« noble », définition dans le dictionnaire Littré

noble

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

noble

(no-bl') adj.
  • 1Qui appartient à une classe distinguée ou privilégiée dans l'État par droit de naissance. Il est noble par sa naissance, noble de naissance, noble d'extraction. Des plus nobles d'entre eux et des plus grands courages N'avez-vous pas les fils dans Osca pour otages ? Corneille, Sertor. I, 2. Je n'ai pas fait difficulté de rappeler son origine [de Voiture, fils d'un marchand de vin], parce que, suivant mon sentiment, si ceux qui naissent nobles sont plus heureux, ceux qui mériteraient d'être nobles sont plus louables, Pellisson, Hist. Acad. IV, Voiture. Croyez-vous… que ce nous soit une gloire d'être sortis d'un sang noble, lorsque nous vivons en infâmes ? Molière, D. Juan, IV, 6. Voulant dérober leur vie aux cruelles persécutions qui ont accompagné les désordres de Naples, et qui en firent exiler plusieurs nobles familles, Molière, l'Avare, V, 5. L'on a trouvé le moyen de distinguer les naissances illustres d'avec les naissances viles et vulgaires, et de mettre une différence infinie entre le sang noble et le roturier, comme s'il n'avait pas les mêmes qualités, Bossuet, Gornay. La noble maison de Wignerod, originaire d'Angleterre, établie en France sous le règne de Charles VII, Fléchier, Aiguill. Il y a des gens qui n'ont pas le moyen d'être nobles, La Bruyère, XIV. Il n'y a rien à perdre à être noble : franchises, immunités, exemptions, priviléges, que manque-t-il à ceux qui ont un titre ? La Bruyère, ib.

    Familièrement. Être noble comme le roi, être d'une extraction fort noble, que personne ne conteste. D'après mon blason Je crois ma maison Plus noble, ma foi, Que celle du roi, Béranger, Carabas.

    Il est fou, ou le roi n'est pas noble, il est fou incontestablement.

    Se dit de ce qui appartient à un noble, à une famille noble. Un fief est une terre noble. Garde noble.

    Terme de jurisprudence féodale. Biens nobles, les biens qui étaient tenus en fief.

    Noble abbaye, abbaye où l'on ne pouvait être reçu sans être noble.

  • 2Noble homme, qualité que prenaient quelquefois, non-seulement ceux qui étaient nobles, mais aussi quelques bourgeois, dans les actes qu'ils passaient. Veut-on d'ailleurs qu'il fasse de son père un noble homme, et peut-être un honorable homme, lui qui est messire ? La Bruyère, VI. Quoi ! parce que, dans nos temps modernes, quelques bourgeois ont pris la qualité de nobles hommes, un passage de la vie de Louis le Débonnaire s'appliquera à ces sortes de gens ? Montesquieu, Esp. XXX, 25. Ayant toujours pris et porté le titre de noble homme, c'est aux généalogistes à nous apprendre le sens précis de cette expression, surtout dans certaines provinces, D'Alembert, Éloges, Fléchier.
  • 3Noble, se dit d'un cheval qui a de la beauté dans les formes et surtout dans l'avant-main.

    Terme de fauconnerie. Se dit des oiseaux de proie susceptibles d'être dressés pour la chasse.

  • 4 Terme de grammaire. La personne la plus noble, celle dont la relation est plus proche avec celui qui parle. La 1re personne est plus noble que la 2e, et la 2e plus noble que la 3e.

    Le genre le plus noble, se dit du masculin comparé au féminin, et du féminin comparé au neutre.

  • 5 Fig. Distingué, relevé au-dessus des autres. L'Écriture sainte nous apprend qu'il [Dieu] a des soins particuliers de ceux qu'il porte sur le trône et qu'il met à la tête de son peuple ; ce sont ses créatures les plus nobles, revêtues de sa puissance et de sa grandeur, et faites proprement à sa ressemblance et à son image, Fléchier, Mar.-Thér. L'étude qu'il fit de cette noble et savante antiquité qu'il regardait comme la source de la raison et de la politesse de nos siècles, Fléchier, Duc de Mont. La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats, Buffon, Cheval.

    Auguste, grand. Il appartenait au roi de garder une si noble partie de son sang [les princes de Condé et de Conti arrêtés], Bossuet, le Tellier. Une longue et paisible jouissance d'une des plus nobles couronnes de l'univers, Bossuet, Reine d'Anglet. En bannissant ses rois, Rome à ce nom, si noble et si saint autrefois, Attache pour jamais une haine puissante, Racine, Bérén. II, 2. Sait-il déjà son nom et son noble destin ? Racine, Athal. I, 2. Je songe avec respect de combien je suis née Au-dessous des grandeurs d'un si noble hyménée, Racine, Mithr. IV, 4.

    Plein de gloire, plein de dignité. Lorsqu'après un long et pénible travail, loin du bruit de la ville et du tumulte des affaires, il allait jouir d'un noble repos dans sa retraite de Bâville, Fléchier, Lamoign. Mais par de vrais combats, par de nobles dangers, Racine, Bajaz. III, 4. Une pauvreté noble est tout ce qui me reste, Voltaire, Zaïre, I, 4.

