« poëte », définition dans le dictionnaire Littré

poëte

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

poëte

(po-è-t' ; dans la prononciation ordinaire, de deux syllabes : poè-t') s. m.
  • 1Celui qui s'adonne à la poésie. L'amour n'a point d'âge, il est toujours naissant ; les poëtes nous l'ont dit ; c'est pour cela qu'ils nous le représentent comme un enfant, Pascal, Pass. de l'amour. Les poëtes imitateurs de la nature et dont le propre est de rechercher dans le fond du cœur humain les sentiments qu'elle y imprime, Bossuet, Connaiss. IV, 11. La postérité saura peut-être la fin de ce poëte comédien [Molière], qui, en jouant son Malade imaginaire, reçut la dernière atteinte de la maladie dont il mourut peu d'heures après, et passa des plaisanteries du théâtre, parmi lesquelles il rendit presque le dernier soupir, au tribunal de celui qui dit : malheur à vous qui riez, car vous pleurerez, Bossuet, Comédie, 5. Quelle verve indiscrète Sans l'aveu des neuf sœurs vous a rendu poëte ? Boileau, Sat. IX. Voici les poëtes dramatiques, qui, selon moi, sont les poëtes par excellence et les maîtres des passions ; il y en a de deux sortes : les comiques qui nous remuent si doucement, et les tragiques qui nous troublent et nous agitent avec tant de violence, Montesquieu, Lett. pers. 137. Je vois avec peine qu'il [Goldoni] s'intitule poëte du duc de Parme ; il me semble que Térence ne s'appelait point le poëte de Scipion ; on ne doit être le poëte de personne, surtout quand on est celui du public, Voltaire, Lett. Albergati, 1er mai 1761. Nous sommes au temps, j'ose le dire, où il faut qu'un poëte soit philosophe, Voltaire, Alz. Épît. dédic. Les Grecs n'avaient alors que des poëtes pour historiens et pour théologiens ; ce ne fut même que quatre cents ans après Hésiode et Homère qu'on se réduisit à écrire l'histoire en prose, Voltaire, Ess. sur la poés. épique, II. Shakspeare, leur premier poëte tragique [des Anglais], n'a guère en Angleterre d'autre épithète que celle de divin, Voltaire, ib. Les rois d'Angleterre, qui ont conservé dans leur île beaucoup d'anciens usages perdus dans le continent, ont, comme on sait, leur poëte en titre d'office ; il est obligé de faire tous les ans une ode à la louange de sainte Cécile, Voltaire, Dict. phil. Poëtes. Qu'est-ce qu'un poëte négligé ? c'est celui qui sème de temps en temps de la prose lâche et molle à travers de beaux vers, Diderot, Pensées sur la peint. Œuvr. t. XV, p. 231, dans POUGENS. L'avenir ! pour lui seul chante et vit le poëte, Legouvé, Épichar. et N. n, 2. Poëte, prends ton luth ; c'est moi [la Muse], ton immortelle, Qui t'ai vu cette nuit triste et silencieux, Et qui, comme un oiseau que sa couvée appelle, Pour pleurer avec toi descends du haut des cieux, Musset, Nuit de mai.

    Il a lu les poëtes, il entend les poëtes, se dit ordinairement de celui qui a lu, qui entend les anciens poëtes grecs et latins.

  • 2Il se dit aussi des femmes. Madame Deshoulières était un poëte aimable.
  • 3Celui qui, composant ou non, a les facultés poétiques. Il m'écrit qu'il n'est point du tout poëte ; je suis bien tenté de lui répondre, et pourquoi donc faites-vous des vers ? qui vous y oblige ? Sévigné, 235. Souvent l'auteur altier de quelque chansonnette Au même instant prend droit de se croire poëte, Sévigné, Art p. II. Racine et Despréaux sont-ils jamais plus poëtes que dans les endroits où il ne se trouve pas une expression qui puisse effaroucher le plus timide grammairien ? D'Olivet, Rem. Rac. § 54. [Au théâtre] il faut être neuf, sans être bizarre, souvent sublime et toujours naturel ; connaître le cœur humain, et le faire parler ; être grand poëte, sans que jamais aucun personnage de la pièce paraisse poëte, Voltaire, Cand. 22. La littérature grecque est la seule qui ne soit pas née d'une autre, mais produite par l'instinct et le sentiment du beau chez un peuple poëte, Courier, Hérodote, préface.

    Familièrement. Poëte crotté, mauvais poëte. Je donne au poëte crotté Deux cents livres de vanité, Scarron, Testament.

REMARQUE

Anciennement, on faisait souvent poëte de deux syllabes. Car, si ce n'est un poëte, au moins il le veut être, Régnier, Sat. II. Même précaution nuisit au poëte Eschyle, La Fontaine, Fabl. VIII, 16. Aussi me traite-t-on de poëte à la douzaine, Piron, Métrom. II, 1.

HISTORIQUE

XIIIe s. À profiter bé [je tends] plus que plaire ; Plus weil [je veux] ensuivre le prophete Que je ne face le poete, Gautier de Coincy, p. 377. Li phyllosophe et li poete, Gui de Cambrai, Barl. et Jos. p. 202. Les seignors anciains qui ont batailleor Çai en ariers esté et de gens vainqueor, Et les noms des poetes qui furent jongleor, Oons [nous entendons] tan qu'as estoiles eslever hui to jor, Bibl. des ch. 6e série, t. I, p. 279.

XIVe s. Exemple translaté par maistre François Petrac [Pétrarque], qui à Romme fut couronné poete, Ménagier, I, 6. Cilz poetes [Orphée] dont je vous chant, Harpoit si très joliement Et si chantoit si doucement Que les grans arbres s'abaissoient, Machaut, p. 9.

XVIe s. Le grave historien, l'orateur, le poëte…, Ronsard, 905.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. poeta ; du lat. poeta, qui vient de ποιητὴς (voy. POËME).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

POËTE. Ajoutez :
4Au fém. Chloé, belle et poëte, a deux petits travers : Elle fait son visage, et ne fait pas ses vers, Lebrun, Épigr. 9.