« prononcer », définition dans le dictionnaire Littré

prononcer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

prononcer

(pro-non-sé. Le c prend une cédille devant a et o prononçant, prononçons) v. a.
  • 1Déclarer avec autorité, en vertu de son autorité (ce qui est le sens latin). Achab crut éluder la rigueur de cette juste sentence [mort violente], en faisant une querelle particulière à Élie, qui avait eu ordre de la lui prononcer, Bossuet, Polit. VIII, II, 3. Pourquoi chercher des preuves d'une vérité que le Saint-Esprit a prononcée par une sentence manifeste ? Dieu même menace les peuples qui altèrent sa religion…, Bossuet, Reine d'Anglet. Et ne me pique point du scrupule insensé De bénir mon trépas quand ils [les sultans] l'ont prononcé, Racine, Baj. I, 1. Le public, qui sait si bien faire entendre son jugement sans le prononcer en forme, ne souscrivit pas à celui des commissaires impériaux, Fontenelle, Marsigli. Frédéric gouvernait l'Église aussi despotiquement que l'État ; c'était lui qui prononçait les divorces, quand un mari et une femme voulaient se marier ailleurs, Voltaire, Comment. hist. Prononcez votre arrêt et ne redoutez rien, Voltaire, Olymp. V, 6.

    Fig. Le destin, le sort a prononcé l'arrêt.

    Particulièrement. Déclarer, en parlant de celui qui préside une juridiction, une assemblée, ce qui a été décidé à la pluralité des voix.

    Absolument. Ce président prononce bien, il fait entendre avec ordre et netteté les différents chefs d'un jugement.

    Le greffier a prononcé au criminel son arrêt, sa sentence, il lui a lu le jugement rendu contre lui.

    Fig. Prononcer sa propre condamnation, prononcer sa sentence, se condamner par ses propres aveux, par ses propres paroles. Je veux encore vous faire prononcer cet arrêt à vous-mêmes contre vous-mêmes, Pascal, Prov. XVI.

  • 2Réciter, débiter. Vous donc qu'elle assistait avec tant de joie… quel admirable panégyrique prononceriez-vous par vos gémissements à la gloire de cette princesse, s'il m'était permis de vous introduire dans cette auguste assemblée ! Bossuet, Mar.-Thér. Quel supplice que celui d'entendre déclamer pompeusement un froid discours, ou prononcer de médiocres vers avec toute l'emphase d'un mauvais poëte ! La Bruyère, I. La cour a chargé ce prélat éloquent de faire l'éloge funèbre d'une princesse, et il doit le prononcer dans deux jours, Lesage, Diable boit. ch. 16. Là [près de mon tombeau] quelquefois encore daignez vous rassembler ; Là prononcez l'adieu, Chénier M. J. la Promen.

    Absolument. Prononcer lentement, distinctement.

    Fig. Déjà même je crois entendre la réponse Qu'en secret contre moi votre haine prononce, Racine, Andr. II, 2.

  • 3Articuler les lettres, les syllabes, les mots, en exprimer les sons. Vous ne leur prononcez mon nom qu'avec horreur, Racine, Athal. II, 7. Il passait des heures entières sans prononcer aucune parole, Fénelon, Tél. XX. Il y a des peuples qui ne sauraient prononcer certaines lettres ; les Chinois ne connaissent ni le b, ni le d, ni l'r, Dumarsais, Œuv. t. IV, p. 378. La rivière que nous appelons Veronise [en Russie], nom très doux à prononcer, est appelée dans les mémoires Woronestch ; et dans les observations on me dit que vous prononcez Voronège, Voltaire, Lett. Schouvalof, 11 juin 1761. Ces mœurs sont vos devoirs… Sachez que le premier est… de n'oser jamais Me prononcer le nom d'un rival que je hais, Voltaire, Alz. IV, 2.

    Absolument. Une chose assez singulière et qui peut-être ne se trouve que dans notre langue, c'est que nous avons deux manières de prononcer : l'une pour la conversation, l'autre pour la déclamation ; celle-ci donne la force et du poids aux paroles, et laisse à chaque syllabe l'étendue qu'elle peut comporter ; au lieu que celle-là, pour être coulante et légère, adoucit certaines diphthongues, et supprime des lettres finales, D'Olivet, Rem. Racine, § X. La première règle, et la seule raisonnable, est d'écrire comme on prononce : les Italiens nous en donnent l'exemple, et nous devrions le suivre, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 26 oct. 1770.

