« noblesse », définition dans le dictionnaire Littré

noblesse

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noblesse

(no-blè-s') s. f.
  • 1Rang et qualité de ceux qui sont élevés au-dessus des roturiers, soit par leur naissance, soit par des lettres du prince. Rome n'attache pas le grade à la noblesse, Corneille, Sertor. II, 2. La noblesse, de soi, est bonne ; c'est une chose considérable assurément, Molière, G. Dand. I, 1. Apprenez qu'un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la nature ; que la vertu est le premier titre de noblesse ; que je regarde bien moins au nom qu'on signe, qu'aux actions qu'on fait, Molière, D. Juan, IV, 6. Le peuple… croit que la noblesse est une grandeur réelle, et il considère presque les grands comme étant d'une autre nature que les autres, Pascal, Disc. cond. des grands, I. La noblesse n'est souvent qu'une pauvreté vaine, ignorante et grossière ; oisive, qui se pique de mépriser tout ce qui lui manque ; est-ce là de quoi avoir le cœur si enflé ? Bossuet, Oblig. de l'état relig. 3. Le grand saint Paulin, en faisant le panégyrique de sa parente sainte Mélanie, a commencé les louanges de cette veuve si renommée par la noblesse de son extraction, Bossuet, Gornay. Si, pour votre noblesse, il vous manque des titres, Il faudra recourir à quelques vieilles vitres, Où nous ferons entrer d'une adroite façon Une devise antique avec votre écusson, Boursault, F. d'Ésope, III, 4. La noblesse, Dangeau, n'est pas une chimère, Quand, sous l'étroite loi d'une vertu sévère, Un homme issu d'un sang fécond en demi-dieux Suit comme toi la trace où marchaient ses aïeux, Boileau, Sat. v. Savez-vous si… Et si leur sang tout pur, ainsi que leur noblesse, Est passé jusqu'à vous de Lucrèce en Lucrèce ? Boileau, ib. Le ciel a sur son front imprimé sa noblesse, Racine, Iphig. III, 4. Cette disposition de cœur et d'esprit qui passe des aïeux par les pères dans leurs descendants, est cette bravoure si familière aux personnes nobles, et peut-être la noblesse même, La Bruyère, IX. Si la noblesse est vertu, elle se perd par tout ce qui n'est pas vertueux ; et, si elle n'est pas vertu, c'est peu de chose, La Bruyère, XIV. Le roi Jean anoblit son chancelier Guillaume de Dormant ; car alors aucun office de clerc, d'homme de loi, d'homme de robe longue, ne donnait rang parmi la noblesse, malgré le titre de chevalier ès lois et de bachelier ès lois que prenaient les clercs, Voltaire, Mœurs, 98. Un marchand nommé Maître Jean, séduit par les bontés du roi [Louis XI], qui le faisait souvent manger avec lui, s'avisa de lui demander des lettres de noblesse ; ce prince les lui accorda ; mais, lorsque le nouveau noble parut devant lui, il affecta de ne le pas regarder, Duclos, Œuv. t. III, p. 341.

    Noblesse d'extraction, celle dont l'origine est inconnue.

    Noblesse d'épée, celle qui était regardée comme originairement acquise l'épée à la main, mais à une époque déjà reculée.

    Noblesse militaire, celle qui appartenait de droit aux roturiers parvenus à certains grades.

    Noblesse de robe ou d'office, celle que conférait la possession de certains offices de judicature. L'édit de 1644 a prévalu : les cours de judicature ont joui des priviléges de la noblesse, et la nation ne les a pas contestés à ceux qui jugent la nation, Voltaire, Mœurs, 98.

    Noblesse de finances, titre de noblesse que l'on acquérait en achetant des titres. L'acquisition qu'on peut faire de la noblesse à prix d'argent encourage beaucoup les négociants à se mettre en état d'y parvenir, Montesquieu, Esp. XX, 22.

    Noblesse de la cloche, celle qui venait de mairie ou d'échevinage.

    Noblesse dormante, noblesse suspendue à cause de quelque acte dérogeant, Chéruel, Dict. de la France.

    Noblesse présentée, les nobles qui vont à la cour. Il n'y a de bon que les moines, la noblesse présentée…, Courier, Lettre 9e au censeur.

