« pencher », définition dans le dictionnaire Littré

pencher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pencher

(pan-ché) V. a.
  • 1Faire que quelque chose ne soit pas droit, perpendiculaire. Si Alexandre penche la tête, ses courtisans penchent la tête, Malebranche, Rech. vér. II, III, 2. Les arbres fruitiers, en penchant leurs rameaux vers la terre, semblent offrir leurs fruits à l'homme, Fénelon, Exist. I, 12.

    Fig. (Un juge) Penche la balance inégale, Et tire d'une urne vénale Des arrêts dictés par Cypris, Gresset, Chartr.

  • 2 Fig. Produire dans l'âme un mouvement comparé à un penchement. Non qu'une folle ardeur de son côté me penche, Corneille, Cid, V, 5. Dieu répand dans l'âme quelque chose qui la penche vers la chose commandée, Pascal, Prov. IV. Pour sentir évidemment notre liberté, il en faut faire l'épreuve dans les choses où il n'y a aucune raison qui nous penche d'un côté plutôt que d'un autre, Bossuet, Lib. arb. 2.
  • 3 V. n. Être hors de son aplomb, de la ligne perpendiculaire. Indépendamment des collines calcaires… il y en a grand nombre d'autres qui ont penché par différents accidents, et dont toutes les couches sont fort inclinées, Buffon, Add. théor. terr. Œuv. t. XII, p. 460. Cette balance, chargée de cinquante livres de chaque côté, penchait assez sensiblement par l'addition de vingt-quatre grains, et chargée de vingt-cinq livres, elle penchait par l'addition de huit grains seulement, Buffon, Hist. min. Introd. part. exp. Œuv. t. VI, p. 14. Ton front bientôt flétri penchera vers la terre, Ducis, Abuf. IV, 7.

    Fig. C'est de son côté [du P. Bouhours, dans une querelle avec Ménage] que le ridicule penche, Sévigné, 16 sept. 1676.

    Faire pencher une balance, ajouter dans un des plateaux quelque chose qui le fait descendre.

    Fig. Vous vous êtes persuadés que celui qui peut jeter des masses d'or dans la balance de la justice, la fait pencher à son gré, Raynal, Hist. phil. III, 41.

  • 4 Fig. S'incliner, s'affaisser comme fait ce qui penche. Quoiqu'elle penche sur son déclin, il faut avouer qu'elle a encore des attraits, Guez de Balzac, liv. V, lett. 3. Ils [certains favoris] aiguisent ce qui coupe, ils précipitent ce qui penche, ils encouragent les violents, Guez de Balzac, De la cour, 7e disc. …La fragilité [du pécheur]… n'a jamais, de soi, que le néant pour terme ; Elle y penche, elle y glisse, elle y tombe aisément, Corneille, Imit. III, 4. Elle [la synagogue] penchait visiblement à sa ruine, Bossuet, Hist. II, 6. Cependant Claudius penchait vers son déclin, Racine, Brit. IV, 2. La démocratie qui penche à l'anarchie, Raynal, Hist. phil. XIX, 2.
  • 5 Fig. Être porté à. Songez que dans ma main j'ai le pouvoir suprême, Qu'entre Othon et Pison mon suffrage incertain, Suivant qu'il penchera, va faire un souverain, Corneille, Oth. II, 2. À l'exception d'un petit nombre de sénateurs qui… n'étaient pas vendus à l'injustice, tout le reste pencha du côté de Jugurtha, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 536, dans POUGENS. Ce bon naturel qui vous fait pencher du côté de la vertu, Massillon, Carême, Impén. Quel est le poids qui fait encore pencher le cœur ? Massillon, Avent, Disp.

    Pencher vers quelqu'un ou vers quelque chose. Car enfin c'est vers toi que penche la nature, Corneille, Héracl. V, 3. C'est toi dont l'ambassade, à tous les deux fatale, L'a fait pour son malheur pencher vers ma rivale, Racine, Andr. V, 3. Et toujours tous les cœurs penchent vers Bajazet, Racine, Bajaz. I, 2.

    Pencher pour. Osmin a vu l'armée, elle penche pour vous, Racine, Bajaz. II, 1. Vous penchiez pour quelqu'un ; j'en suis fâché pour vous ; Pourquoi tardiez-vous tant à me le venir dire ? Piron, Métrom. V, 11.

    Pencher à, être porté vers quelque chose. Le respect qui pourrait m'empêcher De combattre un avis où vous semblez pencher, Corneille, Cinna, II, 1. Agis donc fortement, et fais-toi violence, Pour te soustraire au mal où tu te vois pencher, Corneille, Imit. I, 25. Cette princesse penchait au judaïsme, Bossuet, Hist. I, 10. Mon naturel penchait à la mollesse, Fénelon, Dial. des morts mod. Dial. 15.

    Pencher a, avec un verbe à l'infinitif. Et [je] penche d'autant plus à lui vouloir du bien, Que, s'en voyant indigne, il ne demande rien, Corneille, Héracl. I, 2. Ils penchent à aimer le vice, Rousseau, Ém. II.

  • 6Se pencher, v. réfl. S'incliner. Dès qu'il fut entré, Maxime, se levant de son trône, se pencha vers lui pour lui donner le baiser, Fléchier, Hist. de Théod. III, 72. Les fleurs croissent à nos pieds, et il faut au moins se pencher pour les cueillir, Diderot, Opin. des anc. philos. Épicurisme.

REMARQUE

1. L'Académie, dans ses Sentiments sur le Cid, remarque : De son côté me penche ; il fallait dire me fasse pencher. Ce verbe n'est point actif, mais neutre. L'Académie se trompait ; les meilleurs écrivains emploient pencher à l'actif, en parlant des actes moraux.

2. Pencher, v. n. se construit avec l'auxiliaire avoir : il avait penché pour un tel. Il se construit rarement avec l'auxiliaire être, et alors il se confond avec le passif de pencher, v. a.

HISTORIQUE

XIIIe s. Si que li cors ne penge de nule part, Alebrand, f. 29. Li enquesteur, ne li auditeur, ne li juge, ne li arbitre ne sunt pas loial, qui se penchent plus d'une partie que d'autre, Beaumanoir, XL, 22.

XVIe s. Vice vers lequel je penche evidemment de ma complexion, Montaigne, II, 42. Cette aysée, doulce et penchante voye, n'est pas celle de la vraye vertu, Montaigne, II, 117. Ils leur enseignent à ne se pancher pas en avant quand ils cheminent, Amyot, Que la vertu se peut apprendre, 7.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. pengar, penjar ; catal. penjar ; d'une forme non latine pendicare, dérivée de pendēre, être suspendu.