    Plein de grandeur morale, en parlant des affections, des sentiments. Mais peut-être que les passions plus nobles et plus généreuses seront plus capables de la remplir [l'âme], Bossuet, la Vallière. Un cœur noble ne peut soupçonner en autrui La bassesse et la malice Qu'il ne sent point en lui, Racine, Esth. III, 9. À l'aspect de ce front dont la noble fureur Tant de fois dans leurs rangs répandit la terreur, Racine, Mithr. V, 4. Ses superbes coursiers, qu'on voyait autrefois Pleins d'une ardeur si noble obéir à sa voix, Racine, Phèdre, V, 6. Une noble pudeur à tout ce que vous faites Donne un prix que n'ont point ni la pourpre ni l'or, Racine, Esth. III, 4. Que vous inspire une si noble audace ? Racine, Bajaz. IV, 7. Son âme est noble au moins ; car elle est sans orgueil, Voltaire, Scythes, I, 1.

    Ironiquement. Vous [Andromaque] me haïssez plus que tous les Grecs ensemble ; Jouissez à loisir d'un si noble courroux, Racine, Androm. III, 6.

    Il se dit des personnes, dans le même sens que pour les choses. Fontenelle et Lamotte, toujours mesurés, et par conséquent toujours nobles avec les grands, toujours sur leurs gardes avec eux sans jamais le paraître, D'Alembert, Éloges, Lamotte.

  • 6Libéral, généreux. Quoiqu'il n'y ait jamais eu de roi plus noble, saint Louis ne sut-il pas régler ses dépenses ? Fléchier, Panég. St Louis.
  • 7 Terme de littérature. Qui est élevé au-dessus du langage vulgaire. Le genre noble. Quelle est donc la marque infaillible pour savoir si, dans les anciens, un tour, une image, une comparaison, un mot est noble ou ne l'est pas ? Marmontel, Élém. litt. Œuv. t. VIII, p. 506, dans POUGENS. Il [un traducteur d'Hérodote] ne nommera pas le boulanger de Crésus, le palefrenier de Cyrus, le chaudronnier Macistos ; il dit grand panetier, écuyer, armurier, avertissant en note que cela est plus noble, Courier, Traduction d'Hérod. Préface.

    Style noble, style qui choisit des expressions en parfait rapport avec le sujet qu'on traite, ou qui même s'élève au-dessus du sujet, si celui-ci descend trop bas pour que le langage le suive. Le style le moins noble a pourtant sa noblesse, Boileau, Art p. I. Ils croient que le style noble est celui du blason, Courier, Procès.

    Terme de beaux-arts. Se dit de tout ce qui se distingue par la sagesse de l'ordonnance, l'élégance des formes, la gravité tempérée et l'élévation du style.

    Architecture noble, celle qui impose par la justesse des proportions, la simplicité du plan, le choix sans profusion des ornements et une juste mesure entre des dimensions trop petites ou trop grandes.

    En termes de théâtre, père noble, se dit du rôle des pères et des hommes qui ont âge et autorité.

  • 8En physiologie, les parties nobles, le cœur, le foie, le cerveau, etc. Je ne m'étonne pas, ma chère fille, si vos parties nobles ont été si culbutées, Sévigné, 21.
  • 9 Terme de minéralogie. Se dit des filons riches en minerai, et des métaux qui ne s'oxydent point au feu. En général, c'est dans les montagnes de schiste ou d'ardoise que se trouvent en Hongrie les plus nobles veines de cuivre, Buffon, Min. t. V, p. 130.
  • 10 S. m. Celui qui, par sa naissance ou par les lettres du prince, fait partie d'une classe privilégiée. En Angleterre on n'appelle proprement nobles que ceux qui ont le titre de duc, de marquis, de comte, de vicomte ou de baron. Lui [Jésus] qui a méprisé toutes les grandeurs, qui n'a appelé ni beaucoup de sages, ni beaucoup de nobles, Bossuet, Gornay. Un noble, s'il vit chez lui dans sa province, il vit libre, mais sans appui, La Bruyère, VIII. Le noble de province, inutile à sa patrie, à sa famille et à soi-même, souvent sans toit, sans habits et sans aucun mérite, répète dix fois le jour qu'il est gentilhomme, La Bruyère, XI. Il faut qu'il y ait, pour un temps ou pour toujours, un magistrat qui fasse trembler les nobles, comme les éphores à Lacédémone, et les inquisiteurs d'État à Venise, Montesquieu, Esp. V, 8. À Venise, les lois forcent les nobles à la modestie, Montesquieu, ib. VII, 3. Un noble vénitien avait plus d'or dans son coffre et plus de vaisselle d'argent sur sa table, que l'empereur Maximilien surnommé Pochi Danari, Voltaire, Dict. philos. Argent. Tous ces nobles sans gloire ou connus par leurs vices, Ducis, Othello, II, 1. L'abandon total de Moscou ne coûta guère plus à obtenir que celui du moindre village ; là, comme à Vienne, Berlin et Madrid, les principaux nobles n'hésitèrent point à se retirer à notre approche ; car il semble que pour ceux-là rester serait trahir, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 2.

