« prier », définition dans le dictionnaire Littré

prier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

prier

(pri-é), je priais, nous priions, vous priiez ; que je prie, que nous priions, que vous priiez v. a.
  • 1 Terme de religion. Adresser des demandes aux puissances célestes. Et je prierai les dieux que dans cet entretien Vous ayez assez d'heur pour n'en obtenir rien, Corneille, Sertor. I, 1. …si le ciel encore est touché de mes pleurs, Je le prie, en mourant, d'oublier mes douleurs, Racine, Bérén. IV, 5.
  • 2En particulier, s'adresser à Dieu. Lorsque vous priiez Dieu avec larmes et que vous ensevelissiez les morts, Sacy, Bible, Tobie, XII, 12. Qui pourra croire que les épicuriens, qui niaient la providence divine, eussent des mouvements de prier Dieu, eux qui disaient que c'était lui faire injure de l'implorer dans nos besoins…, Pascal, Prov. IV. Je souhaite d'apprendre, ma fille, si vos douleurs vous ont quittée ; j'en prie Dieu, et qu'enfin il commence à vous soulager après vous avoir poussée si loin, Bossuet, Lett. abb. 57. Le roi Édouard fit prier Dieu dans toutes les églises d'Angleterre pour le repos de l'âme du roi Jean, qui était mort à Londres, Choisi, Hist. du roi Jean, dans RICHELET.

    Prier la Vierge, prier les saints, s'adresser à la Vierge, aux saints, afin qu'ils intercèdent pour nous auprès de Dieu.

    Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde, ou, simplement, pour les personnes d'un rang moins élevé, en sa sainte garde, formule par laquelle le souverain de France termine ses lettres.

    Je prie Dieu que… se dit par forme de souhait. Je prie Dieu qu'il vous ramène en bonne santé.

    Absolument. Elle est à bien prier exacte au dernier point, Mais elle bat ses gens et ne les paye point, Molière, Mis. III, 5. En priant pour son âme, chrétiens, songeons à nous-mêmes ; qu'attendons-nous pour nous convertir ? Bossuet, Duch. d'Orl. Engager les uns à prier, et empêcher les autres de mal prier, Bourdaloue, 5e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 179. Pour moi, je n'ai qu'à prier et à mourir ; et je n'en suis pas fâchée, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 31 déc. 1716. Prier ensemble dans quelque langue, dans quelque rite que ce soit, c'est la plus touchante fraternité d'espérance et de sympathie que les hommes puissent contracter sur cette terre, Staël, Corinne, x, 5. [Le peuple] prie les gouvernements de l'épargner un peu, et il croit qu'on l'écoute ; en un mot le peuple est toujours priant et croyant ; croire et prier, c'est son état, sa façon d'être de tout temps, Courier, Lett. au réd. du Censeur, 6. Enfants, quand vous prierez, prierez-vous pas pour moi ? Hugo, F. d'aut. XXXVII.

  • 3Demander par grâce. Je vous prie de le protéger. Une mère pour vous croit devoir me prier, Racine, Iphig. III, 6.

    Prier quelqu'un de quelque chose, le lui demander avec prière. Vois l'urne de Pompée, il y manque sa tête ; Ne me la retiens plus ; c'est l'unique faveur Dont je te puis encor prier avec honneur, Corneille, Pomp. V, 4.

    Prier un homme de son déshonneur, se dit quand on lui fait quelque demande qu'il n'est pas honorable d'accorder. Vous étant bien amusé durant la promenade à prendre du tabac sans songer à moi, vous ne vous en souvenez au retour que pour me prier de mon déshonneur en termes honnêtes, mais fort intelligibles, Hamilton, Gramm. 4.

    Prier que, avec le subjonctif. Nous lisons fort ici ; La Mousse m'a priée qu'il pût lire le Tasse avec moi, Sévigné, 21 juin 1671. Il [mon fils] me croit autant qu'il peut ; il me prie que je le redresse ; je le fais comme une amie, Sévigné, 22 avr. 1671. Quand elle [Mme de Marans] nous pria qu'elle pût venir avec nous passer le soir chez M. de la Rochefoucauld, Sévigné, 3 avr. 1671.

    Se faire prier, différer d'accorder une chose demandée et qui n'est pas difficile. Elle se fait prier, pour se donner un nouveau prix, Sévigné, 5 janv. 1680. Eh, pour se marier, Est-il fille aujourd'hui qui se fasse prier ? Th. Corneille, Comt. d'Orgueil, I, 7. On a dit de quelques-uns qu'ils se faisaient si longtemps prier, qu'ils donnaient si sèchement et chargeaient une grâce qu'on leur arrachait de conditions si désagréables…, La Bruyère, VIII.

