« païen », définition dans le dictionnaire Littré

païen

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païen, enne

(pa-iin, iè-n' ; au XVIe siècle, on prononçait pa-ien, Palsgrave, p. 11 ; au XVIIe, pèien, suivant Marg. Buffet, Observ. p. 169) adj.
  • 1Qui est du nombre des sectateurs du polythéisme antique. Les philosophes païens. Comme il était au milieu d'Athènes la païenne, Massillon, Carême, Templ. Tout était adoré dans le siècle païen, Racine L. Relig. ch. VI.

    Il se dit aussi de tous les peuples idolâtres. Les habitants de l'Inde, à part les musulmans, sont païens.

    S'est dit des mahométans, par opposition à chrétien, et même des hérétiques, par opposition à catholique.

    Les protestants l'ont aussi quelquefois appliqué à leurs adversaires catholiques, à cause du culte des saints.

  • 2Qui est relatif au paganisme. L'antiquité païenne. La religion païenne est sans fondement, Pascal, Pens. XIX, 7, éd. HAVET.
  • 3 Fig. Qui a le caractère païen, en parlant soit des personnes, soit des choses. La première raison de ceux qui, sous le nom de christianisme, mènent une vie païenne et séculière, c'est qu'il est d'une trop haute perfection de vivre selon l'Évangile, Bossuet, 1er serm. Dim. de la Passion, 1. Depuis le péché, l'esprit de l'homme est tout païen, Malebranche, Rech. vér. VI, II, 3. Ce n'est pas que j'approuve en un sujet chrétien Un auteur follement idolâtre et païen, Boileau, Art p. III. Le roi se serait fait adorer ; témoin sa statue de la place des Victoires et sa païenne dédicace, où il prit un plaisir si exquis, Saint-Simon, 406, 84.
  • 4 S. m. et f. Celui, celle qui adore plusieurs dieux. Un païen qui sentait quelque peu le fagot Et qui croyait en Dieu, pour user de ce mot, Par bénéfice d'inventaire, Alla consulter Apollon, La Fontaine, Fabl. IV, 19. Qu'Apollon s'exprime en païen, Trouve-t-on cela fort étrange ? La Fontaine, Lettres, XXIV. La conversion des païens n'était réservée qu'à la grâce du Messie ; les Juifs ont été si longtemps à les combattre sans succès, Pascal, Pens. XVII, 8, édit. HAVET. Tous les païens disaient du mal d'Israël, Pascal, ib. XXIV, 49. L'abandon de Dieu paraît dans les païens ; la protection de Dieu paraît dans les Juifs, Pascal, ib. XX, 5 bis. Deux sortes d'hommes en chaque religion : parmi les païens, les adorateurs des bêtes, et les autres, adorateurs d'un seul Dieu dans la religion naturelle, Pascal, ib. XV, 10 bis. Vous trouverez que les prêtres des païens eux-mêmes regardaient les richesses de leurs temples comme des dépôts sacrés, et les ressources des calamités publiques, Massillon, Confér. Us. des revenus ecclés.

    Dans le moyen âge, les chrétiens donnaient le nom de païens aux musulmans, malgré leur sévère monothéisme. Ce terme de païens avait rendu odieux Frédéric II, qui avait employé les Arabes dans ses armées, Voltaire, Mœurs, 61.

  • 5 Fig. Celui, celle dont la religion a quelque chose du paganisme. Suivre sa volonté propre, c'est marcher dans sa voie et vivre en païen ; et suivre la volonté de Dieu, c'est marcher dans la voie de Dieu et vivre en chrétien, Nicole, Ess. mor. 2e traité, ch. 1. Il me dit que j'étais folle de ne point songer à me convertir ; que j'étais une jolie païenne ; que je faisais de vous une idole dans mon cœur, Sévigné, 48. Nous jugeons en païens, nous agissons de même, Fénelon, t. XVIII, p. 29.
  • 6 Par extension, un impie. C'est un vrai païen.

    Jurer comme un païen, proférer d'horribles jurements.

HISTORIQUE

Xe s. Chi [qui] rex eret à cels dis [à ces jours] sovre pagiens, Eulalie. Li rex pagiens, ib.

XIe s. N'i ad paien qui un sul mot responde, Ch. de Rol. II. Il veit venir cele gent paienur, ib. LXXVIII. [Il] Torna la teste vers la paiene gent, ib. CLXXI.

XIIe s. Sulunc [selon] le usage paenur, creïd [il crut] en sorceries et en enchantemenz, Rois, p. 420. Bien trente milie livres [ils] ont de l'arceveschié, Estre [outre] tut ce qu'il ont eü et purchacié Des rentes à tuz cels qui erent déchacié ; Car mult furent paiens li humme de cel sié [de cet endroit], Th. le mart. 120. Ke Hastainz li paian out destruite et wastée, Rou, v. 2450. Tant a paianz atrait entre li altres gens, ib. v. 4977.

XVe s. Et il avoit quis et queroit amour et alliance à un roi mescreant, et lui envoyoit dons et presents de fines toiles de Reims, qui sont moult plaisans aux païens et sarrasins, Froissart, III, IV, 50.

XVIe s. Le zele [de notre religion] en arma plusieurs contre toute sorte de livres payens, de quoy les gents de lettres souffrent une merveilleuse perte, Montaigne, III, 80.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. pagan, paguan, paian ; esp. pagano ; portug. pagāo ; ital. pagano ; du latin paganus, paysan, de pagus, lieu de campagne, à cause que le paganisme persista plus longtemps parmi les gens de la campagne ; l'ancien culte est appelé religio paganorum dans une loi de Valentinien Ier, qui est de l'an 368 (Cod. Théod. XVI, II, 18) ; et Orose, dans sa préface, explique ce mot par ces paroles : qui ex locorum agrestium compitis et pagis pagani vocantur. Paienur, paienor est le génitif pluriel conservé en ce mot et un très petit nombre d'autres dans la langue d'oïl : gent paienor, gens paganorum.