« oracle », définition dans le dictionnaire Littré

oracle

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

oracle

(o-ra-kl') s. m.
  • 1Chez les païens, réponse de la divinité à ceux qui la consultaient ; elle se rendait dans les temples et autres lieux consacrés par la religion. Enfin, mon désespoir, parmi ces longs obstacles, M'a fait avoir recours à la voix des oracles ; Écoutez si celui qui me fut hier rendu Eut droit de rassurer mon esprit éperdu, Corneille, Hor. I, 3. Un oracle jamais ne se laissa comprendre, On l'entend d'autant moins que plus on croit l'entendre, Corneille, ib. III, 3. Un oracle toujours se plaît à se cacher ; Toujours avec un sens il en présente un autre, Racine, Iphig. II, 1. Croyez, du moins, croyez que, tant que je respire, Les dieux auront en vain ordonné son trépas ; Cet oracle est plus sûr que celui de Calchas, Racine, ib. III, 7. Un oracle dit-il tout ce qu'il semble dire ? Racine, ib. IV, 4. Dodone célèbre par le temple et l'oracle de Jupiter, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. II, p. 480, dans POUGENS. L'Écriture sainte ne nous apprend en aucune manière que les oracles aient été rendus par des démons, et dès lors nous sommes en liberté de prendre parti sur cette matière, Fontenelle, Oracles, I, 1. Les oracles n'ont cessé qu'avec le paganisme, et le paganisme ne cessa pas à la venue de Jésus-Christ, Fontenelle, ib. II, 4. La fourberie des oracles était trop grossière pour n'être pas enfin découverte par mille différentes aventures, Fontenelle, ib. II, 7. Sous Adrien, Dion Chrysostome raconte qu'il consulta l'oracle de Delphes, et il en rapporta une réponse…, Voltaire, Dict. phil. Oracles. Un dieu assez inconnu nommé Besa, selon Ammien Marcellin, rendait encore des oracles sur des billets, à Abyde, dans l'extrémité de la Thébaïde, sous l'empire de Constantin, Voltaire, ib. Tous les ministres avaient un profond respect pour les oracles ; tous convenaient ou feignaient de convenir qu'ils étaient le fondement de la religion, Voltaire, Princ. de Babyl. 2. Fontenelle avait donné en 1586, d'après le médecin Vandale, l'histoire des oracles, un de ses meilleurs ouvrages, et peut-être celui de tous auquel le suffrage unanime de la postérité est le plus assuré, D'Alembert, Éloges, Dumarsais. Une pythie monte sur le trépied, des prophètes l'entourent, ils recueillent les mots qui lui échappent, les interprètent, les mettent en vers, et on a des oracles ; ainsi s'est établi l'oracle de Delphes, le plus célèbre de la Grèce, Condillac, Hist. anc. I, 12.

    Fig. La raison, par ses conquêtes, Nous bannit des vieux donjons, Le monde a changé d'oracles, Nos prodiges ont cessé, L'homme fait les miracles ; Notre règne est passé, Béranger, Lutins.

    Les oracles des sibylles, les oracles sibyllins, titre d'une collection de prétendus oracles de la sibylle, dont la fabrication est attribuée aux Juifs et aux premiers chrétiens.

  • 2La divinité même qui rendait des oracles. Aller consulter l'oracle. Alexandre envoya à l'oracle d'Ammon pour avoir permission de sacrifier à Ephestion, mais l'oracle le défendit, Perrot D'Ablancourt, Arrien, VII, dans RICHELET.

    Familièrement. Parler comme un oracle, très bien parler.

    Parler d'un ton d'oracle, avoir un ton d'oracle, parler de manière à commander la croyance.

    S'exprimer en style d'oracle, s'exprimer d'une manière ambiguë.

  • 3 Terme de l'Écriture. L'oracle, nom du saint des saints, c'est-à-dire du lieu le plus sacré dans le temple des Juifs. Il [Salomon] fit en tel espace le lieu intérieur de l'oracle, qui est le saint des saints, Sacy, Bible, Rois, III, VI, 16. L'oracle avait vingt coudées de long, vingt coudées de large, et vingt coudées de haut, Sacy, ib. III, VI, 20. Les prêtres portèrent l'arche de l'alliance du Seigneur au lieu qui lui avait été destiné, c'est-à-dire près de l'oracle du temple dans le saint des saints, Sacy, ib. Paralip. II, V, 7.