    Fausse noblesse, se disait de l'acquisition des fiefs ou terres nobles par les non-nobles, la possession d'un marquisat ou d'un comté ne faisant ni un marquis ni un comte.

    Soutenir noblesse, faire une dépense convenable à la noblesse de sa naissance.

    Fig. Et l'italien, l'oubliez-vous ? j'en lis toujours un peu pour entretenir noblesse, Sévigné, 7 juin 1671.

  • 2 Terme d'ancienne jurisprudence. Fief qui dépendait immédiatement du souverain, et dont la possession anoblissait.
  • 3 Au plur. Joyaux de la couronne. Le roi promet aussi [lors de son sacre] de conserver la souveraineté, les droits et noblesses de la couronne de France, sans les aliéner ou transporter à personne, Bossuet, Polit. XVII, v, 18.

    Au plur. Se disait, dans les tournois et les cours plénières, des livrées, des insignes, des décorations qu'on donnait comme marques d'honneur.

  • 4Noblesse personnelle, illustration qui dépend de la personne même et non des aïeux. Vous verrez le père Bourgoing, illustre d'une autre manière [que par ses ancêtres], et noble de cette noblesse que saint Grégoire de Nazianze appelle si élégamment la noblesse personnelle, Bossuet, Bourgoing.
  • 5Tout le corps des hommes qualifiés nobles. Les trois états du royaume étaient le clergé, la noblesse et le tiers état. Vous avez voulu tâter de la noblesse, et il vous ennuyait d'être le maître chez vous, Molière, G. Dand. I, 3. Comme notre Bretagne est toute pleine de noblesse qui n'aime pas à sortir de son pays, et de beaucoup d'autres hommes à proportion, il [le duc de Chaulnes] a levé en un moment un régiment de dragons le plus beau du monde… le corps de la noblesse pour l'arrière-ban est d'une grandeur et d'une magnificence surprenante, Sévigné, 16 mars 1689. Il gagna la noblesse, déjà presque demi-séduite, Fléchier, Duc de Mont. Bientôt, pour subsister, la noblesse sans bien Trouva l'art d'emprunter et de ne rendre rien, Boileau, Sat. V. Sylla, Pison, Crassus, les chefs de la noblesse, Racine, Brit. III, 5. La noblesse expose sa vie pour le salut de l'État et pour la gloire du souverain, La Bruyère, IX. La cérémonie, partout employée jusqu'à outrance, est le cheval de bataille de la noblesse campagnarde, Hamilton, Gramm. 10. Il faut que je cherche comme dans des abîmes les anciennes prérogatives de cette noblesse qui, depuis onze siècles, est couverte de poussière, de sang et de sueur, Montesquieu, Esp. XXXI, 8. Il est contre l'esprit du commerce que la noblesse le fasse dans la monarchie, Montesquieu, ib. XX, 22. Je n'aime point ces distinctions de colléges et d'académies qui font que la noblesse riche et la noblesse pauvre sont élevées différemment et séparément, Rousseau, Gouvern. de Pologne, ch. 4. Si vous connaissez la noblesse d'Angleterre, vous savez qu'elle est la plus éclairée, la mieux instruite, la plus sage et la plus brave de l'Europe, Rousseau, Hél. I, 62. M. de Linné obtint, quelques années après, un rang dans la noblesse suédoise, Condorcet, Linné.

    Haute noblesse, la partie de la noblesse qui a le plus d'ancienneté ou d'illustration. S'il y a du fabuleux dans l'origine des grandes noblesses, du moins il y a une sorte de fabuleux qui n'appartient qu'à elles et qui devient lui-même un titre, Fontenelle, Argenson.

    Petite noblesse, celle qui en a le moins.

    Ancienne noblesse, celle qui existait en France avant la révolution de 1789 ; et, nouvelle noblesse, celle qui a été créée depuis.

    Assemblée de noblesse, assemblée particulière de gentilshommes.

    Noblesse de l'Empire, titre de noblesse conféré par Napoléon Ier à certains personnages, et principalement à des généraux.