  • 4Il se dit des articulations d'une langue. Il ne prononce pas bien l'anglais. La manière dont les Romains prononçaient le latin était, en plusieurs choses, très différente de celle dont nous le prononçons aujourd'hui, Rollin, Traité des Ét. I, 3.
  • 5 Terme de peinture. Bien indiquer les parties d'une figure, par comparaison avec l'articulation de la voix. Prononcer un bras, les muscles. Le nu que la sculpture est plus jalouse encore de prononcer que la peinture, Diderot, Salon de 1765, Œuv. t. XIII, p. 323, dans POUGENS.
  • 6 V. n. Déclarer ce qui a été décidé, jugé. L'Église a prononcé. Le ciel prononcera. Les empereurs qui avaient osé prononcer sur les questions de la foi, Bossuet, Hist. I, 11. Du sénat la volonté suprême Est que sur votre fils vous prononciez vous-même, Voltaire, Brutus, V, 5.
  • 7Dans le langage ordinaire. Déclarer son sentiment, décider. Que je hais ta vaine science et ta mauvaise subtilité, âme téméraire, qui prononces si hardiment : Ce péché que je commets sans crainte est véniel ! Bossuet, Mar.-Thér. Hé bien donc, prononcez ; que voulez-vous qu'on fasse ? Racine, Brit. IV, 2. Gardez-vous de réduire un peuple furieux, Seigneur, à prononcer entre vous et les dieux, Racine, Iphig. I, 3. Si… il prononce d'un mets qu'il est friand, le maître et les conviés, qui en mangeaient sans réflexion, le trouvent friand, La Bruyère, V. Il reste à savoir s'il est permis d'amener une grande beauté par de grands défauts ; et c'est sur quoi je n'ose prononcer, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Rodog. III, 4. Leibnitz n'a pas hésité à prononcer que le globe terrestre devait sa forme à l'élément du feu, Buffon, Théor. terr. Part. hyp. Œuv. t. IX, p. 320. J'ai prononcé là-dessus autrefois un peu légèrement, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 316. C'est aux hommes de juger les femmes, et aux femmes de prononcer sur les hommes, Al. Duval, Jeun. de Richelieu, III, 8.
  • 8Se prononcer, v. réfl. Être prononcé. La consonne d se prononce en donnant du bout de la langue au-dessus des dents d'en haut, Molière, Bourg. gent. II, 6.
  • 9Faire voir, manifester son intention, sa pensée. Je ne crois pas encor devoir me prononcer, Delavigne, la Popularité, IV, 2.

HISTORIQUE

XIIe s. Purnuncera ma langue le tuen parlement, Liber psalm. p. 197. Je espant en l'esguardement de lui la meie oreisun, e la meie tribulaciun devant lui medesme [lui-même] purnunz, ib. p. 220.

XIIIe s. Il [un malade] avoit esté jusques à cele heure par un jour et demi que il n'avoit parlé ne n'avoit prononcié nule parole, Miracles St Loys, p. 174. Li baillis n'est pas tenus d'estre au jugement fere, ne au prononcier le jugement, Beaumanoir, I, 13.

XVe s. Sire, g'i vois [j'y vais] sans remanoir Vostre naissance anuncier : Auls pastoreaux vas prononcier, Comment estes nez de Marie, la Nativ. de N. S. J. C.

XVIe s. D'autre costé, j'oy la bise arriver, Qui en soufflant me prononce l'hyver, Marot, I, 223. [Prendre pour modèle le langage] des plus savants en nostre langue, qui ont tout le temps de leur vie hanté es cours de France tant du roi que de son parlement à Paris, aussi sa chancellerie et chambre des comptes ; esquels lieux le langage s'escrit et se prononce en plus grande pureté qu'en tous autres, R. Estienne, Préf. de la Gramm. fr.

ÉTYMOLOGIE

Prov. et espagn. pronunciar ; ital. pronunziare : du lat. pronunciare, de pro, et nunciare, annoncer (voy. NONCE).