    On dit dans le même sens : il veut être prié.

    Familièrement. Je l'en ai prié comme Dieu, comme pour Dieu, je l'en ai prié à mains jointes, je lui ai demandé la chose avec toute l'ardeur possible.

    Je vous prie, se dit absolument comme formule de politesse. Faites porter cela chez moi, je vous prie.

    On dit de même : je vous en prie. Faites cela, je vous en prie.

    Je vous prie, je vous en prie, s'emploie quelquefois par forme de menace. Ne recommencez pas, je vous prie, je vous en prie.

    Il se dit aussi par humeur. Si j'étais de mon fils, son époux, Je vous prierais bien fort de n'entrer point chez nous, Molière, Tart. I, 1. Vous ? mon Dieu ! mêlez-vous de boire, je vous prie, Boileau, Sat. III.

    Absolument. Prier pour quelqu'un, intercéder pour quelqu'un. J'ai prié pour lui, mais je n'ai rien pu obtenir.

  • 4Inviter, convier. Des parents à prier tant d'un côté que d'autre, Montfleury, Femme juge et part. I, 4. Mon maudit campagnard s'était informé des personnes que je voyais le plus fréquemment, et n'avait pas manqué de les prier, Duclos, Œuv. t. VIII, p. 172.

    Prier à, inviter avec quelque cérémonie. Le mariage se fera dans quatre jours… mandez-le un peu à son maître de musique, afin qu'il se trouve à la noce… je vous y prie aussi, Molière, Mal. imag. II, 5. Comme il a faim et que la nuit est déjà avancée, il la prie à souper, La Bruyère, XI. On m'assure qu'on a vu frère Berthier avec un autre frère, allant par la route de Genève à Soleure ; si j'en avais été informé plus tôt, je les aurais priés à dîner, Voltaire, Lett. d'Argental, 11 mars 1764. Elle est priée à tous les bals et à tous les soupers, Genlis, Ad. et Th. t. II, p. 177, dans POUGENS.

    Prier de, même sens. Si cette partie est rompue, j'irai chez Mme de Chaulnes ; j'en suis extrêmement priée par la maîtresse du logis, Sévigné, 5 févr. 1674. S'il est prié d'un repas, La Bruyère, Théophr. v. Du souper le patron l'aura prié peut-être, Baron, Éc. des pères, IV, 3. Touchez-là : c'est me prier d'une partie de plaisir, Boissy, Franç. à Londres, sc. 10.

    Les auteurs de synonymes ont voulu distinguer prier à de prier de, disant que prier de indiquait moins de cérémonie, et que, près de se mettre à table avec ceux qu'on a priés à dîner, une personne survenant, on la prie de dîner. Cette nuance n'est pas observée par l'usage. Cependant, en général, il vaut mieux dire, en ce sens, prier à que prier de, du moins dans tous les cas où le sens d'inviter ne serait pas clair, et où l'on craindrait qu'il ne se confondît avec celui de demander avec instance.

    La viande ne prie point les gens, se dit d'un méchant repas. La viande pourtant ne priait point les gens, Régnier, Sat. X.

  • 5Se prier, s'adresser une demande, une prière. Je me prie, en pleurant, d'oser rompre ma chaîne, Chénier, Élég. XXXVI.

    S'inviter soi-même. Pressez vite le jour de la cérémonie ; J'y prends part, et déjà moi-même je m'en prie, Molière, Éc. des f. v, 8.

    Familièrement. Se prier se dit pour tout ce qui ennuie ou déplaît. Il faut que je me prie pour aller à cette ennuyeuse soirée.

REMARQUE

1. Boileau a dit prier quelque chose à quelqu'un : Tout ce que j'ai à vous prier maintenant, c'est de me mander…, Boileau, Lett. à Racine. 4 juin 1693.

2. Dans la versification du commencement du XVIIe siècle, on écrivait je te pri' devant une consonne, ou même je te prie (d'une seule syllabe). Quitte-moi, je te pri', je ne veux plus de toi, Malherbe, I, 4. Et prie Dieu qu'il nous garde en ce bas monde ici, Régnier, Sat. VIII. Maillet, quoique fort importun, Ainsi que dit le bruit commun, N'a pas tant faim comme il crie ; Car, puisqu'il nous donne aujourd'hui Un je te pri pour je te prie, S'il ne mange, il ne tient qu'à lui, Épigrammes, dans RICHELET.

