« preuve », définition dans le dictionnaire Littré

preuve

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

preuve

(preu-v') s. f.
  • 1Ce qui montre la vérité d'une proposition, la réalité d'un fait. On trouve toujours obscure la chose qu'on veut prouver, et claire celle qu'on emploie à la preuve, Pascal, Pens. VII, 3, édit. HAVET. Dire à ceux-là [les infidèles] qu'ils n'ont qu'à voir la moindre des choses qui les environnent, et qu'ils y verront Dieu à découvert, et leur donner pour toute preuve de ce grand et important sujet le cours de la lune ou des planètes, et prétendre avoir achevé sa preuve avec un tel discours, c'est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles, Pascal, ib. XXII, 2. Les preuves ne convainquent que l'esprit ; la coutume fait nos preuves les plus fortes et les plus crues ; elle incline l'automate, qui entraîne l'esprit sans qu'il y pense, Pascal, ib. X, 8. Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes et si impliquées, qu'elles frappent peu, Pascal, ib. X, 5. Ce sage législateur [Moïse]… nous sert lui-même de preuve que sa loi ne mène rien à la perfection, Bossuet, Hist. II, 3. La loi salique admettait l'usage de la preuve par l'eau bouillante, Montesquieu, Esp. XXVIII, 16. Enfin on fit la fameuse ordonnance qui défendit de recevoir la preuve par témoins pour une dette au-dessus de cent livres, à moins qu'il n'y eût un commencement de preuve par écrit, Montesquieu, ib. XXVIII, 44. La loi salique n'admettait point l'usage des preuves négatives, Montesquieu, ib. XXVIII, 13.

    Preuves testimoniales ou par témoins ; preuves littérales ou par écrit. Les espèces de preuves les plus connues sont celles qui se font par témoins et par écrit, Bouchaud, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. V, p. 101.

    Preuve morale, preuve qui résulte de la croyance que nous accordons à autrui. Tout fait dont nous ne sommes pas les témoins, n'est établi pour nous que sur des preuves morales, et toute preuve morale est susceptible de plus et de moins, Rousseau, Lett. à l'archev. de Paris.

    Preuve de sentiment, croyance qui repose non sur la démonstration, mais sur la manière de sentir. La preuve intérieure ou de sentiment lui manque, et celle-là seule peut rendre invincibles toutes les autres, Rousseau, Hél. V, 50.

    Familièrement et par ellipse. Preuve de cela, ce qui prouve que cela est. Quand je viens ici, à peine ose-t-elle me regarder : preuve d'amour ; et quand je lui parle, elle ne me répond pas le mot : preuve d'amour, Fagan, Pupille, sc. 1.

    En venir à la preuve, vérifier. Quand on en viendra à la preuve, on verra de quel côté est la vérité.

    En venir aux preuves, exécuter ce dont il s'agit. Elle ne demandait pas mieux que d'en venir aux preuves, Hamilton, Gramm. 4.

    Terme de jurisprudence criminelle. Preuve muette, preuve qui, sans être ni testimoniale ni littérale, résulte de quelque circonstance.

    Terme de procédure. Semi-preuve ou demi-preuve, commencement de preuve qui, sans être suffisant pour établir le fait dont il s'agit, fournit des indices. Les uns veulent que les inscriptions, ainsi que tous les instruments publics, fussent une preuve complète, les autres qu'elles ne fussent qu'une semi-preuve, comme toute écriture privée, Bouchaud, Inst. Mém. sc. mor. et pol. t. V, p. 98.

    Aujourd'hui on dit commencement de preuve. Le commencement de preuve par écrit résulte des titres de famille, des registres ou papiers domestiques…, Code Nap. art. 324.

  • 2Titres qui établissent la noblesse. Elle a envoyé chercher les preuves de mon frère, brillantes comme le soleil, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 7 mars 1718.

    Faire preuve de noblesse, justifier par titres qu'on est noble.

    Absolument, dans le même sens, faire ses preuves. On fait plusieurs vers et chansons, je ne veux rien écouter que ce que la comtesse [de Fiesque] cria tout haut l'autre jour chez Mademoiselle : Le roi dont la bonté le met à mille épreuves, Pour soulager les chevaliers nouveaux, En a dispensé vingt de porter des manteaux, Et trente de faire leurs preuves, Sévigné, 17 déc. 1688.