  • 6 Fig. Grandeur, élévation, dignité, en parlant soit des personnes, soit des choses. La noblesse de son maintien, de sa physionomie. On remarquait, dans les deux princesses, la même noblesse dans les sentiments, le même agrément, et, si vous permettez de parler ainsi, les mêmes insinuations dans les entretiens, Bossuet, Anne de Gonz. La noblesse de ses expressions [de Louis XIV] vient de celle de ses sentiments ; et ses paroles précises sont l'image de la justesse qui règne dans ses pensées, Bossuet, Mar.-Thér. Qu'il y a une pureté de mœurs plus estimable que celle du sang, et une noblesse spirituelle qui consiste à être conforme à l'image de Jésus-Christ, Fléchier, Aiguillon. Mais enfin, l'indigence amenant la bassesse, Le Parnasse oublia sa première noblesse, Boileau, Art p. IV. La noblesse d'une science se tire de la noblesse de son objet : c'est un grand principe, Malebranche, Rech. vér. IV, 7.
  • 7 Terme de littérature. Qualité du style noble. La noblesse du style est une des variétés de l'élégance. Le génie de Corneille, malgré ses négligences fréquentes, a tout créé en France ; avant lui, presque personne ne pensait avec force, et ne s'exprimait avec noblesse, Voltaire, Comm. Corn. Héracl. IV, 4. À cette première règle… si l'on joint de la délicatesse et du goût, du scrupule sur le choix des expressions, de l'attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux, le style aura de la noblesse, Buffon, Disc. de récept. La noblesse des termes est indépendante de l'idée ; c'est l'usage qui la donne ou qui la refuse à son gré, Marmontel, Œuvr. t. VI, p. 185.

    En peinture et en sculpture, le caractère élevé de la composition.

PROVERBES

Noblesse vient de vertu, c'est-à-dire un homme n'est proprement au-dessus d'un autre que par la vertu et par le mérite. On dit que la noblesse a la vertu pour mère ; S'il est vrai, ses enfants ne lui ressemblent guère, Boursault, Ésope à la cour, IV, 4.

Noblesse oblige, c'est-à-dire quiconque prétend être noble, doit se bien conduire.

HISTORIQUE

XIIIe s. Jeromes dit : soverainne noblesce est la clarté de vertu, Latini, Trésor, p. 344. [Constance]… en qui fu courtoisie Et noblesse et valeur sans nule vionie, Berte, CXLIV. Deus damoiselles moult mignotes, Qui estoient en pures cotes Et trecies à une tresce, Faisoient Deduit, par noblesse, Emmi la carole [danse] baler, la Rose, 768. Noblece vient de bon corage ; Car gentillece de lignage N'est pas gentillece qui vaille, ib. 18819.

XIVe s. Les uns [membres] sont principaus en noblece, si cum le cuer [cœur], H. de Mondeville, f° 36.

XVe s. Et entra le jeune roi en la cité de Reims, bien accompagné de noblesses, de hauts seigneurs et de menestrandies, Froissart, II, II, 74. Vous acquestez maintes richesces, Vous usez de toutes noblesces, Deschamps, Poésies mss. f° 427. Grant deduit fut de veoir porter les jolivetez et noblesses que dames et damoiselles envoyent aux jeunes chevaliers leurs amoureux, pour eulx parer pour l'amour d'elles, Perceforest, t. I, f° 24.

XVIe s. Le plus souvent nous logeons par honneteté en quelque mestairie, et puis aux noblesses [maisons des nobles] parfois, D'Aubigné, Faen. III, 1. Jamais vilain n'aima noblesse, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 90. Le tiers estat est le seminaire de noblesse, Leroux de Lincy, ib. Nul noblesse de paresse, Leroux de Lincy, ib. Vraye noblesse nul ne blesse, Leroux de Lincy, ib. Longueur du temps n'esteint noblesse ni franchise, Loysel, Inst. cout. 36.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. nobleza, noblessa ; espagn. nobleza ; portug. nobreza ; anc. ital. nobilezza ; d'un thème fictif nobilitia (comme paresse, de pigritia), qui vient de nobilis, noble. On a dit aussi nobleté, de nobilitatem.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

NOBLESSE. Ajoutez : - REM. Le mot devenu proverbial : noblesse oblige, ne paraît pas ancien ; du moins tout porte à croire qu'il est dû au duc de Lévis, qui commence par là un chapitre sur la noblesse, Maximes, préceptes et réflexions, p. 86, 5e éd. Paris, 1825.