3. On a dit prier à Dieu, prenant prier comme verbe neutre. Aussi de tous étiez jà regretté, Fors de l'envie et de votre bon frère ; Lui ne voyant en vous de sainteté Priait à Dieu qu'il vous mît vite en terre, Pour accourcir d'autant l'iniquité, Vers adressés par Piron à Voltaire, le 3 déc. 1723. C'est un archaïsme.

HISTORIQUE

Xe s. Tuit oram que por nos [elle] degnet preier, Eulalie. Preiets [priez] li que de cest periculo nos liberat, Fragm. de Valenç. p. 469.

XIe s. N'i a paien [qui] nel prit [prie] e nel aort [adore], Ch. de Rol. LXVI. Clamez vos coulpes, si preiez Deu merci, ib. LXXXVII.

XIIe s. [Je] Proi vous, dame, par vo très grant valor, Que vous amez [aimiez] vostre loial ami, Couci, VII. Bele dame me prie de chanter, ib. X. As fins amans proi [je prie] qu'il dient le voir [vrai], ib. X. Qui donc veïst le duc nostre Seigneur prier Qu'il ait merci de s'ame…, Sax. X. Sire, li reis vus ad porté grant amistié ; Bien li devriez faire ço qu'il vus ad preié, Th. le mart. 25.

XIIIe s. Ne chantez mais, Quesnes, je vous en prie, Hues D'Oisi, Romancero, p. 103. Prions leur que il nous aident à conquerre la cité, Villehardouin, XXXVIII. Je vous pri sur la foi que vous m'avez jurée…, Berte XVI. Por le roi Pepin [elle] proie, nel [ne le] met pas en oubli, ib. LIX. On dit pieça qu'au desoz [au-dessous] est qui prie ; Je nel cuidai jà si bien essaier, Poésies franç. mss. avant 1300, t. IV, p. 1472, dans LACURNE.

XVe s. Or regardez du comte de Flandre ; il semble qu'il ny attouche, et il fait tout ; il veut prier l'espée en la main, Froissart, II, II, 207. Et au departir qu'ils firent, le pria et toute sa compagnie pour le lendemain disner, Jeh. de Saint. ch. 53. Belle que tant veoir vouldroye, Je prie à Dieu que brief vous voye, Orléans, Bal. XII. Par ung prier qui vault commandement, Chargé m'avez d'une balade faire, Orléans, Ball. 20. Les faulz prianz [les faux amants, ceux qui font de fausses prières], Perceforest, t. II, f° 104. Comme le rossignol prie [fait l'amour], il chante melodieusement, ib. t. III, f° 86. Si luy prierent qu'il descendist et qu'il allast manger avec elles ; car aussi bien estoient elles seules, fors que d'ung nayn qui leur servoit ; et il ne se fist point prier longuement ; car il n'avoit mangé de tout le jour, Lancelot du lac, t. III, f° 24, dans POUGENS.

XVIe s. Priez à Dieu qu'à elle soit propice, Rabelais, Pant. II, 3. À quoi tient-il, je vous prie, que nous sommes si froids et craintifs à entrer au combat ? Calvin, Instit. 233. Je la priay s'en reposer sur moy, Montaigne, I, 95. Isocrates estant prié en un festin de parler de son art, Montaigne, I, 182. Je te prie de croire que cela advient à chascun de nous, Montaigne, III, 106. Elle lui pria le bon repos et se retira, Yver, p. 642. Capitolinus en devint amoureux, et le pria de son deshonneur sur le poinct qu'il estoit en la fleur de son adolescence, Amyot, Marcel. 2. Bonjour, M. Philausone, je suis fort joyeux de ceste rencontre ; car j'avois delibéré de vous aller prier d'un plaisir, H. Estienne, Nouveau langage françois. Qui veut apprendre à prier, aille souvent sur la mer, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Berry, préyer, perier, peurier ; provenç. pregar, preguar, preyar ; ital. pregare ; du lat. precari ; comparez sansc. prachh, demander ; zend fraça, demander ; all. fragen, interroger.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PRIER. - REM. Ajoutez :

4. Mme de Sévigné, impliquant dans prier le sens de dire, a continué, après prier, sa phrase par que : Le roi le pria fort bonnement [le maréchal de Bellefont] de songer à ce qu'il lui répondait ; qu'il souhaitait cette preuve de son amitié, qu'il y allait de la disgrâce, 26 avril 1672. Cela est bref et bon.