« partir.2 », définition dans le dictionnaire Littré

partir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

partir [2]

(par-tir), je pars, tu pars, il part, nous partons, vous partez, ils partent ; je partais ; je partirai ; je partirais ; je partis, nous partîmes ; pars, qu'il parte, partons, partez, qu'ils partent ; que je parte, que nous partions, que vous partiez ; que je partisse ; partant, parti v. n.
  • 1Quitter un lieu, s'en aller d'un lieu. Nous partîmes cinq cents, mais par un prompt renfort Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port, Corneille, Cid, IV, 3. Il veut partir à jeun ; il se peigne, il s'apprête, Boileau, Lutr. v. Vous voulez que je parte demain ; Et moi j'ai résolu de partir tout à l'heure, Racine, Bérén. v, 5. Partez, enfants d'Aaron, partez ; Jamais plus illustre querelle De vos aïeux n'arma le zèle… C'est votre roi, c'est Dieu pour qui vous combattez, Racine, Ath. IV, 6. On est ordinairement moins fâché quand on part que quand on voit partir, Staal, Mém. t. I, p. 88. Allez, je vous bénis ; partez, âme chrétienne, P. Lebrun, M. Stuart, v, 4.

    Fig. Par leur conseil [de personnes pieuses] je laisse partir cet écrit pour l'aller joindre aux autres discours qui ont déjà paru sur ce sujet, Bossuet, Coméd. 1. Allez, partez, mes vers, dernier fruit de ma veine, Boileau, Ép. x.

    Terme de marine. Quitter un port, une rade, commencer une navigation, s'éloigner d'un pays.

  • 2Partir se dit quelquefois pour mourir. C'est la règle et la raison, ma fille, que je parte la première ; et Dieu… sait bien avec quelle instance je lui demande que cet ordre s'observe en moi, Sévigné, 397. Je suis une pauvre vieille, qui n'est plus bonne à rien et qui partira bientôt, Maintenon, Lett. à la reine d'Espagne, 1711, t. VIII, p. 65, dans POUGENS.
  • 3 Fig. Il se dit de l'argent qu'on dépense et qui semble partir. Je me trouvai le soir à Meudon, où je dépensai le peu qui me restait, hors dix creutzers qui partirent le lendemain à la dînée, Rousseau, Confess. IV.
  • 4Partir se dit des hommes, des animaux qui quittent précipitamment un endroit. Au moindre signe il part comme l'éclair. La colombe l'entend, part, et tire de long, La Fontaine, Fabl. II, 12. Il [le lièvre] partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit Furent vains…, La Fontaine, ib. VI, 10.

    Partir du pied droit, du pied gauche, commencer à marcher par le pied droit, par le pied gauche.

    Ce n'est pas tout de courir, il faut partir à temps. Rien ne sert de courir ; il faut partir à point, La Fontaine, Fabl. VI, 10.

    Terme de manége. Partir juste, entamer l'allure du galop sur le pied de devant.

    Partir de pied ferme, faire partir le cheval du pas au galop.

    Partez ! Mot que prononce le maître d'académie quand il veut que l'élève aille le galop.

    Partir de la main, rendre tout à coup la main au cheval afin qu'il prenne le galop.

    Ce cheval part bien de la main, il prend bien le galop dès qu'on lui baisse la main.

    Fig. et familièrement. Il part de la main, se dit d'un homme qui fait avec promptitude ce qu'on lui demande.

    S. m. Le moment où le cheval part pour se porter en avant. Ce cheval a le partir prompt.

    Un beau partir, la course qu'on fait faire au cheval sur une ligne droite, sans qu'il s'en écarte ou se traverse.

  • 5 Terme de musique. Commencer. Çà, comptez bien vos temps pour partir cette fois, C'est vous qui commencez ; allons, vite : un, deux, trois ; Partez donc, partez donc, musicien barbare, Regnard, Fol. amour. II, 7.

    Fig. Partir d'un grand éclat de rire, rire tout à coup avec éclat.

