nourrice ; Mais ton corps me paraît en merveilleux état, La Fontaine, Fabl. II, 16. C'était le temps où elle devait être livrée à elle-même, pour mieux sentir dans la suite la merveilleuse victoire de la grâce, Bossuet, Anne de Gonz. De ses traits et des miens le merveilleux rapport Ne saurait envers vous justifier sa mort, Quinault, Agrip. II, 4. Ce cousin des quatre fils Aimon Dont tu lis quelquefois la merveilleuse histoire, Boileau, Ép. X. Et en effet, grand Dieu ! vos serviteurs pourraient-ils mener sur cette terre de malédiction la vie sainte et merveilleuse qu'ils mènent, si vous n'étiez sans cesse avec eux ? Massillon, Paraph. ps. XV, V. 2.

    Il se dit aussi des personnes. Vous savez comme le roi a donné deux mille livres de pension à Mlle de Scudéry… elle fut remercier Sa Majesté… c'était une affaire que de recevoir cette merveilleuse Muse, Sévigné, 5 mars 1683. La Mousse [un cartésien] est fort glorieux d'avoir fait en vous une si merveilleuse écolière, Sévigné, à Mme de Grignan, 20 sept. 1671. Et les villes, et les montagnes, et les pierres mêmes y parlaient de ces hommes merveilleux, Bossuet, Hist. II, 3. Il n'est plus question, à l'heure qu'il est, de savoir si Homère, Platon, Cicéron, Virgile, sont des hommes merveilleux ; c'est une chose sans contestation, puisque vingt siècles en sont convenus : il s'agit de savoir en quoi consiste ce merveilleux, Boileau, Longin, Subl. réfl. 7. Quel sera quelque jour cet enfant merveilleux ? Racine, Athal. II, 9. Parut-il jamais un homme plus merveilleux [que Jésus-Christ], plus divin dans ses œuvres et dans toutes les circonstances de sa vie ? Massillon, Avent, Divinité de J. C.

    Par plaisanterie. Embrasse-moi, car tu es trop merveilleux, Hamilton, Gramm. 3.

    Par ironie. Toi qui crois tout savoir, merveilleux Furetière, La Fontaine, Épigr. contre Furetière. Le monde est merveilleux dans ses idées, et prend bien plaisir à se tromper, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 418.

    Familièrement et par ironie. Vous êtes un merveilleux homme, c'est-à-dire vous êtes un homme étrange, extraordinaire par vos sentiments, par vos manières.

  • 2Excellent en son espèce. Voilà du vin merveilleux. Du Metz avait remarqué dès hier un endroit qu'il prétend merveilleux pour battre la citadelle à revers, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 212, dans POUGENS. Ces poulets sont d'un merveilleux goût, Boileau, Sat. III. Voilà donc le fruit de cette éducation merveilleuse dont ton père était si vain ! Diderot, Père de famille, II, 8.
  • 3 S. m. Ce qu'il y a d'excellent. Il a du bon et du louable, qu'il gâte par l'affectation du grand et du merveilleux, La Bruyère, XI. À l'égard de son éducation si vantée, je n'en vois pas le merveilleux, Genlis, Adèle et Théod. t. III, p. 161, dans POUGENS.
  • 4Ce qui, dans un événement, dans un récit, s'éloigne du cours ordinaire des choses. [Corneille] inspiré d'un génie extraordinaire et aidé de la lecture des anciens, accorda heureusement la vraisemblance et le merveilleux, et laissa bien loin derrière lui tout ce qu'il avait de rivaux, Racine, Disc. pron. à la récept. de Th. Corn. Le comte, qui n'avait point parlé jusque-là, tant il était frappé du merveilleux de cette aventure…, Lesage, Diable boit. ch. 5, dans POUGENS. Le merveilleux, qui n'est que le faux qui fait plaisir à croire, augmente et croît à mesure qu'il passe par un plus grand nombre de têtes, Buffon, Quadrup. t. VI, p. 6.
  • 5Ce qui est produit par l'intervention des êtres surnaturels. Tite-Live, à qui le merveilleux fait tant de plaisir à raconter, Buffon, Hist. min. Introd. Œuvr. t. VII, p. 210. C'est surtout sur le siècle de Thésée que les Grecs se sont plu à répandre un merveilleux qui fait connaître leur esprit et leur caractère, Condillac, Hist. anc. I, 13. L'homme aime le merveilleux ; moi-même je me surprends à tout moment sur le point de m'y livrer, Diderot, Opin. des anc. philos. (pythagorisme). Le merveilleux naturel est pris, si je l'ose dire, sur la dernière limite des possibles… le merveilleux surnaturel est l'entremise des êtres qui, n'étant pas soumis aux lois de la nature, y produisent des accidents au-dessus de ses forces, ou indépendants de ses lois, Marmontel, Élém. litt. Œuvr. t. VIII, p. 363, dans POUGENS. L'histoire, assujettie aux lois de la critique, rejetait le merveilleux, Barthélemy, Anach. Introd. part. II, sect. 3.
  • 6L'intervention d'êtres surnaturels comme dieux, anges, démons, génies, fées, dans les poëmes et autres ouvrages d'imagination. Les poëmes ont plus du merveilleux, quoique toujours invraisemblables ; les romans ont plus du vraisemblable, quoiqu'ils aient quelquefois du merveilleux, Huet, Origine des romans, p. 5. Le merveilleux même doit être sage ; il faut qu'il conserve un air de vraisemblance, et qu'il soit traité avec goût, Voltaire, Ess. poésie ép. ch. 9. Les poëtes n'ont pas su tirer du merveilleux chrétien tout ce qu'il peut fournir aux muses, Chateaubriand, Génie, II, V, 7.

