« ministre », définition dans le dictionnaire Littré

ministre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ministre

(mi-ni-str') s. m.
  • 1Celui qui est chargé d'une fonction, d'un office ; celui dont on se sert pour l'exécution de quelque chose. Voici ce qu'elle écrit au ministre de ses charités, Bossuet, Anne de Gonz. Un théologien enseigné de Dieu, un prédicateur apostolique, ministre, non de la lettre, mais de l'esprit de l'Évangile, Bossuet, Bourgoing. Quels égards n'avait-elle pas pour les prêtres de Jésus-Christ, qu'elle considérait comme les ministres de la loi et les dispensateurs de son sang et de sa parole ? Fléchier, Dauphine. Ces valets, autour d'eux étendus, De leur sacré repos ministres assidus, Boileau, Lutr. IV. Des vengeances des rois ministre rigoureux, Racine, Athal. II, 5. Vous, ministre de paix, dans ces temps de colère, Racine, ib. II, 5. Hé bien ! que nous fait-elle annoncer de sinistre ? Quel sera l'ordre affreux qu'apporte un tel ministre ? Racine, ib. III, 5. Un ministre public, établi pour les hommes auprès de Dieu, qui prie par office, Massillon, Confér. Excell. du sacerdoce. Un prêtre fervent est à l'autel le ministre de toutes les grâces répandues sur le corps de l'Église, Massillon, ib. On dit que dans ce trouble on voit les Euménides… Ministres des arrêts prononcés par le sort, Marcher autour d'Oreste, en appelant la mort, Voltaire, Oreste, V, 8. Vous, ministre d'un dieu de paix et de douceur, Voltaire, Olymp. V, 3.

    Fig. Nous gémissons quand on lie nos mains, et nous portons sans peine ces fers invisibles dans lesquels nos cœurs sont enchaînés ; nous crions qu'on nous violente quand on enchaîne les ministres, les membres qui exécutent, et nous ne soupirons pas quand on captive la maîtresse même, la raison et la volonté qui commande, Bossuet, Sermons, Ambition, 1. Ministre industrieux des lois de la nature, [le jardinier] Émonde les rameaux de la séve affamés, Voltaire, Loi naturelle, 4.

    Poétiquement. Le ministre de la mort, quiconque est chargé de la donner, et parfois le bourreau. Ministres de la mort, suspendez la vengeance, Voltaire, Tancr. III, 6.

    Fig. Les ministres de la mort, ce qui cause la mort. Essuyant les dangers Des pirates, des vents, du calme et des rochers, Ministres de la mort, La Fontaine, Fabl. VII, 12. Les langueurs, les tourments, ministres de la mort, T'avaient déclaré la guerre, Voltaire, Lett. roi de Pr. déc. 1758.

  • 2Les ministres du Seigneur, les ministres saints, les ministres de Jésus-Christ, de l'Évangile, de la religion, de la parole de Dieu, les ministres des autels, les prêtres. Quoique pécheur, je ne laisse pas d'être le ministre légitime de la parole de Dieu, Bourdaloue, Dim. de la Sexagés. Dominic. t. I, p. 319. Suffira-t-il contre eux [les soldats d'Athalie] de vos ministres saints ? Racine, Athal. I, 2. Ô vous ! sur ces enfants si chers, si précieux, Ministres du Seigneur, ayez toujours les yeux, Racine, ib. II, 7. La parole dont j'ai l'honneur d'être le ministre, Massillon, Pet. carême, Drapeaux. S'il est justice que les ministres de l'autel vivent de l'autel, il est naturel qu'ils soient entretenus par la société, tout comme les magistrats et les soldats le sont, Voltaire, Dict. phil. Droit canonique.
  • 3Chez les luthériens et les calvinistes, ministre du saint Évangile, ministre de la parole de Dieu, ou, simplement, ministre, celui qui fait le prêche.

    Ouvrir la bouche comme un ministre qui dit son premier sermon.

  • 4Se dit, chez les jésuites, d'un dignitaire qui commande en l'absence du général.

    Ministre général, titre que porte le supérieur général des cordeliers.

    Grand ministre, général de l'ordre de la Trinité.

  • 5Homme public chargé des principales fonctions du gouvernement. Île éternellement mémorable par les conférences de deux grands ministres, Bossuet, Mar.-Thér. De tous les ministres, le cardinal Mazarin, plus nécessaire et plus important, fut le seul dont le crédit se soutint, Bossuet, le Tellier. Quand l'éloignement de ce grand ministre [Mazarin] eut attiré celui de ses confidents, supérieur par cet endroit au ministre même, dont il admirait d'ailleurs les profonds conseils, nous l'avons vu retiré dans sa maison…, Bossuet, ib. Arcade eut l'Orient, et Honorius l'Occident ; tous deux gouvernés par leurs ministres, ils firent servir leur puissance à des intérêts particuliers, Bossuet, Hist. I, 11. Que d'amis, que de parents naissent en une nuit au nouveau ministre ! La Bruyère, VIII. Donnez-moi des Davids et des Pharaons, amis du peuple de Dieu, et ils pourront avoir des Nathans et des Josephs pour leurs ministres, Massillon, Carême, Sur la communion. De ces trois ministres, le duc de Buckingham passait pour être le moins ministre, il brillait comme un favori et un grand seigneur, Voltaire, Mœurs, 176. Les ministres, qui seront toujours les hommes du prince, tant que la nation n'influera pas dans le gouvernement, ont tous vendu leurs concitoyens à leur maître, Raynal, Hist. phil. XIX, 2. Encore une étoile qui file ?… Mon enfant, quel éclair sinistre ! C'était l'astre d'un favori Qui se croyait un grand ministre Quand de nos maux il avait ri, Béranger, Étoiles.

