« pré », définition dans le dictionnaire Littré

pré

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pré [1]

(pré) s. m.
  • 1Terre à foin ou à pâturage. Un ruisseau qui, sur la molle arène, Dans un pré plein de fleurs lentement se promène, Boileau, Art p. I. Les prés et les bois de bonne qualité sont de tous les biens ceux qui exigent le moins de soins et de frais, Genlis, Maison rust. t. I, p. 18.

    Fig. Le pré valait-il la fauchure ? [Le jeu valait-il la chandelle ?], Piron, les Misères de l'amour.

    Vert comme pré, très vert.

    Prés salés, prés situés au bord de la mer et ayant une saveur salée excitant l'appétit des animaux et donnant à la chair, au lait, au beurre un goût particulier qui les fait rechercher. La chair du mouton n'est nulle part aussi bonne que dans les pacages ou prés salés, Buffon, Quadrup. t. I, p. 241.

    Pré-salé, voy. ce mot à son rang.

    Fig. Faire son pré carré, s'arrondir, en parlant d'un propriétaire qui accroît son domaine, d'un prince qui gagne des territoires. Sérieusement, monseigneur, le roi devrait un peu songer à faire son pré carré, Vauban, Lett. à Louvois, 19 janv. 1673, dans Journ. des Débats, 27 avr. 1862. Prêchez toujours [au roi] la quadrature, non pas du cercle, mais du pré ; c'est une belle et bonne chose que de pouvoir tenir son fait des deux mains…, Vauban, Lett. à Louvois, dans Revue des Deux-Mondes, 1862, 1er févr. p. 633.

  • 2Pré aux Clercs, nom d'une plaine qui s'étendait dans une partie de l'enceinte actuelle de Paris, où se trouve maintenant le faubourg Saint-Germain : c'était le rendez-vous ordinaire des étudiants, et le lieu où se vidaient les duels.

    Fig. et par allusion au Pré aux Clercs, pré, lieu assigné pour un duel. Il est resté sur le pré. Nous vidons sur le pré l'affaire sans témoins, Corneille, Ment. IV, 1. Je vous crois trop bon sens pour lui faire un appel ; Ésope sur le pré serait un beau spectacle ! Boursault, Fabl. d'Ésope, IV, 1.

    Fig. Sur le pré, au moment de la décision. Il fallait, pour embrasser ce parti de se passer du parlement, plus de nerf que la nature n'en avait mis en lui [le duc d'Orléans], plus d'assurance par soi-même et sur le pré qu'il n'était en lui de le faire, Saint-Simon, 399, 192.

PROVERBES

Il vaut mieux en terre qu'en pré, se dit d'un vieil avare, d'une personne inutile, nuisible, dont la mort serait un soulagement.

Épargne de bouche vaut rente de pré, c'est-à-dire économiser sur les dépenses de table est un bon revenu, les prés étant le bien-fonds dont le revenu est le plus assuré.

HISTORIQUE

XIe s. Tout [il] l'abat mort al pred sur l'herbe drue, Ch. de Rol. CII. Il l'abat mort devant lui en la prée, ib. CV.

XIIe s. [Ces cheveux]… du chief [de la tête de] la reïne furent, Onques en autre pré ne crurent, la Charrette, v. 1417.

XIIIe s. Marli, Montmorenci et Conflans, en la prée, Berte, LXXXII. Mout [nous] sommes en bel pré mis de pauvre bruiere, ib. CXXX. Biauté se puet trop poi garder : Tantost a faite sa vesprée Com les florettes en la prée, la Rose, 8369.

XVe s. Cependant sourdit grand different entre le seigneur Ludovic et Robert de Sainct Severin… et demeura le pré [la place, l'avantage] au seigneur Ludovic, Commines, VII, 2.

XVIe s. Il vient comme pluye agreable Tombant sur prez fauchez, Marot, IV, 298. Je le mene sur le pré…, D'Aubigné, Faen. I, 1.

ÉTYMOLOGIE

Berry, prée ; provenç. prat ; espagn. prado ; ital. prato ; du lat. pratum. Les étymologistes latins le regardent comme une syncope de paratum, la chose prête ; mais cette étymologie n'est soutenue ni par la forme ni par le sens ; et l'origine de pratum reste obscure. Pré, au masculin, représente pratum ; prée, au féminin, représente le pluriel neutre prata, suivant l'usage de la langue, qui, du pluriel des noms neutres, faisait des féminins singuliers. Prée s'est conservé dans le Berry et dans quelques noms propres, comme la Prée Vallée.