    Merveilleux allégorique, celui où, au lieu de personnages surnaturels, on personnifie les facultés ou les sentiments et on leur suppose une action physique sur ceux qui les possèdent. Le merveilleux allégorique est toujours froid. Notre religion est très susceptible d'une espèce de merveilleux que Voltaire a jugé praticable puisqu'il a essayé de le mettre en œuvre, et il n'a su qu'une fois en tirer parti, La Harpe, Lycée, III, I, 2.

  • 7Dans le langage familier, un merveilleux, une merveilleuse, celui, celle qui affecte de belles manières, et qui a beaucoup de prétentions. Un jeune merveilleux. Non, tous nos merveilleux près d'elle ont échoué, Lanoue, Coquette corr. I, 1. Ils aiment beaucoup mieux Dans les sociétés faire les merveilleux, Al. Duval, Tyran domest. I, 6.

    Adjectivement. Mon cher marquis, M. le vicomte de Melville est beaucoup trop merveilleux pour moi, Genlis, Théât. d'éduc. le Voyageur, II, 6.

    Merveilleuse pour femme à la mode s'est dit particulièrement sous le Directoire.

HISTORIQUE

XIe s. Dist Blancandrins : merveillus hom est Charles, Ch. de Rol. XXVII. La bataille est merveilluse et pesant, ib. CCXLV.

XIIe s. Il lui dona un mervellos destrier, Roncisv. 30. La bataille est mout merveillose et dure, ib. 64.

XIIIe s. Par foi, fit ele alors, merveille ai egardée [d'une épée fée qui avait tranché une enclume] ; Pour che vueil que soiez merveilleuse apelée, Doon de Maïence, V. 6924. Celle berrie [plaine] commençoit à unes tres grans roches merveilleuses qui sont en la fin du monde devers Orient, Joinville, 262.

XVe s. Les fortunes de mer sont perilleuses et pernicieuses, et l'air de Portingal chaud et merveilleux, Froissart, II, III, 18. Les Romains, qui sont merveilleux et traitres, seront maistres et seigneurs, Froissart, II, II, 20. Et conceut une très merveilleuse haine contre luy, Commines, III, 2.

XVIe s. Il advint, pendant qu'on les bastissoit, un accident merveilleux, Amyot, Pér. 30. Les Atheniens firent une merveilleuse responce aux Lacedemoniens, de laquelle Aristide fut auteur, Amyot, Arist. 25.

ÉTYMOLOGIE

Merveille ; Berry, marveilleux ; bourg. morvouillou ; provenç. meravillos, meravillios ; catal. maravellos ; espagn. maravilloso ; ital. maraviglioso.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MERVEILLEUX. Ajoutez :

Rayure merveilleuse, voy. RAYURE.

Carabine merveilleuse, ancienne carabine rayée qui présentait jusqu'à 133 rayures.