    Parmi les Juifs, les paroles de Dieu. Tous les oracles du Seigneur sont constants et infaillibles, Psaumes, dans RICHELET. Quel autre a fait un Cyrus, si ce n'est Dieu, qui l'avait nommé deux cents ans avant sa naissance dans les oracles d'Isaïe ? Bossuet, Louis de Bourbon. L'arche sainte est muette et ne rend plus d'oracles, Racine, Athal. I, 1.

    Parmi les chrétiens, même sens. Pour moi, les huguenots pourraient faire miracles, Ressusciter les morts, rendre de vrais oracles, Que je ne pourrais pas croire à leur vérité ; En toute opinion je fuis la nouveauté, Régnier, Sat. IX. L'Église par laquelle le Saint-Esprit rendait ses oracles, Bossuet, Hist. II, 13. Pour combattre toute innovation ou variation qui pourrait arriver dans la foi, il [Vincent de Lerins] dit que les oracles divins ne cessent de crier : Ne remuez point les bornes posées par les anciens, Bossuet, 1er avert. 5. C'est un oracle de l'apôtre et par conséquent un oracle de la vérité éternelle, que la sagesse de ce monde est ennemie de Dieu, Bourdaloue, Myst. Épiphan. t. I, p. 121. La pénitence purement intérieure ne suffit pas, et tous les oracles de la foi nous apprennent qu'il y faut joindre l'extérieure, Bourdaloue, Instruct. pour le carême, Exhort. t. II, p. 242.

  • 4 Fig. Décisions données par des personnes d'autorité et de savoir. Pour oracle on tiendra cette croyance folle, Régnier, Sat. VI. En vérité, tout est si caché à Versailles, qu'il faut attendre en paix les oracles qui en sortent, Sévigné, 128. Ces augustes tribunaux où la justice rend ses oracles, Bossuet, le Tellier. Que dirai-je du dangereux artifice qui fait prononcer à la justice, comme autrefois aux démons, des oracles ambigus et captieux ? Bossuet, le Tellier. Digne de prononcer les oracles de la justice, Bossuet, ib. Il parle et chacun écoute ses oracles, Fléchier, Tur. J'approchai par degrés de l'oreille des rois ; Et bientôt en oracle on érigea ma voix, Racine, Ath. III, 3.

    Sentiment qui contient quelque chose de beau et de solide. L'honneur parle, il suffit : ce sont là nos oracles, Racine, Iphig. I, 2.

    Les personnes mêmes qui donnent ces sortes de décisions, qui émettent ces sortes de sentiments. Être des étrangers pour oracle tenu, Régnier, Sat. XI. Si ce qu'on dit d'Ésope est vrai, C'était l'oracle de la Grèce ; Lui seul avait plus de sagesse Que tout l'aréopage…, La Fontaine, Fabl. II, 20. En gens coquets il [l'amour] change les Catons, Par lui les sots deviennent des oracles, La Fontaine, Court. Vous êtes le seul sage et le seul éclairé, Un oracle, un Caton, dans le siècle où nous sommes, Molière, Tart. I, 6. Saint Athanase qui était l'oracle de l'Église, Bossuet, 1er avert. 30. Cet homme admirable [l'abbé Jean], qui était comme l'oracle de son siècle, Fléchier, Hist. de Théod. III, 79. Il est l'oracle d'une maison, celui dont on attend, que dis-je, dont on prévient, dont on devine les décisions, La Bruyère, V. Les mourants qui parlent dans leurs testaments peuvent s'attendre à être écoutés comme des oracles, La Bruyère, XIV. Vous ne savez pas à quel point l'abbé Desfontaines est l'oracle des provinces, Voltaire, Lett. d'Argental, 6 févr. 1739. Son fameux chancelier Pierre des Vignes, son conseil, son oracle, son ami depuis plus de trente années, Voltaire, Ann. Emp. Frédéric II, 1249.

  • 5 S. m. pl. Titre de certains poëmes orphiques.

HISTORIQUE

XVIe s. Jadis en vers se rendoient les oracles, Et des hauts dieux les hymnes sont en vers, Ronsard, 397.

ÉTYMOLOGIE

Lat. oraculum, de orare, parler, qui est le dénominatif de os, oris, bouche.