« ordure », définition dans le dictionnaire Littré

ordure

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ordure

(or-du-r') s. f.
  • 1Excréments, impuretés du corps. Cette plaie, cet abcès suppure, il jette beaucoup d'ordure. Défense de faire ou de déposer des ordures le long de ce mur. M. de Réaumur a observé que les jaseurs aiment la propreté, et que ceux qu'on tient dans les volières font constamment leurs ordures dans un même endroit, Buffon, Ois. t. VI, p. 157. Les castors ne font ni ne souffrent jamais aucune ordure dans leurs habitations, Buffon, Castor.
  • 2Immondices, balayures, tout ce qui rend sale et malpropre un appartement, un escalier, une cour, etc. Un panier d'ordures. Jeter quelque chose aux ordures. Ces gens-là [les libraires de Genève] en font des papillotes [d'ouvrages de mathématiques], et en sont quittes après pour dire qu'ils les ont perdus… je vous prie de les engager… à voir si les débris de mes calculs ne pourraient pas se retrouver dans les ordures, D'Alembert, Lett. à Volt. 22 sept. 1767.

    Fig. Il ne fait guère d'ordure au logis, c'est-à-dire il n'y reste guère. Il y a trois jours qu'il est à la chasse avec un de ses amis ; il ne fait guère d'ordure au logis vraiment, Dancourt, Maison de camp. sc. 1.

    Fig. et familièrement. Personne indigne et comparée à une balayure. L'épiscopat allait tombant de plus en plus, depuis que M. de Chartres, Jodet, l'avait rempli des ordures des séminaires, Saint-Simon, 396, 138.

    Fig. Être jeté dans le panier aux ordures, dans le sac aux ordures, être rejeté, mis à l'écart comme quelque chose de vil. Il ne m'a pas paru que Mme de Schomberg ait encore pris ma place [dans l'amitié de Mme de Lafayette]… enfin je ne crois pas être tout à fait jetée au sac aux ordures, Sévigné, 30 oct. 1680.

  • 3Poussière, duvet, plume, paille, et autre petite chose malpropre qui s'attache aux habits, aux chapeaux, aux meubles. Votre manteau est tout plein d'ordures. Il lui est entré une ordure dans l'œil.
  • 4 Fig. Turpitude dans les actions, dans les mœurs. Nos plus sages discours ne sont que vanités, Et nos sens corrompus n'ont goût qu'à des ordures, Malherbe, I, 1. Des troupes d'eunuques qui se prostituaient à toutes sortes d'ordures, Vaugelas, Q. C. 352. Vous y avez vu des abominations et des ordures, c'est-à-dire leurs idoles, le bois et la pierre, l'argent et l'or qu'ils adoraient, Sacy, Bible, Deutéron. XXIX, 17. Chaque instant de ma vie est chargé de souillures, Elle n'est qu'un amas de crimes et d'ordures, Molière, Tart. III, 6. Que le cœur de l'homme est creux et plein d'ordure ! Pascal, Pens. IV, 1, éd. HAVET. Libérale même dans sa vieillesse, quoique cet âge soit ordinairement souillé des ordures de l'avarice, Bossuet, Yol. de Monterby. Vous voyez que cette assemblée vénérable [un concile] estime qu'on se joue des sacrés mystères, lorsqu'après les avoir reçus on retourne à ses premières ordures, Bossuet, Sermons, Pénitence, 3. Les connaisseurs crurent trouver sous ce langage barbare [des Maximes des saints] un pur quiétisme, délié, affiné, épuré de toute ordure, Saint-Simon, 45, 14.
  • 5 Fig. Paroles, discours, écrits obscènes. Je mets en fait qu'une honnête femme ne saurait la voir sans confusion, tant j'y ai découvert d'ordures et de saletés, Molière, Critique, 3. Ces sortes d'ordures-là ne se disent point à une femme de ma condition, Molière, Pourc. III, 3. Marot et Rabelais sont inexcusables d'avoir semé l'ordure dans leurs écrits : tous deux avaient assez de génie et de naturel pour pouvoir s'en passer, La Bruyère, I. À Monsieur, aux filles du roi, à quantité de femmes, il [Langlée] leur disait des ordures horribles, Saint-Simon, 75, 232. La satire de Pétrone est un mélange de bon et de mauvais, de moralités et d'ordures ; elle annonce la décadence du siècle qui suivit celui d'Auguste, Voltaire, Mél. hist. Pyrrh. hist. XI. Je [Rabelais] pris mes compatriotes par leur faible, je parlai de boire, je dis des ordures, et avec ce secret tout me fut permis, Voltaire, Dial. 8. Je vous préviens qu'il sera nécessaire de retrancher les ordures de Shakespeare, si vous voulez que l'Académie fasse imprimer l'ouvrage par son libraire, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 27 août 1776.

HISTORIQUE

XIIe s. Li sire esdrece de puldre le besuignus [le besogneux], e de ordeure esleved le povre, Liber psalm. p. 235.

XIIIe s. L'oreille ki est estupée, Coment poet ele estre sanée [guérie], Se tele ordure ne seit traite ? Ms. St-Jean. Celui qui aime humilité et qui het orgueil, estrait Dieus de l'ordure du siecle, Psautier, f° 240. Ne sueffre sor toi nule ordure ; Lave tes mains, et tes dens cure, la Rose, 2175. Pri à ton fil qu'il nous en terde [essuie], Et nous esleve De l'ordure qu'apporta Eve, Rutebeuf, 11.

XVe s. Beaux seigneurs, l'ordre de chevalerie est si noble et si haute, que nul cuer ne doit penser, qui chevalier est, à ordure ne à vilté ne à couardise, Froissart, II, III, 19. Icellui Dolebel lui dist qu'il avoit espousé une ordure [femme de mauvaise vie], et qu'il estoit coux, Du Cange, ordura. [Les flatteurs des princes] En decevant pour leur argent attraire, Leur consentent ordure et lascheté, Deschamps, Ce qui est nécessaire aux roys.

XVIe s. Il avoit esté acheminé à cette ordure [le vol] par l'avarice de son pere, Montaigne, II, 72. Les faulses couleurs de quoy il veut couvrir l'ordure de sa pestilente ambition, Montaigne, II, 110. Pressant sa playe, j'en feis sortir l'ordure qui s'y amassoit, Montaigne, II, 193. On dit en commun proverbe qu'il ne faut pas remuer l'ordure, qu'elle ne fasse apparoistre sa mauvaise odeur, Villeroy, Mém. t. II, p. 304, dans LACURNE. Truye ne songe qu'ordure, Cotgrave Car vous donnez tel lustre à vos noires ordures, Qu'en fascinant vos yeux, elles vous semblent pures, D'Aubigné, Tragiques, Princes.

ÉTYMOLOGIE

Ord ; provenç. ordura, orduma, ordumna ; ital. ordura.