« neige », définition dans le dictionnaire Littré

neige

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

neige

(nè-j') s. f.
  • 1Eau congelée qui tombe de l'atmosphère en flocons légers, d'un blanc éclatant. Une belle plaine de neige d'environ quatre-vingts lieues de tour forme notre horizon, Voltaire, Lett. d'Argental, 4 janv. 1767. Les petits flocons qui en proviennent [des gouttes d'eau atmosphériques], se réunissant plusieurs ensemble, et ne se touchant que par quelques points de leur surface, ne composent que des flocons très légers ; c'est là ce que nous appelons neige, Brisson, Traité de phys. t. II, p. 151, dans POUGENS. Aux flancs des monts altiers, à leurs cimes glacées, L'hiver a suspendu les neiges entassées, Saint-Lambert, Saisons, IV. Rien n'est plus triste que la neige en Italie, Staël, Corinne, XIX, 6. L'armée marche enveloppée de vapeurs froides ; ces vapeurs s'épaississent : bientôt c'est un nuage immense qui s'abaisse et fond sur elle en gros flocons de neige, Ségur, Hist. de Nap. IX, 11. Là ils gémissent en vain ; bientôt la neige les couvre ; de légères éminences les font reconnaître ; voilà leur sépulture, Ségur, ib. De la neige les flocons sont les papillons de la saison, A. de Soland, Proverbes et dictons rimés de l'Anjou, p. 2. Quand la neige à minuit, lente, silencieuse, Tombe aux toits endormis, Sainte-Beuve, Poésies, à David. Après ma mort, une avalanche De son linceul me couvrira, Et sur mon corps la neige blanche, Tombeau d'argent, s'élèvera, Th. Gautier, le Chasseur.

    Neiges perpétuelles, celles qui ne fondent jamais. Pour moi, j'arrivai dans des déserts affreux ; on y voit des sables brûlants au milieu des plaines, des neiges qui ne fondent jamais et qui font un hiver perpétuel sur le sommet des montagnes, Fénelon, Tél. II.

    Devenir blanc comme neige, pâlir extrêmement.

    Fig. Blanc comme neige, parfaitement innocent. Penautier sortira [de l'affaire des poisons] un peu plus blanc que de la neige, Sévigné, 22 juill. 1676.

    Je ne fais non plus de cas de cela que des neiges d'antan, c'est-à-dire je n'en fais aucun cas.

    Cela grossit comme une boule de neige, c'est une pelote de neige qui grossit, cela fait la pelote, la boule de neige, se dit de tout ce qui s'augmente par la durée et l'accumulation. Pour empêcher ce tumulte qui peut, comme une boule de neige, s'accroître merveilleusement, Patin, Nouv. lett. t. II, p. 377, dans POUGENS. C'est la scène du Dépit amoureux, quand on ne le demande [le congé] que par le désespoir de n'être pas bien avec la princesse ; et puis il se fait une pelote de neige : le congé accordé est une douleur qui confirme la première, Sévigné, Jour de Noël, 1671.

    Par exagération et par plaisanterie. Tout ce qui est froid au moral. Ninon l'a quitté [Ch. de Sévigné]… elle n'en parle pas avec beaucoup d'estime : c'est une âme de bouillie, dit-elle, c'est un corps de papier mouillé, c'est un cœur de citrouille fricassé dans de la neige, Sévigné, 44. Vous avez lu la Nouvelle Héloïse ; eh bien ! ma parole d'honneur, c'est de la neige fondue à côté de mon style de ce temps-là, Ch. de Bernard, la Femme de 40 ans, § IV.

  • 2Neige, saison des neiges. Les Ostiaks comptent par neiges et non par la marche apparente du soleil, Voltaire, Russie, I, 1. À la prochaine lune des fleurs, il y aura sept fois dix neiges, et trois neiges de plus, que ma mère me mit au monde, Chateaubriand, Atala, le Récit, les Chasseurs.
  • 3 Fig. Toute chose blanche comparée à la neige. Il faut qu'avril jaloux brûle de ses gelées Le beau pommier, trop fier de ses fleurs étoilées, Neige odorante du printemps, Hugo, Orient. 33.

    Neige, barbe blanche. En vain une neige glacée D'Homère ombrageait le menton, Lamartine, Médit. II, 26.

    Il a de la neige sur la tête, se dit d'un vieillard dont les cheveux ont blanchi.