  • 6En parlant des choses, sortir avec impétuosité. Quand tout cédait à Louis et que nous crûmes voir revenir le temps des miracles où les murailles tombaient au bruit des trompettes, tous les peuples jetaient les yeux sur la reine, et croyaient voir partir de son oratoire la foudre qui accablait tant de villes, Bossuet, Mar.-Thér. Le coup qui l'a perdu n'est parti que de lui, Racine, Andr. III, 3. Quand la foudre s'allume et s'apprête à partir, Racine, Alex. I, 1. C'est l'éclair qui paraît, la foudre va partir, Voltaire, Oreste, II, 7.

    Il se dit dans un sens ana logue des choses intellectuelles, morales. Cela partit plus vite qu'un trait, et nous en rîmes tous plus ou moins, Sévigné, 510. Elle abondait en saillies charmantes qu'elle ne recherchait point, et qui partaient quelquefois malgré elle, Rousseau, Conf. IX. À l'instant mon imagination part comme un éclair, et me dévoile tout le mystère d'iniquité, Rousseau, ib. X. Du sein de ces assemblées, qu'un mouvement confus sépare et renouvelle sans cesse, partent mille traits ingénieux ou sanglants contre ceux qui paraissent à la promenade avec un extérieur négligé, Barthélemy, Anach. ch. 20.

  • 7Il se dit des armes de jet ou des armes à feu. Le fusil a parti tout à coup. À peine du palais il sortait dans la rue, Qu'une flèche a parti d'une main inconnue, Corneille, Sur. v, 5.
  • 8 Terme de cuisine. Faire partir des haricots, les faire bouillir, les faire crever.

    Terme de métier. Faire partir la pierre, la séparer et l'ouvrir avec des coins de fer.

  • 9Prendre pour point de départ d'un discours, d'un raisonnement, etc. Il faut partir de l'état où est notre être pour connaître quels sont ses plaisirs, Montesquieu, Goût, plaisirs de l'âme. Partant de cette supposition, Buffon, Théor. terr. part. hyp. Œuv. t. IX, p. 212. Il est impossible de raisonner avec eux ; car je pars d'un principe…, Voltaire, Dial. XXIX, 3. Un autre que vous serait parti de là pour renchérir sur les médisances de la comtesse, Saurin, Mœurs du temps, 1.
  • 10Tirer son origine, avoir son commencement, avec un nom de chose pour sujet. Les nerfs qui partent du cerveau. Des vingt-cinq portes de chaque côté du carré partaient autant de rues qui aboutissaient aux portes du côté opposé, de sorte qu'il y avait cinquante rues qui se coupaient à angles droits, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 26, dans POUGENS. La différence la plus remarquable qu'il y ait entre le duc commun et le duc de la baie d'Hudson, c'est que les aigrettes partent du bec au lieu de partir des oreilles, Buffon, Ois. t. II, p. 133.
  • 11Provenir, émaner, en parlant de rayons, de lumière, de sons, de mouvements. Les sons partaient d'un point éloigné. Les vibrations partent de ce point. De lui [soleil] partent sans fin des torrents de lumière, Voltaire, Henr. VII. Déjà je le traînais… Vers les lieux d'où partait cette faible lumière, Voltaire, Sémir. v, 6. Il n'y a que l'expérience qui puisse l'accoutumer [l'homme] à juger de la distance qui est entre lui et l'endroit d'où part le bruit, Condillac, Conn. hum. sect. 6. Un cri part, et soudain voilà que par la plaine Et l'homme et le cheval emportés, hors d'haleine… Volent avec les vents, Hugo, Orientales, Mazeppa.
  • 12 Fig. Provenir, par une sorte d'origine que l'on compare à celle des choses physiques. Celles-là [lettres] ne partaient que de mon esprit ; celles-ci partent de mon cœur, Voiture, Lett. 15. Périsse mon amour, périsse mon espoir, Plutôt que de ma main parte un crime si noir ! Corneille, Cinna, III, 3. Votre compassion… Part d'un bon naturel, La Fontaine, Fabl. I, 22. Les chagrins qui partent de l'amitié que j'ai pour vous, me sont plus agréables que toute la fausse paix d'une ennuyeuse absence, Sévigné, 18 sept. 1679. De telles vengeances rudes et basses [rigueurs contre Fouquet] ne sauraient partir d'un cœur comme celui de notre maître [le roi], Sévigné, 21 déc. 1664. Mon malheur est parti d'une si belle cause ? Racine, Mithr. IV, 2. On ne sait point d'où part ce dessein furieux, Racine, Phèdre, v, 5. Les vices partent d'une dépravation du cœur ; les défauts, d'un vice de tempérament ; le ridicule, d'un défaut d'esprit, La Bruyère, XII. Je t'entends ; son arrêt est parti de ta bouche, Voltaire, Fanat. IV, 3. C'était un étrange contraste que du sein d'une cour voluptueuse où régnaient la douceur des mœurs, les grâces, les charmes de la société, il partît des ordres si durs et si impitoyables, Voltaire, Louis XIV, 36. Le trait de lumière qui éclaire aujourd'hui le monde [savoir que la terre tourne autour du soleil] partit de la petite ville de Thorn [patrie de Copernic] dans la Prusse polonaise, dès le milieu du XVIe siècle, Voltaire, Mœurs, 178.

