« musique », définition dans le dictionnaire Littré

musique

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

musique

(mu-zi-k') s. f.
  • 1Dans le sens ancien et primitif, la musique n'était pas une science particulière, c'était tout ce qui appartenait aux Muses ou en dépendait ; c'était donc toute science et tout art qui apportait à l'esprit l'idée d'une chose agréable et bien ordonnée. Chez les Égyptiens, suivant Platon, la musique consistait dans le règlement des mœurs et l'établissement des bonnes coutumes. Selon Pythagore, les astres dans leurs mouvements forment une musique céleste. Il nous reste de saint Augustin un traité de la Musique où il n'est question que des principes et des conditions des vers. Polybe nous dit que la musique était nécessaire pour adoucir les mœurs des Arcades, qui habitaient un pays où l'air est triste et froid… Platon ne craint point de dire que l'on ne peut faire de changement dans la musique qui n'en soit un dans l'État ; Aristote, qui semble n'avoir fait sa Politique que pour opposer ses sentiments à ceux de Platon, est pourtant d'accord avec lui touchant la puissance de la musique sur les mœurs, Montesquieu, Esp. IV, 8. Il semble assez prouvé que les Grecs entendirent d'abord par ce mot musique, tous les beaux-arts ; la preuve en est que plus d'une Muse présidait à un art qui n'a aucun rapport avec la musique proprement dite, comme Clio à l'histoire, Voltaire, Pol. et législ. Comm. sur l'Esp. des lois, X. Vous pouvez juger de notre goût pour la musique par la multitude des acceptions que nous donnons à ce mot : nous l'appliquons indifféremment à la mélodie, à la mesure, à la poésie, à la danse, au geste, à la réunion de toutes les sciences, à la connaissance de presque tous les arts, Barthélemy, Voy. d'Anach. ch. XXVII.

    Ce sens a presque entièrement disparu chez nous ; il ne se retrouve que dans quelques phrases d'une signification très vague. On avait alors à l'Opéra l'esprit d'applaudir à la beauté ; la beauté n'est-ce pas de la musique ? A. Houssaye, Galer. du XVIIIe siècle, Mlle Clairon, § IV.

  • 2Science ou emploi des sons qu'on nomme rationnels, c'est-à-dire qui entrent dans une échelle dite gamme ; ce sens paraît s'être décidé nettement dans l'école d'Aristote, mais sans avoir jamais chez les anciens exclu absolument les autres sens. Avoir du goût pour la musique. La musique est un des beaux-arts. Et votre danse et ma musique auraient à souhaiter que tout le monde lui ressemblât [à M. Jourdain qui payait bien], Molière, Bourg. gent. I, 1. Ignorer la musique passait dans ces temps [l'antiquité] pour un défaut d'éducation, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. XI, 1re part. p. 213, dans POUGENS. La musique ne fut bien cultivée qu'après le seizième siècle ; mais les plus fortes présomptions font penser qu'elle est très supérieure à celle des Grecs, qui n'ont laissé aucun monument par lequel on pût soupçonner qu'ils chantassent en parties, Voltaire, Mœurs, 131. Pythagore trouva les principes de la musique dans l'inégalité des sons produits par plusieurs forgerons frappant ensemble sur une enclume, Sennebier, Ess. sur l'art d'observ. t. I, p. 296, dans POUGENS. Écartons ces objets étrangers ; il ne s'agit ici que de la musique proprement dite, Barthélemy, Voy. d'Anacharsis, ch. XXVII. Autrefois les législateurs regardaient la musique comme une partie essentielle de l'éducation ; les philosophes ne la regardent presque plus aujourd'hui que comme un amusement honnête, Barthélemy, ib. Rien ne retrace le passé comme la musique, Staël, Cor. XIV, 3.

    Apprendre la musique, apprendre, soit à composer soit à exécuter de la musique. Est-ce que les gens de qualité apprennent aussi la musique ? Molière, Bourg. gent. I, 2.

    On dit dans la même signification : savoir la musique ; enseigner, montrer la musique ; classe de musique, etc.

    Maître de musique, celui qui enseigne la musique. Votre maître de musique est allé aux champs, Molière, Mal. imag. II, 4.

    Écrire la musique, représenter les sons qui la forment par des signes qui en indiquent la hauteur, la durée et l'intensité.

    Lire la musique, reproduire par la voix ou par les instruments, avec leur hauteur, leur durée et leur intensité, les sons représentés par des signes écrits.

  • 3Production de cet art. Composer de la musique. Musique instrumentale, vocale. Messe, Te Deum en musique. Le milan alors lui réplique : Vraiment, nous voici bien ; lorsque je suis à jeun, Tu me viens parler de musique, La Fontaine, Fabl. IX, 18. Où sont donc les paroles que vous dites ? il n'y a là que de la musique écrite, Molière, Mal. imag. II, 6. Et tous ces lieux communs de morale lubrique, Que Lulli réchauffa des sons de sa musique, Boileau, Sat. X. Musique italienne, française, je suis un homme à deux mains, Regnard, Sérénade, 7. Il écoutait cette musique de danse, qui, comme toutes les musiques, fait rêver, bien qu'elle ne semble destinée qu'à la joie, Staël, Corinne, VI, 1.