    En France, sous l'ancien régime, on appelle noble celui qui, étant anobli, commence la noblesse de sa famille ; ceux qui naissent de lui ont le titre de gentilhomme. Un ancien gentilhomme se nomme un homme de condition ; et un gentilhomme d'une famille illustrée, homme de qualité. Tout gentilhomme est noble, mais tout noble n'est pas gentilhomme ; le prince fait des nobles, mais le sang fait des gentilshommes, Dictionn. de l'Acad. Combien de nobles, dont le père et les aînés sont roturiers ! La Bruyère, XIV.

    Dans l'ancienne Rome, noble se disait de ceux qui avaient une longue suite d'aïeux célèbres ou connus, qu'ils appartinssent ou non à l'ordre privilégié des patriciens. Il y avait des familles très nobles parmi les plébéiens.

  • 11 S. m. Le noble, ce qui a un caractère élevé au-dessus du vulgaire. Le grand et le noble.
  • 12Nom d'une ancienne monnaie d'or d'Angleterre et de France ; la valeur en varie de 20 à 24 francs. Ce fut sous Édouard III que les nobles à la rose furent frappés en Angleterre, avec les roses des maisons d'York et de Lancastre. [Le singe] Détachait du monceau, tantôt quelque doublon, Un jacobus, un ducaton, Et puis quelque noble à la rose, La Fontaine, Fabl. XII, 3.
  • 13Noble épine, aubépine, et quelquefois épine-vinette.

    PROVERBE

    Un noble, s'il n'est à la rose, Vaut parfois bien peu de chose, dicton tiré du noble à la rose, et qui signifie que la noblesse sans la richesse a peu de valeur.

HISTORIQUE

XIe s. Noble vassal vous i seult hom clamer [on a coutume de vous nommer], Ch. de Rol. XXVI. Il veit gesir le nobile baron, ib. CLXIII. Et Olivier son noble compaignon, ib. CCLXIX.

XIIe s. Muillers out dous [il eut deux femmes] : la plus noble fud clamée Anna, et l'altre Phenenna, Rois, p. 1.

XIIIe s. La roÿne qui puis porta le noble fruict [enfant], Berte, XXXVI. Je veuil qu'o vous s'en voist [aille] noble chevalerie, ib. LXXII. Ô moi venrez [vous viendrez] en France la terre noble et gent, ib. CXI. Tel se fait noble par tençon, Et veult menacier et parler, Qui moult petit est à douter [craindre], Marie de France, Fable 23. Noble [nom du roi des animaux, le lion, dans le roman du Renart] a crolé un poi la teste, Quant la parole a entendue, Ren. 6098.

XIVe s. Fistule qui est en membre noble, H. de Mondeville, f° 90, verso. Cy commence le premier livre d'ethiques, et traicte le premier chapitre de la fin et du fruict de ceste noble science, Oresme, Eth. II. Et acheta… [plusieurs prisonniers], et en paya vingt mille nobles tous appareillés, Froissart, I, I, 272. Le bon doit amer et affecter le bon ; le noble, le noble ; le vertueux, le vertueux, E. Chastelain, Exposition sur vérité mal prise. Nobles chairs, c'est à sçavoir cerfs, biches, dains, sangliers, porcs et autre venayson [donnée aux gentilhommes, dames et damoiselles, par opposition aux bœufs et moutons donnés à tout le monde], Perceforest, t. I, f° 118. Ce fol langage court aujourd'hui entre les curiaulx [gens de cour], que le noble homme ne doit sçavoir les lettres, et tiennent à reprouche de gentillesse bien lire ou bien escrire, Chartier, l'Esperance, p. 316.

XVIe s. Ceulx des plus nobles maisons avoient despendu tous leurs patrimoines en jeux et en festins, Amyot, Cicér. 13. Il ostoit les biens à des nobles hommes et à des gens d'honneur, pour les bailler à des pendards, Amyot, Anton. 27. Neocles le pria, les larmes aux yeux, de vouloir pardonner à un si noble chef-d'œuvre, Amyot, Arat. 15. Et une si grande troupe de nobles, non seulement nobles de nom, mais qui par leur vertu honorent leur noblesse, Montaigne, I, 130. Rien de noble ne se faict sans hazard, Montaigne, I, 134. Je crois sans doute qu'il sentit du plaisir en une si noble action, Montaigne, II, 158. Noble est qui noblesse ne blesse et n'oublie, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 89. Nul noble sans noblesse, Leroux de Lincy, ib.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et esp. noble ; port. nobre ; ital. nobile ; du lat. nobilis, pour gnobilis (comparez i-gnobilis), digne d'être connu ; il vient du radical no, qui est dans novi, notum ; sanscr. jnā, connaître.