    Fig. et populairement. Cela part de sa boutique, cela vient de lui (en mauvaise part).

  • 13 Fig. Être produit. Peut-être jamais deux pièces [Mélite et Clitandre] ne partirent d'une même main plus différentes et d'invention et de style, Corneille, Préf. de Clitandre. Toutes les parties dont l'œil est composé ont un rapport si juste et si sagement proportionné à l'action de la lumière, que la lumière et les yeux sont visiblement faits l'un pour l'autre, et partent d'une même main, Malebranche, Rech. vér. Éclairc. sur la lum. t. IV, p. 414, dans POUGENS. Tel ouvrage qui est fort médiocre, n'a pu partir que d'un génie sublime, et tel autre ouvrage qui est assez beau a pu partir d'un génie assez médiocre, Fontenelle, Vie de Corn.
  • 14À partir de, loc, prép. À dater de, en commençant à. C'est à partir de la prédication de l'Évangile que la face du monde a été renouvelée, Chateaubriand, Génie, IV, VI, 13.

    À partir de là, loc. adv. En supposant telle chose ; depuis ce moment. Puis au partir de là vous disent…, Régnier, Sat. II.

  • 15Au partir de, au moment du départ (locution où l'infinitif partir est pris substantivement). Plus belle qu'elle n'était au partir de Londres, Hamilton, Gramm. 10. Soucis cuisants au partir de Caliste Jà commençaient à me supplicier, Rousseau J.-B. Ép. I, 7. Au partir de cette fontaine on les mena voir une prison d'hommes, où tous étaient tenus les pieds dans des ceps d'or, Courier, Trad. d'Hérod.

REMARQUE

1. Partir prend l'auxiliaire avoir quand on veut exprimer l'action de partir, et l'auxiliaire être quand on veut marquer l'état du sujet parti. Je m'approche d'un chasseur, je lui demande quand le lièvre a parti. Il me répond : Il y a longtemps qu'il est parti.

2. Il ne faut pas dire : partir à la campagne, partir en Italie, mais partir pour la campagne, pour l'Italie.

3. On ne dit pas non plus partir en voyage ; mais simplement partir, ou partir pour un voyage.

HISTORIQUE

XIe s. [Que] nuls ne lait [laisse] sun hume de li partir, puisqu'il est reté [en accusation], Lois de Guil. 47. Al plus espais [de la mêlée] les rompent et partissent [séparent], Ch. de Rol. CCLVII.

XIIe s. Mort [il] le trebuche, l'ame s'en est partie, Ronc. p. 58. Par sous le coute, [la main] lui fu du cors partie [coupée], ib. p. 115. Et s'il est riens qui m'en puisse partir [séparer], Couci, VIII. Que ferai, Diex ? me partirai de lui [elle] ? ib. IX. De ceste amour qui tant me fait pener, Ne voi-je pas com je puisse partir, ib. X. Je ne m'en puis partir ne traire ariere, ib. XVIII. Tuit sont parti de moi joieus talent [désirs], ib. XX. Je ne tieng pas l'amour à droit partie [partagée], Dont il convient mourir ou trop aimer, ib. XX. Partir m'estuet [il me faut partir] de vous sans demorer, ib. XXIV. Mais nul partir, sachez, quoi que nuls die, N'est douloureus que d'ami et d'amie, ib. XXIV. Peu aime son seigneur… Qui par fausse ochoison de lui servir se part, Sax. XI. Lors [ils] sauront comme Charles nous a le jeu parti, ib. XXIV. La parole est finée, et li conseils se part, ib. XXIX.

