« prison », définition dans le dictionnaire Littré

prison

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

prison

(pri-zon) s. f.
  • 1Logis où l'on enferme ceux qu'on veut détenir. Quel charme, quel désordre, ou quelle raillerie Des prisons de Lyon fait votre hôtellerie ? Corneille, Suite du Ment. I, 1. Vos pères [jésuites] le firent mettre en prison [un domestique], Pascal, Prov. VI. [Elle] Hante les hôpitaux, visite les prisons, Boileau, Sat. X. J'ai vu ce matin M. de Meaux, bien convaincu qu'il faut laisser Mme Guyon en prison, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 21 mai 1701. Il vous tiendrait en prison, Fénelon, Tél. III. Lorsque les vents, méditant le ravage, Pour forcer leur prison réunissent leur rage, Racine L. dans GIRAULT-DUVIVIER. D'une prison sur moi les murs pèsent en vain ; J'ai les ailes de l'espérance, Chénier, Jeune captive. Hélas ! dans la prison, triste sœur de la tombe, Ta main vient soutenir le malheur qui succombe, Delille, Pit. II. …Convient-il qu'au fond d'une prison Je contemple le deuil de ma propre maison ? P. Lebrun, Marie St. II, 4.

    Fig. Ma cour fut ta prison, mes faveurs tes liens, Corneille, Cinna, v, 1. Et ne savez-vous pas que de cette maison Pour Camille et pour moi l'on fait une prison ? Corneille, Hor. III, 2.

    Fig. Cette maison est une vraie prison, elle est sombre et triste.

    Aimable, gracieux comme une porte de prison, se dit de quelqu'un dur et brutal.

    Fig. La prison de Saint-Crépin, soulier étroit qui blesse le pied (saint Crépin est le patron des cordonniers).

  • 2Emprisonnement. Il a été condamné à deux ans de prison. De là vient [du besoin de distraction] que la prison est un supplice si horrible, Pascal, Pens. IV, 2, éd. HAVET. Il disait, en parlant de cette prison malheureuse, qu'il y était entré le plus innocent de tous les hommes, et qu'il en était sorti le plus coupable, Bossuet, Louis de Bourbon. La prison, sans aucun commerce avec les hommes, est un supplice inventé par les tyrans, Voltaire, Mœurs, 146.
  • 3Captivité. Ce fut dans ce voyage et durant sa prison Qu'il étreignit le nœud de cette trahison, Mairet, Soliman, II, 7. Contraint de racheter sa liberté après une longue prison, durant les guerres d'Allemagne, Fléchier, Duc de Mont.
  • 4 Fig. Ce qui renferme, enclôt. Vastes cieux, prisons éclatantes, Qui renfermez les airs, et la terre et les eaux, Corneille, Trad du ps. 148. Dans sa verte prison la figue recueillie, Chénedollé, dans GIRAULTDUVIVIER. Par quel rapide essor la sublime pensée Des prisons du cerveau tout à coup élancée, Suit-elle dans leurs cours ces vastes tourbillons ? Lebrun, dans GIRAULT-DUVIVIER. Et toi, lampe nocturne, …ô toi qui jusqu'au jour De ta prison de verre éclairais nos tendresses, Chénier, Élégies, 37. Viens donc, viens détacher mes chaînes corporelles, Viens, ouvre ma prison, viens, prête-moi tes ailes, Lamartine, Médit. V.

    Borne, limite. Maudit soit le premier dont la verve insensée Dans les bornes d'un vers renferma sa pensée, Et, donnant à ses mots une étroite prison, Voulut avec la rime enchaîner la raison ! Boileau, Sat. II. Celui qui, franchissant l'étroite prison de l'intérêt personnel et des petites passions terrestres, Rousseau, 2e dial.

  • 5Dans le langage de la galanterie, service amoureux auprès d'une dame. Je voulus être sien ; j'entrai dans sa prison, Et de tout mon pouvoir essayai de lui plaire, Tant que ma servitude espéra du salaire, Malherbe, VI, 32. Ils ne savent jamais que se charger de chaînes, Que bénir leur martyre, adorer leur prison, Boileau, Art p. II.
  • 6 Terme d'alchimie. Prison des sages, fourneau philosophique.

PROVERBES

Le corps est la prison de l'âme.

Il n'y a point de belle prison ni de laides amours.

HISTORIQUE

XIe s. E Bramidone qu'il mene en sa prisun, Ch. de Rol. CCLXIX.

XIIe s. Debonaire prison Avez doné [à] mon fin cuer qui vous prie, Couci, II. Et jà de sa prison [de ma dame] [je] Ne quier issir, se mors ou amés non, ib. IX. Al jugement en vunt la maisnie Nerun, Lur pere esperital jugent comme bricun, Que li reis le presist e mesist en prisun, Th. le mart. 44.

XIIIe s. En tele maniere que dedens les quinze jors il paiast ou il revenist en le [la] prison, sor paine de prison brisie, Beaumanoir, XXX, 26.

XVe s. Et enconvenança [promit] sur sa loyauté de venir dedans trois jours tenir prison à Valenciennes, Froissart, I, I, 110. Si fut enclos de ses ennemis par trop demeurer derriere, et fiança prison, et aussi deux escuyers, Froissart, I, I, 139. Si fut messire Jehan Bucq mis en prison courtoise à Londres ; il pouvoit aller et venir parmy la ville ; mais dès souleil couchant il convenoit qu'il fust à l'hostel, Froissart, liv. III, p. 167, dans LACURNE.

XVIe s. Caesar, ayant une fois esté surpris par les coursaires en Asie, et estant par eulx detenu prisonnier, s'escria tout hault : quel plaisir tu auras, Crassus, quand tu entendras ma prison ! Amyot, Crassus, 12. Et se l'appelleur donne bons pleges, qui le prennent en garde et le rendent au jour qui est assigné, ou mort ou vif, il leur pourra bien estre baillié à garder ; et ce appelle l'en vive prison au duc de Normendie, Du Cange, prisonia.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, prihon ; prov. preisô ; espagn. prision ; ital. prigione ; du lat. prehensionem, prise, de prehendere (voy. PRENDRE). À côté de prison, féminin, il y avait aussi prison, masculin, signifiant prisonnier.