    Mettre en musique, faire de la musique sur des paroles. Lulli était plein d'esprit et de goût ; plus il en avait, plus il lui était impossible de mettre en musique de telles paroles [de la Fontaine] ; Lulli même lui pardonna [la satire du Florentin], et très plaisamment, en disant qu'il aimerait mieux mettre en musique la satire de la Fontaine que ses opéras, Voltaire, Mél. litt. Lett. de la Visclède. Beuvron, qui, causant et chantant avec un égal agrément, mettait en musique les chansons de Coulanges, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 164, dans POUGENS.

    Musique grise, musique faite par des instruments qui ne donnent qu'un son fondamental, des membranes, des diapasons, des cordes gênées en leurs mouvements, des tuyaux d'orgue larges et fermés ; par opposition à musique colorée, celle qui est faite avec des cordes largement vibrantes ou des tuyaux d'orgue renforcés.

  • 4L'exécution de la musique, soit avec la voix, soit avec les instruments. Une musique de voix et d'instruments. Nous avons entendu de bonne musique. Il faut qu'une personne comme vous… ait un concert de musique chez soi tous les mercredis ou tous les jeudis, Molière, Bourg. gent. II, 1. Tous mes sots… Détonnant de concert, se mettent à chanter ; La musique sans doute était rare et charmante, Boileau, Sat. III. On faisait chez elle une fois la semaine de la musique, Rousseau, Conf. III. La musique qu'on entendait avait quelque chose de fier et de doux tout à la fois, qui conseillait noblement le sacrifice de la vie, Staël, Corinne, XVII, 6.

    Musique enragée, ou musique de chiens et de chats, ou musique d'enfer, détestable musique. Concert extravagant de musique d'enfer, Régnier, Sat. I. Pour ma consolation, j'entendais les assistants se dire à leur oreille, ou plutôt à la mienne, l'un : il n'y a rien là de supportable ; un autre : quelle musique enragée ! Rousseau, Confess. II.

    Ces locutions se disent, figurément aussi, du bruit confus de plusieurs personnes qui se querellent.

  • 5Instrument de musique, instrument avec lequel on exécute de la musique.
  • 6Notes de musique, voy. NOTE.
  • 7Livre de musique, cahier de musique, livre, cahier dans lequel de la musique est écrite.

    Musique se dit aussi pour ces livres, ces cahiers. Avez-vous apporté votre musique ?

  • 8Papier de musique, voy. PAPIER.
  • 9Concert, sérénade ; sens qui a vieilli. On dit qu'on a donné musique à quelque dame, Corneille, le Ment. I, 5. Tel à un sermon, à une musique a entendu des sentiments opposés sur…, La Bruyère, XII. À une musique où le roi était, à Versailles, Saint-Simon, 59, 247.
  • 10Musique, compagnie de musiciens qui ont coutume de jouer ensemble. Une musique de régiment. La musique de cette église est très bonne. Toute la musique de l'opéra y fait rage, Sévigné, 113. Si vous m'en croyez, allez-vous-en un peu prendre garde que la musique ne s'enivre ; elle est sujette à cela ordinairement, Dancourt, Opéra de village, sc. 7.
  • 11 Fig. Certains sons agréables ou désagréables. La voix de cette personne est une musique délicieuse. Le roi [Charles XII] demanda au major général Stuart ce que c'était que ce petit sifflement qu'il entendait à ses oreilles. - C'est le bruit que font les balles de fusil qu'on vous tire, lui dit le major. - Bon, dit le roi ; ce sera là dorénavant ma musique, Voltaire, Charles XII, 2. Ô lyre, ô mon génie, Musique intérieure, ineffable harmonie, Lamartine, Médit. 15.

    Ironiquement. Quelle musique nous fait cet enfant avec ses cris !

    Paroles qui flattent le cœur. Ils sont devenus muets ceux qui semblaient si joyeux en célébrant vos louanges, et dont les continuelles acclamations faisaient résonner à vos oreilles une musique si agréable, Bossuet, Serm. Honn. du monde, 2.

  • 12Musique mécanique, mouvements au moyen desquels des pendules, des tabatières jouent un certain nombre d'airs.
  • 13 Terme d'ouvrier maçon. Faire de la musique, mêler du poussier avec du plâtre.
  • 14Espèce de coquille du genre volute, réglée comme un papier de musique.

HISTORIQUE

XVIe s. Tous les fredons de la papisterie, et tout ce qu'ils appellent musique rompue et chose faite, et chants à quatre parties, ne conviennent nullement à la majesté de l'Église, Calvin, Instit. 711. Un asne n'entend rien en musique, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Bourg. musicle ; provenç. muzica ; esp. et ital. musica ; du latin musica ; grec, μουσιϰὴ, dérivé de μοῦσα, Muse. Μουσιϰὴ est d'abord un adjectif au féminin en sous-entendant τέχνη, c'est donc l'art des Muses, comme la rhythmique est la science des rhythmes, comme la métrique est la science des mètres. Cela explique le sens général que ce mot avait dans le principe.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MUSIQUE.
11Ajoutez :

Familièrement, une autre musique, une autre manière de parler, de se conduire. Ah ! ah ! voici une autre musique [il s'agit de Marphurius qui n'écoute pas plus Sganarelle que Pancrace, mais qui s'y refuse d'une autre façon], Molière, le Mariage forcé, sc. 8.

15 Terme de maréchal. Les clous du fer d'un cheval font de la musique, sont brochés en musique, lorsqu'ils ont été irrégulièrement plantés et qu'ils viennent sortir sur la corne à des hauteurs inégales.

PROVERBE

C'est le ton qui fait la musique, voy. 2 TON, n° 8.