« preux », définition dans le dictionnaire Littré

preux

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

preux

(preû) adj. m.
  • Vaillant, brave. On ne peut se faire un plus beau et un plus juste panégyrique, mon cousin, que celui que vous faites de votre preux et de votre généreux ami feu le duc de Saint-Aignan, Sévigné, 17 juin 1687. Moi, répondit notre preux chevalier [le lièvre qui fait le brave], je ne reculerais pas, quand toute la gent chienne viendrait m'attaquer, Fénelon, t. XIX, p. 53.

    S. m. Un ancien preux. Les neuf preux. Dites surtout aux fils des nouveaux preux Que j'ai chanté la gloire et l'espérance…, Béranger, Bonne vieille. Tranquilles cependant, Charlemagne et ses preux Descendaient la montagne et se parlaient entre eux, Vigny, le Cor.

    Les neuf preuses, nom donné dans le moyen âge à neuf femmes guerrières, Tammaris, reine d'Égypte, Deifemme, Lampredo, Hippolyte, reine des Amazones, Sémiramis, Pentésilée, Tancqua, Deisille et Ménélippe.

HISTORIQUE

XIe s. Rolans est proz et Oliviers est sage, Ch. de Rol. LXXXV.

XIIe s. Et un suen escuier n'i volt il oublier, Rogier de Brai, un brun, un prode bachelier, Th. le mart. 48. Mielz valt fiz à vilain qui est prouz et senez, Que ne fait gentilz hun failliz et debutez, ib. 63. Li marenier [les matelots] orent paor ; Li plus sage po i saveient, Et li plus pros po i veeient, Wace, Vierge Marie, p. 5. E Judas oï le renon des Romains, que il estoient preuz des armes, Machab. I, 8. Lors li manda Jonathas mile prodes homes, ib. I, 11. Dit Alaïs, la preus et la senée, R. de Cambrai, CLXXIV. Prou furent, et vous fustes pros, Et jo vous tien à vaillans tos, Brut, v. 12898. Quar ice [cela] non est proz à conseillar, Gerard de Ross. p. 324.

XIIIe s. Chars de vielle chievre n'est preus au cors de l'home, Alebrand, f. 46. Cil poisson ne sont preu à user, Alebrand, f° 62. La prode fame l'esgarda, Grant joie en fist, si l'otria [l'octroya], Marie de France, Fable 33. Amur n'est pruz se n'est egals, Marie de France, Equitan. … la dameisele Qui tant est pruz et sage e bele, Marie de France, Frêne. … Fruiz n'est prous qui ne maüre [mûrit], Poésies mss. avant 1300, t. I, p. 455, dans LACURNE, au mot fruit. Li dus de Venise, qui avoit non Henri Dendole, et estoit moult preus et moult saiges, Villehardouin, X. Et en li demanda pourquoy il n'avoit dit aussi preudhomme : pource, fist-il, que il a grant difference entre preu homme et preudomme, Joinville, 275.

XIVe s. Trestouz les romanciers qui ont lonc temps musez En ce qu'ont reconté les faiz des proudes hommes, Girart. de Ross. Prol. Dist li dus [le duc] : preu neveu, n'otreions ta requeste ; Qu'elle n'est droituriere, suffisant ne honeste, ib. v. 2945. Homme, en quelque estat qu'il soit, ne peut avoir meilleur tresor que de preude femme et saige, Ménagier, I, 4. Je croy que, quand deux bonnes preudes gens sont mariés, toutes autres amours sont reculées, ib. I, 6. Li rois de Chypre, qui est et proub et sage, Bonifazio Degli Uberti, Dittamondo, IV, 21. Ah Dieux ! dient François, Bertran est tous ravis, Ne se sait reposer ne de jour ne de nuis ; Au nombre des neuf preuz deveroit estre mis, Guesclin. 18503. Lequel Bonvallet, qui a esté continuellement preux et haitiez environ six semaines depuis ladite mellée, Du Cange, probus.

XVIe s. Ô vous nymphes, muses, sybilles preuses, Marot, J. V, 312.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. pros ; ital. pro, proda. Mot très difficile. En français le nominatif est pros, le régime est prou, preu, et quelquefois prode ; le pluriel nominatif est pros et prou ; le régime pluriel est pros, et aussi prodes ; au féminin, le nominatif est preus, pruz et aussi prode. Le provençal dit au masculin et féminin proz, sans distinction de cas. D'après la règle de l'ancien français, ces formes supposeraient un adjectif latin qui serait le même pour le masculin et le féminin, par exemple prodis ; mais prodis n'existe pas dans la latinité. Diez hésite entre une dérivation de la préposition pro, pour, et l'adjectif probus, Raynouard se déclare pour probus. Le fait est que le bas-latin rend constamment preux par probus, et prouesse par probitas ; sens qui, étant étrangers à la latinité, peuvent avoir été attribués à ces mots à cause d'un vague sentiment d'une communauté entre preux et probus. Dans cet état de choses, il n'est pas impossible que probus, qui avait un adverbe probiter, se soit changé en probis, et de là en prodis ; on a des exemples de cette mutation : la préposition od pour ob, représentant de apud, et en italien bue brado, jeune bœuf non dressé, au lieu de bue bravo. Mais jusqu'à présent cela ne dépasse pas la valeur d'une conjecture. Malgré quelques coïncidences de sens, ce qui empêche de tirer preux, prode, de prudens, prudentem, c'est que le régime serait dans l'ancienne langue proent.