XIIIe s. Tous li clergés et li homme d'eage Partiront [auront leur part] tout à cest pelerinage, Quesnes, Romancero, p. 94. Nous la partirons par mi ; si en prendrés la moitié et nous l'autre, Villehardouin, XLIX. …Se [vous] saviez orendroit à quel meschief je sui, li cuers vous partiroit, Berte, XXVIII. Au partir l'a li rois mout doucement baisie, ib. LXXII. Se d'ilec [le renard] se veut departir, De sa qeue l'estuet partir [se séparer de sa queue, la perdre], Ren. 1204. Vente ne doit nul guerredon, Ni affiert graces ne merites ; L'ung de l'autre se part tous quites, la Rose, 10818. Et après les gardes dou champ les deivent mener [les champions] à une part dou champ, et partir [partager] leur le soleil, Ass. de J. 153. Lors a songié un songe dont moult s'esmerveilloit ; Vit le ciel aovrir et terre qui partoit, Ch. d'Ant. VI, 245. Et li enfant du second mariage, né comme loiel oir [hoirs loyaux], partiroient [auraient part] au descendement de lor pere et de lor mere, Beaumanoir, XVIII, 18. Et il me distrent : Sire, le jeu nous est mal parti [inégal], Joinville, 277. Et pour ce vaut il miex, si comme il me semble, que nous le façons occirre, avant qu'il nous parte des mains, Joinville, 244.

XIVe s. Ton empire biparti, c'est à dire party en deux, Oresme, Thèse de MEUNIER.

XVe s. Endementres que ces gens d'armes… s'appareilloient, et qui premier avoit fait premier partoit…, Froissart, II, III, 53. Et souvent leur avenoient de belles aventures et perilleuses, desquelles ils se partoient à leur honneur, Froissart, I, I, 130. Et fut la cité de Tournay partie [partagée] pour loger les seigneurs, Froissart, II, II, 203. Quant ilz furent assemblez et tous venus, et que les maistres du tournoy eurent party [partagé le champ], Perceforest, t. IV, f° 4. Qui a à partir a à marrir [à s'affliger], Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 379.

XVIe s. Voyant que là n'estoyent que troys tigneux et ung pelé de legistes, se partit dudict lieu, Rabelais, Pant. II, 5. La nymphe Ora avoyt le cors my parti en femme et en andouille, Rabelais, ib. IV, 38. La plume blanche par dessus, mignonnement partye à paillettes d'or, Rabelais, Garg. I, 56. Je connois bien, depuis que je suis partie de vous, qu'il n'est nulle pire prison que d'ung corps eslongnant les lieux où son cueur est aresté, Marguerite de Navarre, Lett. 66. Il avisa qu'elle n'avoit pas l'anneau qui jamais ne lui partoit du doigt, Marguerite de Navarre, Nouv. VIII. Vostre estre est egalement party à la mort et à la vie, Montaigne, I, 85. Ces façons partent plustost de folie que de vraye raison, Montaigne, I, 120. Nous partons le fruict de nostre chasse avecques nos chiens, Montaigne, II, 170. Nous ne faisons que partir [nous sortons] de boire, toutefoys…, Despériers, Cymbal. 79. Cela faict, Theseus se partit pour aller combattre le taureau de Marathon, Amyot, Thés. 16. Puis en partissant au sort les charges de la chose publique avec son compagnon, il luy escheut de faire la guerre à Philippus, Amyot, Flamin. 3. Il partiroit un œuf en deux, une maille en deux, H. Estienne, Précell. p. 77 et 78.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, parti, paûrti ; Berry, partir, partager ; provenç. et espagn. partir ; ital. partire, du lat. partiri, dénominatif de part-em, diviser en plusieurs parts (voy. PART 2). Partir a essentiellement, comme on voit dans l'historique, le sens de partager, diviser, séparer ; de là se partir, et, neutralement, partir a passé sans peine à la signification de se séparer d'un lieu, quitter un lieu ; comparez sortir.