    Fig. Faire ses preuves, faire connaître son savoir, son mérite, son courage, etc. C'est un homme qui fait ses preuves. Cela fait honneur aux enfants, il y avait longtemps que les pères avaient fait leurs preuves, Sévigné, 411.

    Fig. Faire preuve de, prouver qu'on a… Faire preuve à la fois d'une saine philosophie, d'une littérature exquise, d'un goût sévère et pur…, Marmontel, Esquisse, Éloge de d'Alembert.

  • 3 Particulièrement. Titres, pièces que l'on met à la fin d'un ouvrage, pour prouver les faits que l'on y avance.
  • 4 Fig. Marque, témoignage. J'admire chaque jour les preuves qu'il en donne [de sa vertu], Corneille, Héracl. I, 2. Il est bien croyable qu'un Dieu qui aime infiniment, en donne des preuves proportionnées à l'infinité de son amour et à l'infinité de sa puissance, Corneille, Anne de Gonz. J'ai lu dans tous ses traits la preuve de son crime, Ducis, Abuf. III, 6.

    Faire des preuves d'une chose, la prouver. Je crois n'avoir pas l'âme trop intéressée, et j'en ai fait des preuves, Sévigné, 192.

    Faire sa preuve, être éprouvée, avec un nom de chose pour sujet. Ce n'est point aux rives d'un fleuve… Que fait sa véritable preuve L'art de conduire les vaisseaux, Malherbe, III, 3.

    Faire preuve, ressentir, éprouver (emploi vieilli). Les preuves que je fais de leur impiété, Malherbe, I, 4.

    Faire preuve de, s'essayer à (locution vieillie). Elles souffrent bien que l'amour Par elles fasse chaque jour Nouvelle preuve de ses charmes, Malherbe, VI, 4.

    Rendre des preuves, faire des exploits (locution vieillie). Là rendront tes guerriers tant de sortes de preuves, Que…, Malherbe, II, 12.

  • 5 Terme de rhétorique. Se dit de celle des parties constitutives d'un discours que l'on appelle aussi confirmation et réfutation.
  • 6 Terme d'arithmétique. Opération par laquelle on vérifie l'exactitude d'un calcul.
  • 7Dans les sucreries, vérification à l'aide de laquelle on s'assure si le sirop a atteint le degré de concentration nécessaire pour que la cristallisation puisse avoir lieu avec succès. Preuve au thermomètre, à l'aréomètre, au filet, à l'écumoire, à la dent, à l'eau.
  • 8Petite bouteille dans laquelle on reçoit, au sortir de l'alambic, l'eau-de-vie dont on veut connaître le degré.

    Preuve de Hollande, nom donné à un alcool marquant 19° de l'aréomètre de Cartier et renfermant environ la moitié de son volume d'alcool absolu.

HISTORIQUE

XIIIe s. Ne nul ne peut faire preuve de non [négative], que en tel maniere ou par le semblant, Ass. de J… I, 109. Quant la preuve chiet [tombe] sur la parole afirmative, et non sur la negative, ib. Et ceste proeve doit estre fete par celi qui fist fere le contremant, Beaumanoir, III, 31.

XIVe s. Creu par son serment sans autre prove, Delisle, Agricult. norm. p. 146.

XVIe s. Aussi eulx, si on les a mis à la preuve de l'action, on les a veu voler d'une aile si haulte, que…, Montaigne, I, 141. Il a souvent faict preuve de sa personne, Montaigne, III, 82. En ce miserable siecle, où les meschancetez font leur derniere preuve, Lanoue, 217. Et s'ils vouloyent avoir un casquet et une rondache à preuve pour les assauts et escarmouches, ils les pourroyent avoir, Lanoue, 267. Iiz feirent tant, que la chose fut mise en preuve de la pluralité des voix du senat, Amyot, Pomp. 83.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, proûv ; provenç. prova, proa ; catal. proba ; espagn. prueba ; ital. prova, pruova ; du latin proba, échantillon, essai, de même radical que probare (voy. PROUVER).