« paître », définition dans le dictionnaire Littré

paître

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

paître

(pê-tr') v. a.

Je pais, tu pais, il paît, nous paissons, vous paissez, ils paissent ; je paissais ; point de passé défini ; je paîtrai ; je paîtrais ; pais, paissons ; que je paisse, que nous paissions ; point d'imparfait du subjonctif ; paissant, pu (usité seulement en fauconnerie) ; les deux temps qui manquent sont conservés dans le composé repaître.

  • 1Nourrir (ce qui est le sens premier du latin pascere, conservé seulement en termes de fauconnerie). Paître un oiseau, lui donner à manger.

    Fig. Mais la dame voulait paître encore ses yeux Du trésor qu'enfermait la bière, La Fontaine, Matr. d'Éphèse.

    Fig. Dans le langage de la religion. Il faut qu'un curé paisse les fidèles du pain de la parole.

    Paître la meule, amener, à l'aide d'une pelle, les olives sous le passage de la meule.

  • 2Mener des animaux dans les champs pour qu'ils y mangent (ce qui est le second sens de pascere). Il mènera son troupeau dans les pâturages, comme un pasteur qui paît ses brebis, Sacy, Bible, Isaïe, XL, 27. Ce grand homme [Moïse] …avait passé quarante ans à paître les troupeaux de son beau-père Jéthro, Bossuet, Hist. I, 3. Des pasteurs qui paissent les troupeaux de gros et de menu bétail, sans venir aux villages ni aux villes, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 482, dans POUGENS. Le dieu puissant des ondes, Dont il [Protée] paît les troupeaux dans les plaines profondes, Delille, Géorg. IV.

    Fig. Il faut un grand amour pour paître un grand troupeau, Fénelon, t. XVII, p. 166.

  • 3En parlant des animaux, brouter l'herbe, la manger sur racine, se nourrir de certains fruits tombés par terre (ce qui est le sens du latin pasci, déponent de pascere). Ils sont devenus semblables au foin qui se sèche dans les champs, aux herbages que paissent les troupeaux, et à cette herbe qui croît sur les toits, Sacy, Bible, Isaïe, XXXVIII, 27. La bique allant remplir sa traînante mamelle Et paître l'herbe nouvelle, La Fontaine, Fabl. IV, 15. L'herbe était amère, et les troupeaux qui la paissaient ne sentaient pas la joie qui les fait bondir, Fénelon, Tél. XVIII. Les pourceaux paissent le gland sous les chênes, Le P. Catrou, dans DESFONTAINES.

    Absolument. Hélas ! petits moutons, que vous êtes heureux ! Vous paissez dans nos champs, sans soucis, sans alarmes, Deshoulières, Idylle, les Moutons. La meilleure façon de conduire les dindons devenus forts, c'est de les mener paître par la campagne dans les lieux où abondent les orties et autres plantes de leur goût, Buffon, Ois. t. III, p. 204. Là paissent la génisse et le taureau superbe, Delille, Géorg. II.

    Fig. et familièrement. Envoyer paître, renvoyer avec colère, avec mépris. Vous me faites peur de votre vieille veuve qui se marie à un jeune homme ; c'est un grand bonheur de n'être point sujette à se coiffer de ces oisons-là ; il vaut mieux les envoyer paître, que de les y mener, Sévigné, 239. Les remèdes que j'ai faits n'ont servi qu'à empirer mon état, et je ne me trouve mieux que depuis que j'ai envoyé paître les remèdes et le médecin, D'Alembert, Lettre à Voltaire, 29 août 1764. Je donne des gages à un homme pour faire paître mon troupeau ; mais cela ne m'ôte pas le droit de le mener paître moi-même, et d'envoyer paître le berger si j'en suis mécontent, Voltaire, Quest. miracl. Lett. 10. Quand l'Agnelet, petit Cotin champêtre, Dans son grenier rimaillant sous un hêtre, Nous peint la chèvre et ce qu'elle a brouté, Au pâturage on voit qu'il a goûté, Et désir vient de l'y renvoyer paître, Lebrun, Épigr. I, 82.

