« prévoir », définition dans le dictionnaire Littré

prévoir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

prévoir

(pré-voir) v. a.

Il se conjugue comme voir, excepté au futur : je prévoirai, et au conditionnel : je prévoirais.

  • 1Voir par avance ce qui doit arriver. Dès que j'ai su l'affront, j'ai prévu la vengeance, Corneille, Cid, II, 8. Il vaut mieux employer notre esprit à supporter les infortunes qui nous arrivent, qu'à prévoir celles qui nous peuvent arriver, La Rochefoucauld, Max. 174. Je hais ces cœurs pusillanimes qui, pour trop prévoir les suites des choses, n'osent rien entreprendre, Molière, Scapin, III, 1. Quand les princes… ôtent les égards et la crainte aux hommes, en faisant que les maux qu'ils souffrent leur paraissent plus insupportables que ceux qu'ils prévoient…, Bossuet, Reine d'Anglet. Ils se seront munis de tous côtés par des précautions infinies ; enfin ils auront tout prévu, excepté leur mort qui emportera en un moment toutes leurs pensées, Bossuet, Duch. d'Orl. Les sages le prévirent [qu'en changeant la religion, on s'exposait aux révolutions] ; mais les sages sont-ils crus en ces temps d'emportement ? Bossuet, Reine d'Anglet. Observez le temps présent, prévoyez l'avenir, Bossuet, Ét. d'orais. v, 4. Je ne sais point prévoir les malheurs de si loin, Racine, Andr. I, 2. Comme un homme d'esprit prévoit le parti que prendra dans une telle occasion un homme dont il connaît le caractère, Voltaire, Lett. au Pr. roy. de Pr. 23 janv. 1738. Prévoir une action libre n'est pas l'opérer ; la permettre n'est pas la produire, Bonnet, Paling. VIII, 9. Le malheur de ces gens qui savent tout, est de ne jamais rien prévoir, Duclos, Œuv. t. VIII, p. 378. Pourquoi, à défaut d'ordre de Napoléon, cette précaution [se munir de fers à crampons] n'avait-elle pas été prise par des chefs, tous rois, princes et maréchaux ? l'hiver n'avait-il donc pas été prévu en Russie ? Ségur, Hist. de Nap. x, 2.

    Prévoir que… Vous pouvez déjà voir comme elle [Rome] m'appréhende… Parce qu'elle prévoit que je saurai régner, Corneille, Nicom. IV, 3.

    Prévoir de, avec le verbe avec l'infinitif. Je voudrais que cela pût en quelque sorte vous récompenser de tout ce que vous prévoyez de perdre, Sévigné, à d'Hérigoyen, 8 fév. 1687. Je ne prévois pas de pouvoir faire cette revue avant l'hiver, Rousseau, Lett. à Mme Latour, 14 mai 1763.

    Absolument. Ce n'est pas assez au prince de voir, il faut qu'il prévoie, Bossuet, Polit. v, I, 17. Prévoir pour sa raison [de l'homme mûr] n'est que se souvenir, Delille, Imag. VI.

  • 2Prendre les mesures, les précautions nécessaires. On ne peut tout prévoir. Tout a été prévu.
  • 3Lire ou étudier d'avance (inusité en ce sens). Avant d'aller à l'église, on lui offrit sa partie à prévoir, il n'y jeta pas les yeux, Rousseau, Conf. 3.
  • 4Se prévoir, v. réfl. Être prévu. Tout ce qui est arrivé pouvait facilement se prévoir.

HISTORIQUE

XIIIe s. Garde toi de prevoir ce qui nos est de veé [défendu] ; car il n'est de nostre licence, Latini, Trésor, p. 369.

XVIe s. Qui bien prevoit obvie à maint meschef, Marot, J. p. 83. dans LACURNE. Solon ayant bien preveu les menées de Pisistratus, il ne les peut neantmoins jamais empescher, Amyot, Publ. et Solon, 5. Prevoyant ja de loing ce qui en devoit advenir, Amyot, Thém. 6. Les inconveniens qu'il preveoit en l'entreprise, Amyot, Alc. 31. Prevoyant bien que ce commencement de maladie [les nouvelletez de Luther] declineroit ayséement en un exsecrable atheisme, Montaigne, II, 137. Si la bruslure est superficielle, il s'esleve des pustules ou vessies, si on n'y prevoit, Paré, X, 8. Ils preveurent de loin, par le lever de la poussiniere, la cherté de l'huile, De Serres, 48.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, preveie ; provenç. prevezir ; espagn. prever ; ital. previdere ; du latin prævidere, de præ, avant, et videre, voir.