« poisson », définition dans le dictionnaire Littré

poisson

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

poisson [1]

(poi-son) s. m.
  • 1Animal vertébré qui naît et vit dans l'eau. Hier, vendredi, il nous donna à dîner en poisson ; ainsi nous vîmes ce que la terre et la mer savaient faire ; c'est ici le pays des festins, Sévigné, 569. Les voyages ne me coûtaient rien : savez-vous celui que je fis pour une certaine sorte de poisson dont je mangeais à Minturne dans la Campanie ? on me dit que ce poisson-là était bien plus gros en Afrique ; aussitôt j'équipe un vaisseau, et fais voile en Afrique, Fontenelle, Dial. 3e, Morts anc. mod. Les deux pèlerines… furent bien surprises de trouver un petit repas en poisson, quoique ce fût un jour gras, Fontenelle, Lett. gal. 36. Le pingouin, le manchot, oiseaux demi-poissons, Buffon, Ois. t. XVI, p. 255. Vraisemblablement les poissons sont de tous les animaux ceux à qui il a été donné de vivre le plus longtemps : on a vu des carpes de cent cinquante ans, Bonnet, Contempl. nat. XII, 27. On sait que les vrais poissons, les poissons à ouïes, ne s'accouplent pas, Bonnet, ib. XII, 27.

    Poissons fossiles, poissons qu'on trouve dans les anciennes couches terrestres. Il est démontré par l'inspection attentive de ces monuments authentiques de la nature, savoir les coquilles dans les marbres, les poissons dans les ardoises, et les végétaux dans les mines de charbon, que tous ces êtres organisés ont existé longtemps avant les animaux terrestres, Buffon, 4e époq. nat. Œuv. t. XII, p. 230.

    Être muet, rester muet comme un poisson, rester interdit, et aussi garder un silence absolu.

    Fig. Être comme le poisson dans l'eau, être à son aise en quelque lieu. Encore un peu de patience, me disait-il ; je vous placerai dans quelque maison où vous serez comme le poisson dans l'eau, Lesage, Estev. Gonz. 9.

    Être comme le poisson hors de l'eau, être hors du lieu où l'on voudrait être.

    Il avalerait la mer et les poissons, se dit d'un homme qui a grande soif, et aussi d'un homme qui mange beaucoup.

    Familièrement. Cet homme est moitié chair, moitié poisson, on ne sait s'il est chair ou poisson, il n'est ni chair ni poisson, on a peine à dire de quelles mœurs, de quel naturel il est, ce qu'il aime, ce qu'il hait, ce qu'il veut, ce qu'il ne veut pas.

  • 2Poisson blanc, dénomination qui n'a nul rapport à la couleur de la peau, mais qui sert à désigner des espèces dont la chair pâle a peu de goût. Le gardon est un poisson blanc.

    Poisson de nuit, harengs apportés le jour même où ils ont été pris, quand le bateau est petit et peu éloigné du port ; on les estime beaucoup.

  • 3Poisson de roche, le bar.

    Poisson aigle, la raie-aigle.

    Poisson juif, traduction française des mots pesce jouziou dont on se sert à Marseille pour désigner la zygène tudès ou zygène marteau, à cause de sa ressemblance avec l'ornement de tête que les juifs portaient autrefois en Provence (on l'appelle vulgairement le marteau), Legoarant

    Poisson rouge, cyprin doré ou dorade de la Chine.

    Poisson volant, nom donné à tous les exocets et à des espèces de plusieurs autres genres. Du fond des eaux je vois s'élancer dans l'air le poisson volant, dont les nageoires ressemblent aux ailes de la chauve-souris, Bonnet, Contempl. nat. III, 26.

  • 4Dans le langage scientifique, le poisson est un animal qui respire par des branchies ; et les cétacés, qui ont des poumons, ne sont pas des poissons ; mais on donne abusivement le nom de poisson à certains cétacés.

    Poisson anthropomorphe, le lamantin et le dugong.

    Poisson bœuf, le lamantin des mers d'Amérique.

    Poissons souffleurs, les cétacés.

  • 5Le poisson, symbole dont la primitive Église se servait pour désigner le Christ, à cause que, des cinq mots grecs Ἰησοῦς Χριστὸς Θεοῦ Υἱὸς Σωτὴρ, si l'on réunit les premières lettres, on a ἰχτὺς, qui signifie poisson ; cet acrostiche paraît avoir été tiré, par quelque chrétien, des livres sibyllins.
  • 6Poisson fleur, les méduses et les actinies.
  • 7Poisson d'avril, maquereau.

    Populairement. Un poisson d'avril, attrape qui consiste à faire courir quelqu'un sous de faux prétextes le premier jour d'avril. Premier d'avril, et ce n'est pas un poisson d'avril, Voltaire, Lett. d'Argental, 1er avril 1767.

  • 8Poisson royal, se disait autrefois des dauphins, esturgeons et saumons, parce que, quand ils échouaient sur le rivage, ils appartenaient au roi seul. Déclarons les dauphins, esturgeons, saumons et truites, être poissons royaux, et en cette qualité nous appartenir, quand ils sont trouvés échoués, Ordonn. août 1681.