    Envoyer paître quelque chose, s'en débarrasser. Si je croyais mon cœur, j'enverrais paître toutes mes petites affaires, et m'en irais à Grignan, Sévigné, 21 août 1675.

  • 4 V. n. En termes de fauconnerie, manger, en parlant de l'oiseau. Un faucon qui a pu.
  • 5Se paître, v. réfl. Se nourrir. Les corbeaux se paissent de charogne. Et le corps ne se paît aux banquets de la Muse, Régnier, Sat. III. Les princes qui prennent, pour ainsi dire, l'Église sans se donner à elle, sont pour elle de grands fardeaux… ils ne paissent point le troupeau, c'est du troupeau qu'ils se paissent eux-mêmes, Fénelon, Sacre de l'élect. de Cologne, II, 2.

    Fig. Où les désirs comme vautours Se paissent de sales rapines, Malherbe, VI, 10.

    Fig. Se paître d'imaginations, de chimères, entretenir son esprit de choses vaines.

    On dit plus souvent : se repaître.

    Se paître de vent, se complaire aux louanges.

HISTORIQUE

XIIe s. Palefrois ne chevaus L'erbe sanglante ne paist par ces terraus, Ronc. p. 149. Mangiers à l'anrme [âme] est estre poüte des esgars de la sovraine lumiere, Job, p. 470. Li boef aroient, et les alnesses paissoient, ib. 499.

XIIIe s. S'il nos faut faire et otriier par force chose que nous ne doions, en non Dieu, la force paist le pré [la faux tond le pré], et on doit moult faire pour issir hors de prison, H. de Valenciennes, XIX. Et quant Renart fu bien peüz, Ren. 3992. Renart fet tot le monde pestre ; Renart atrait, Renart acole, Renart est de moult male escole, ib. 6478. Ele [la pensée] me paist et replenist De joie et de bonne aventure, la Rose, 2466. Lor maris et lor parentés Sevent bien de paroles pestre, ib. 14627. Car povre n'a dont s'amor pesse, Si cum Ovide le confesse, ib. 8023. Tu vodras moult ententis [attentif] estre à tes yex [yeux] saouler et pestre, ib. 2349. Et li ami as enfans requirent au conte, que Pierres… fust contrains à paistre et à vestir les enfans, Beaumanoir, XV, 6. Mondes, tu pais ceus que tu tiens D'une viande qui les tue, Les vers du monde.

XIVe s. Et tels sont ceulx qui se paissent ou menjuent du gaing des folles femmes incontinentes, Oresme, Eth. 111.

XVe s. Le roy d'Angleterre ne respondit riens… et entendit à ses fauconniers, et meit un faucon sur son poing, et oubliant tout en le paissant, Froissart, liv. IV, p. 348, dans LACURNE. Mais est abesté li bon homme, et paist d'herbe, et est transfiguré en une beste sans enchantement, Les 15 joyes du mariage, p. 116, dans LACURNE. Mon cueur, il me faut estre mestre à ma foiz, aussi bien que vous… Trop longuement m'avez fait pestre, Et toujours tenir au dessous, Orléans, Rondel 36. Si s'avisa après à chef, qu'il la chasseroit paistre hors d'avec lui, Louis XI, Nouv. LXVIIII.

XVIe s. Puisque voulez en sa prairie paistre, Marot, I, 271. En cette leçon l'ame treuve où mordre, et où se paistre, Montaigne, I, 174. Mon appetit est accommodable à toutes choses de quoy on se paist, Montaigne, I, 184. Si tu es un dieu fier qui te paisses de chair et de sang, mange les, Montaigne, I, 229. Vain espoir qui de vent nous vient paistre, Ronsard, 1.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. pâtre, poître ; prov. pascer, paiscer ; anc. cat. peixer ; esp. pacer ; port. pascer ; ital. pascere ; du lat. pascere, forme inchoative du radical sanscrit pā, nourrir.