« prodigue », définition dans le dictionnaire Littré

prodigue

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

prodigue

(pro-di-gh') adj.
  • 1Qui fait plus de dépenses qu'il ne faudrait. Les personnes prodigues vivent comme si elles avaient peu de temps à vivre, et les personnes avares comme si elles ne devaient pas mourir, Sarrasin, dans GIRAULT-DUVIVIER. Elle devint avare pour elle-même, afin d'être prodigue pour Jésus-Christ, Fléchier, Duchesse d'Aiguillon. Lui-même [un homme économe] le sentit [qu'il dépensait trop], reconnut son péché, Se confessa prodigue, et, plein de repentance…, Boileau, Sat. X.

    Prodigue à. La marquise de Créqui était la femme la plus prodigue aux pauvres, et la plus avare pour elle-même, Saint-Simon, dans LAFAYE, Synon. Prodigue.

    Il se dit des choses. Des mains prodigues. Sa prodigue amitié ne se réserve rien, Racine, Brit. I, 1.

  • 2Enfant prodigue, personnage d'une parabole de l'Évangile, qui demande sa part, la dissipe, puis, misérable, revient dans la maison paternelle, où il est bien reçu.

    Fig. Enfant prodigue, jeune homme de famille qui, après des absences et de l'inconduite, regagne la maison paternelle. L'enfant prodigue est enfin de retour, Delavigne, Une famille au temps de Luther, sc. 10.

    Substantivement. Le prodigue, l'enfant prodigue. Quand on y lit [dans l'Évangile] cet heureux retour du prodigue retrouvé, et ce transport d'un père attendri qui mit en joie toute sa famille, Bossuet, Mar.-Thér.

  • 3 Fig. Prodigue de… se dit des paroles et de ce qui consiste en paroles. Il est prodigue de louanges, de compliments. Un menteur est toujours prodigue de serments, Corneille, le Ment. III, 5.
  • 4 Fig. En bonne part, qui répand avec libéralité. Vers ce temple fameux, si cher à tes désirs, Où le ciel fut pour toi si prodigue en miracles, Boileau, Lutr. VI. Prodigue de ses biens, un père plein d'amour…, Racine L. Relig. III. Soit que, jeune, on craigne moins la mort par l'instinct de son éloignement, ou qu'à cet âge, riche de jours et prodigue de tout, on prodigue sa vie comme les riches leur fortune, Ségur, Hist. de Nap. IX, 2.

    Être prodigue de son sang, ne pas le ménager. Mais ces mêmes héros, prodigues de leur vie, Ne la rachetaient pas par une perfidie, Racine, Baj. II, 3.

    En mauvaise part. Et prodigue surtout du sang des misérables, Racine, Athal. III, 3.

    Être prodigue de soi-même, faire de grands sacrifices pour… Que, pour sauver l'État, il soit prodigue de soi-même, cet homme du roi, Guez de Balzac, Des ministres et du ministère.

  • 5 Substantivement. Un prodigue, une personne prodigue.

    Au sens juridique, le prodigue est celui qui dissipe son patrimoine en dépenses inutiles et folles. Il peut être défendu aux prodigues de plaider, de transiger, d'emprunter… sans l'assistance d'un conseil qui leur est nommé par le tribunal, Code Nap. art. 513.

SYNONYME

PRODIGUE, DISSIPATEUR. Le prodigue pèche par rapport à la quantité : il est trop libéral, il ne sait pas se retenir. Le dissipateur pèche par rapport à la manière : il est désordonné, extravagant. Le prodigue dépense trop ; le dissipateur dépense mal ; l'un fait de grandes dépenses, l'autre fait de folles dépenses. Dissipateur ne se dit qu'en mauvaise part ; prodigue, suivant l'application qu'on en fait, ne présente pas ce caractère : on dit, en forme de louange, prodigue de ses soins et de ses services, de sa vie, etc.

HISTORIQUE

XIIe s. Prodigues est cil qui se desmesure en doner et faut en reçoivre, Latini, Trés. p. 284.

XIVe s. Prodige, c'est fol large, Oresme, Thèse de MEUNIER.

XVe s. Les convis et les banquetz plus grans et plus prodigues que en nul autre lieu, Commines, I, 2.

XVIe s. Mesme un prodigue en plusieurs années ne pouvoit quasi despendre son bien, Lanoue, 467. Puis se combattoient à toute outrance de poignées de roses, dont se faisoit une espaisse et prodigue jonchée, Yver, p. 523. En tout ceci ay-je esté si prodigue de moy-mesme, de mon labeur et de mes facultés, que…, Paré, Dédic.

ÉTYMOLOGIE

Lat. prodigus, de prodigere, mettre en avant, dépenser (voy. PRODIGE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PRODIGUE. Ajoutez : - REM. Saint-Simon n'est pas le seul qui ait dit prodigue à quelqu'un (voy. PRODIGUE, n° 1). Bien avant lui, Corneille avait employé cette tournure : Le pardon qu'il lui donna fut la source de nouveaux bienfaits dont il lui fut prodigue, Corneille, Cinna, Épît.