    Premier ministre, ministre qui est chargé par le prince de tout le gouvernement de l'État. Louis XIII, faible, malade, nullement instruit, incapable de travail, ne pouvant se passer de premier ministre, fut obligé de choisir entre sa mère et le cardinal, Voltaire, Hist. parl. ch. L.

    Ministres d'État, ministres sans portefeuille, ministres qui n'ont pas de département, et qui ne sont appelés que pour le conseil, ou, comme dans le second empire français, pour soutenir devant les chambres les projets du gouvernement. Que dites-vous de M. de Seignelay, ministre d'État à trente-six ans ? Sévigné, 587.

  • 6Envoyé d'un gouvernement auprès d'un gouvernement étranger. Les sages ministres des cours étrangères, qui le trouvent [Louis XIV] aussi convaincant dans ses discours que redoutable par ses armes, Bossuet, Mar.-Thér. Pensez-vous abaisser les rois dans leurs ministres ? Voltaire, Brutus, V, 2.

    Ministre plénipotentiaire, celui qui a un plein pouvoir pour traiter quelque affaire importante.

    Ministre public, personne envoyée par un souverain pour le représenter près d'un nation étrangère.

  • 7Gros-bec d'Amérique.
  • 8Ministre au féminin. Si la justice est la reine des vertus morales, elle ne doit pas paraître seule ; aussi la verrez-vous dans son trône servie et environnée de trois excellentes vertus, que nous pouvons appeler ses principales ministres, la constance, la prudence et la bonté, Bossuet, Sermons, Justice, préambule. Dois-je prendre pour juge une troupe insolente, D'un fier usurpateur ministre violente ? Racine, Théb. II, 3. C'est moi [Roxane] qui, du sien [amour] ministre trop fidèle, Semble, depuis six mois, ne veiller que pour elle, Racine, Baj. IV, 4.

    On a condamné cette locution ; mais elle paraît tout à fait admissible.

HISTORIQUE

XIIIe s. La moie ame [la mienne âme], qui vers toi s'humilie, garde de la bouche d'enfer et des enfernaus ministres, Psautier, f. 29. Ainsi ont no ministre [chefs d'ordres monastiques] cest ordre devisé [ordonné], Berte, XLV. Prions pour trestous les ministres Qui ont en eglise baillie [gouvernement], Arch. des miss. scient. 2e série, t. III, p. 299.

XIVe s. Il avoient oÿ que les pasteurs ministres du forfet estoient prins, Bercheure, f° 21, recto. Nous voulons que vous et touz noz autres officiaux et menistres…, Ord. des rois de Fr. t. I, p. 347.

XVe s. Ceste maistresse estoit vieille dame, si sçavoit assez de charmes et d'enchantemens ; et, quant elle voit sa ministre [sa pupille] ainsi plaindre, si luy demande qu'elle a, Lancelot du lac, t. II, f° 30, dans LACURNE. Le manger fut aorné par les ministres [serviteurs], Perceforest, t. V, f° 70.

XVIe s. [La nuit] Des amours et des jeux la ministre fidelle, Desportes, Amours d'Hippolyte, LXXI. Que ne suis-je l'oiseau ministre de l'orage Qui tient l'œil au soleil sans flechir nullement ? Desportes, ib. XVII. Qu'il les face les ministres de ses convoitises, les executeurs de ses vengeances, La Boétie, Servitude volontaire. Les ministres [protestants] preschoient publiquement que, s'ils [les paysans] se mettoient de leur religion, ils ne payeroient aucun devoir aux gentilshommes, ny au roy aucunes tailles, que ce qui luy seroit ordonné par eux, Montluc, Mém. V.

ÉTYMOLOGIE

Lat. minister ; le mot est de même radical que l'osque ministreis, génitif correspondant à minoris ; et, par conséquent, il est fait par rapport à minus comme magister est fait par rapport à magis (voy. MAÎTRE, pour la finale ister).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MINISTRE.
7Ajoutez : S'il vous arrive de passer journellement dans un bois, vous verrez peut-être chaque jour au haut d'un arbre, sur la même branche, un ministre (fringilla cyanea) mâle chantant gaiement, Journ. offic. 24 oct. 1869, p. 1384, 6e col.