  • 4Glace de fruits faite avec du sucre et le jus de certains fruits. La neige avec art préparée Aiguise nos sens émoussés ; On dirait que ces fruits glacés Sortent des jardins de Borée, Bernis, Quatre saisons, Été.
  • 5Œufs à la neige, plat sucré composé de blancs d'œufs battus en neige ferme et jetés quelques minutes dans du lait bouillant. Avec le reste du lait, les jaunes d'œufs, quelques aromates, on fait une crème qui se sert autour des blancs en neige.
  • 6Dentelle de peu de valeur.
  • 7 Terme d'ancienne chimie. Neige d'antimoine, oxyde d'antimoine blanc sublimé.
  • 8 Neige rouge, hydrophyte de la famille des phycées qui, en certaines circonstances, se développe en grande quantité sur la neige : c'est le protococcus nivalis, appelé aussi terre rouge de la neige, Legoarant Quand j'examinais de près cette neige rouge, je voyais que la couleur dépendait d'une poudre fine mêlée avec elle, et qui pénétrait jusqu'à deux ou trois pouces de profondeur, mais pas plus avant, Saussure, Voy. Alpes, t. III, p. 45, dans POUGENS.
  • 9Familièrement et fig. De neige, sans valeur, digne de mépris. Voyez le beau héros de neige, Pour avoir un tel privilége, Scarron, Virg. VI. Tiens, tiens, sans y chercher tant de façons, voilà Ton beau galant de neige, avec ta nonpareille, Molière, Dépit, IV, 4. Ah ! le beau médecin de neige avec ses remèdes, Destouches, Tambour noct. I, 6.

PROVERBES

Des neiges et un bon hiver mettent bien des biens à couvert.

La neige qui tombe engraisse la terre.

Neige au blé est tel bénéfice Comme au vieillard la bonne pelisse.

On ne voit cygne noir ni nulle neige noire.

Il en faut autant qu'il faut de pelotes de neige à chauffer un four, se dit d'une chose qui ne sert aucunement à ce qu'on veut faire.

HISTORIQUE

XIe s. Autresi blanche come neif sur gelée, Ch. de Rol. CCXI.

XIIe s. Gorge blanche plus que n'est nois ne lis, Couci, p. 125.

XIIIe s. Gesir as chans sour la gielée et sor la noif, sans loge et sans pavillon, H. de Valenciennes, XXVII. Li autres principaus [vent] qui vient de la tramontane done nues et froidure, et qui li est encoste, vers couchant, donne noif et grelle, Latini, Trés. p. 122.

XIVe s. Et de nege cheï tant et si longuement, Que l'endemain au jour, ains prime vraiement, Fu de nege cinq piez et plus…, Guesclin. 19584.

XVe s. Un gresil et une noige va commencer si fort que merveilles fut, Froissart, II, II, 41. Neige et gresil sont en terre bouté ; On oit chanter chascun parmi la rue, Deschamps, Saison de guerre. Dictes moy où n'en quel pays Est Flora la belle romaine… Mais où sont les neiges d'antan ? , Villon, Ball. des dames du temps jadis.

XVIe s. Un seul trait de ses yeux, tous mes sens enchantant, Ne suffisoit que trop pour me forcer à croire Que la neige estoit noire, Desportes, Diverses amours, Plainte. Laissans rouler sans nul empeschement ceste petite pelote de neige, en peu de temps elle se fit grosse comme une maison, Lanoue, 697.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, nivaie ; namur. nive ; Hainaut, nive ; bourg. noge ; provenç. nicx, neu, nieu ; cat. neu ; esp. nieve ; port. et ital. neve ; du lat. nix, nivem, anc. lat. ninguis, dans Lucrèce ; grec νίφει, il neige. Comparez le goth. snaivs, l'anc. h. all. sneo, l'all. Schnee, l'angl. snow, l'anc. irl. sneachta. Les formes germaniques et celtiques annoncent qu'en latin et en grec une s initiale est tombée ; tout cela conduit au sanscrit snih, être humide. Le français a deux formes : neif, noif, qui vient de nix, nivem, et neige, qui vient de nivea, pris substantivement. Quant au wallon nivaie, il vient de nivalia.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

NEIGE. Ajoutez :
10 Arbre de neige, plusieurs arbrisseaux à fleurs blanches nombreuses, tels que le viburnum opulus, Baillon, Dict. de botan. p. 257.