    Les baleines, marsouins, veaux de mer, thons et souffleurs, appelés poissons à lard, étaient au contraire partagés comme épaves.

  • 9 Terme de blason. On nomme poisson dans l'art héraldique, celui dont on ne peut désigner l'espèce.
  • 10 S. m. pl. Les Poissons (avec une majuscule), l'un des signes du zodiaque mobile, celui qui, par suite de la révolution annuelle de la terre, semble parcouru du 20 février au 20 mars à peu près par le soleil.

    Nom d'une constellation du zodiaque fixe.

    Le Poisson austral (avec une majuscule), constellation de l'hémisphère méridional située sous l'urne du Verseau.

    Le Poisson volant (avec une majuscule), autre constellation de l'hémisphère méridional, qui n'est pas visible dans nos climats.

PROVERBES

Les gros poissons mangent les petits, c'est-à-dire les puissants oppriment les faibles ; et aussi les sentiments les plus forts font taire les plus faibles. Il faudrait plus d'un cœur pour aimer tant de choses à la fois ; pour moi je m'aperçois tous les jours que les gros poissons mangent les petits, Sévigné, 232. Voilà une lettre infinie… tous mes autres commerces languissent, par la raison que les gros poissons mangent les petits, Sévigné, à Mme de Grignan, 3 juill. 1675.

La sauce vaut mieux que le poisson, c'est-à-dire l'accessoire vaut mieux que le principal.

La sauce fait manger le poisson, se dit de quelque chose de peu agréable que les circonstances accessoires font passer.

Il ne sait à quelle sauce manger ce poisson, se dit de celui qui a de la peine à digérer quelque affront, quelque injure, qui ne sait comment prendre un discours qu'on lui tient.

Jeune chair et vieux poisson, la chair des jeunes bêtes et celle des vieux poissons sont les meilleures. Vous faites bien mentir le proverbe qui dit : jeune chair et vieux poisson, Voiture, Lett. 143.

HISTORIQUE

Xe s. Cel pescion, Fragm. de Valenc. p. 467.

XIIe s. Present [il] leur envoia vin froit et bon poisson, Sax. XXII.

XIIIe s. Je ne sui pas si aise com le poisson qui noe [nage], Berte, XXXIII. Atant ez-vos grant aleüre Marcheanz qui poisson menoient, Et qui devers la mer venoient, Ren. 773. Blanc poisson qu'on prend as buirons et as nasses, Du Cange, anwilla. Et si ne soit hom si hardis ki piscon venge [vende] à detail, ki le raport salé…, Tailliar, Recueil, p. 405. Peisson sont sanz nombre, Latini, Trés. p. 182.

XVe s. On dit qu'eschaudez yaue [eau] craint ; Poissons batu fuit le fillé, Deschamps, Poésies mss. f° 221. Maquereau, c'est poisson d'april, Ancien théâtre françois, t. II, p. 31. À ce respons, s'aucuns le me demande, Entre deux eaues comme le poisson noue [nage], Orléans, Ball. 105.

XVIe s. Telle resverie, dis-je, qui n'est ne chair ne poisson, est exclue, Calvin, Instit. 219. Si se pensa que le lendemain estoit jour de poisson [maigre], Despériers, Contes, XXXVI. Au poisson à nager ne monstre, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 193. De petite riviere grand poisson n'espere, Leroux de Lincy, ib. Si les mois ne sont errez [s'ils n'ont pas d'r], le poisson ne mangerez, Leroux de Lincy, ib. Pour empescher que le poisson ne face mal, et aussi à fin qu'il soit meilleur et plus sain, il le faut faire bouillir et accoustrer avec du vin, si nous croyons ce proverbe qui dit que le poisson, depuis qu'il a perdu l'eau, ne la doit plus sentir, Bouchet, Serées, l. I, p. 218, dans LACURNE. Se faire marchand de poisson la veille de pasques, Cotgrave L'hoste et le poisson, passé trois jours, puent, Cotgrave La Riviere, qui avoit un laquais et un petit poisson d'avril qui lui tenoit le bureau et espioit les allées et venues de son voisin, Noel du Fail, Contes d'Eutr. ch. II, f° 18, dans POUGENS.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, pehon ; picaid, pichon, pisson ; Artois, posson ; provenç. peisso ; it. pescione. Les formes française, provençale et italienne supposent une dérivation du latin piscis, poisson, lequel a donné directement le provenç. peis, le catal. pex, l'espagn. pez, le portug. peixe, l'ital. pesce. Piscis a pour congénères l'all. Fisch, goth. fiska, le kymri pysg, gaél. iasg.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. POISSON. Ajoutez :
11Poisson-lune, dit aussi môle (voy. MÔLE au Supplément), de la famille des plectognathes. Le nom de poisson-lune lui vient de ce qu'on le prendrait de loin pour l'image de la lune réfléchie dans le miroir des eaux, le Temps, 24 août 1876, 3e page, 2e col.

Le poisson à pierre, sorte de poisson. Le leuciscus pygmeus ou poisson à pierre qu'on trouve en abondance dans toutes les rivières des États-Unis, Journ. offic. 26 oct. 1875, p. 8861, 1re col.