« prophète », définition dans le dictionnaire Littré

prophète

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prophète

(pro-fè-t') s. m.
  • 1Celui qui, chez les Hébreux, inspiré de Dieu, prédisait l'avenir. Il ne s'éleva plus dans Israël de prophète semblable à Moïse, à qui le Seigneur parlât comme à lui face à face, Sacy, Bible, Deutéron. XXXIV, 10. Pour montrer que l'Ancien Testament n'est que figuratif, et que les prophètes entendaient par les biens temporels d'autres biens…, Pascal, Pens. XVI, 5, éd. HAVET. On n'entend les prophètes que quand on voit les choses arrivées, Pascal, ib. XXV, 137. Dieu a suscité des prophètes durant seize cents ans ; et, pendant quatre cents ans après, il a dispersé toutes ces prophéties, avec tous les Juifs qui les portaient, dans tous les lieux du monde ; voilà quelle a été la préparation à la naissance de Jésus-Christ, Pascal, ib. XVIII, 1. Le prophète [Isaïe] y prédit la conversion des gentils par ces paroles : Ceux d'Occident craindront le nom du Seigneur, et ceux d'Orient verront sa gloire, Bossuet, Hist. II, 7. Les prophètes, au moins quelques-uns, ne laissaient pas d'être mariés ; et cette veuve dont Élie multiplia l'huile, était la veuve d'un prophète, Fleury, Mœurs des Israél. tit. XXI, 2e part. p. 265, dans POUGENS. Une autre espèce de religieux, et bien plus considérable, étaient les prophètes ; il y en avait un grand nombre dès le temps de Samuel, ID. ib. p. 262.

    Le prophète-roi, le roi-prophète, le prophète royal, David. C'est ce qu'avait si bien compris le prophète royal, Bourdaloue, Serm. 20e dim. après la Pentec. Domin. t. IV, p. 226.

    Les quatre grands prophètes, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel, ainsi dits parce qu'ils ont laissé un plus grand nombre d'écrits.

    Les douze petits prophètes, les autres douze prophètes dont on a des prophéties dans l'Ancien Testament.

    Les faux prophètes, ceux qui se disaient prophètes, sans avoir l'inspiration divine. Le temps approchait où la vengeance divine devait éclater sur les Juifs impénitents : le désordre se met parmi eux ; un faux zèle les aveugle et les rend odieux à tous les hommes ; leurs faux prophètes les enchantent par les promesses d'un règne imaginaire, Bossuet, Hist. II, 7.

    Fig. Voici la loi et les prophètes, se dit d'une autorité qui décide sans réplique (locution qui vient de ce que saint Jérôme et les autres Pères de l'Église donnent le nom de loi aux cinq livres de Moïse, et de prophètes aux livres des prophètes).

    On dit de même : Ce que je vous dis, c'est la loi et les prophètes. On veut parier que la princesse d'Harcourt ne sera pas dévote dans un an, à cette heure qu'elle est dame du palais, et qu'elle remettra du rouge ; car ce rouge c'est la loi et les prophètes ; c'est sur ce rouge que roule tout le christianisme, Sévigné, 181.

  • 2Chez les gentils, certains personnages inspirés par les dieux. Élie fit mourir les prophètes de Baal. Des prophètes menteurs la troupe confondue, Racine, Athal. I, 1.

    Faux prophètes, se dit aussi pour prophètes de Baal. Celle [raillerie] dont elle [l'Écriture] se servit dans cette fameuse épreuve de l'impuissance des faux dieux d'Achab, en disant aux faux prophètes : Criez plus fort, car votre dieu est peut-être en chemin, Furetière, 3e factum, t. I, p. 320.

    Les Grecs aussi avaient des prophètes. Les prophètes exercent un ministère plus relevé : ils se tiennent auprès de la Pythie, recueillent ses réponses, les arrangent, les interprètent, et quelquefois les confient à d'autres ministres qui les mettent en vers, Barthélemy, Anach. ch. 22. Viens, prophète éloquent, aveugle harmonieux [Homère], Chénier, l'Aveugle.

  • 3Titre donné à Mahomet par les musulmans. Mahomet s'érigea en prophète, Bossuet, Hist. I, 11. Et tandis qu'elle montre au peuple épouvanté Du prophète divin l'étendard redouté…, Racine, Baj. III, 1. Le saint prophète ne savait ni lire ni écrire ; de là la haine des premiers musulmans contre toute espèce de connaissance, Diderot, Opin. des anc. philos. (Sarrasins).
  • 4 Fig. Celui qui agit comme un des prophètes de l'ancien temps. Leur subtil conducteur [Cromwell], qui… en faisant le docteur et le prophète, aussi bien que le soldat et le capitaine…, Bossuet, Reine d'Anglet. Le prophète Jurieu fut sifflé ; les prophètes des Cévennes furent pendus ou roués ; les prophètes qui vinrent du Languedoc et du Dauphiné à Londres furent mis au pilori…, Voltaire, Dict. phil. Prophètes.
  • 5 Fig. et familièrement. Celui qui annonce ce qui doit arriver, qui devine. Il y en a une [prophétie] dans le Dante encore plus circonstanciée et plus clairement exprimée, c'est touchant la découverte des étoiles du pôle antarctique ; il suffirait de ces deux exemples pour prouver que les poëtes méritent en effet le nom de prophète, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Médée, V, 3. Tout ce que j'ai prédit est arrivé ; au premier coup de fusil qui fut tiré, je dis : En voilà pour sept ans… c'est parce que je ne suis plus dans mon pays que je suis prophète, Voltaire, Lett. d'Argental, 28 sept. 1761. J'ai été prophète sans le savoir, comme l'étaient tous les anciens prophètes, Voltaire, ib. 24 janv. 1766. Si le préopinant ne m'avait pas interrompu, il saurait déjà qu'il est plus simple d'écouter que de deviner, et qu'en général ce n'est pas un métier sûr que celui de prophète, Mirabeau, Collection, t. III, p. 92.

    Familièrement. Un prophète de malheur, un homme qui n'annonce que de mauvaises choses.

    Faux prophète, homme qui se trompe dans ses prédictions.

    Chapeau de prophète, chapeau pointu, ainsi dit parce que les devins sont souvent coiffés d'un tel chapeau.

PROVERBES

Nul n'est prophète en son pays, on a moins d'influence, de crédit en son pays qu'ailleurs. Je vous assure, ajouta-t-il [Jésus], qu'aucun prophète n'est bien reçu en son pays, Sacy, Bible, Évang. saint Luc, IV, 24. Il va à Vals, parce qu'il est à Paris ; et M. d'Arles va à Forges ; tant il est vrai que jusqu'à ces pauvres fontaines, nul n'est prophète en son pays, Sévigné, 31, août 1689. C'est un vieux licencié galicien, qui, dès sa première jeunesse, a quitté sa patrie, où il ne serait jamais devenu prophète, Lesage, Estev. Gonz. 10. Ce divin Dante fut, dit-on, un homme assez malheureux ; ne croyez pas qu'il fût divin de son temps, ni qu'il fût prophète chez lui, Voltaire, Dict. phil. Dante.

HISTORIQUE

XIe s. Dès les apostres ne fut hom tel prophete, Ch. de Rol. CLXIV.

XIIe s. Deus nostre sires dit : les meies leis [mes lois] guardez. Li prophetes redit : wai vus [malheur à vous] qui estorez Les leis de felunie…, Th. le mart. 80. David reis e prophetes purvit altrui muillier [vit la femme d'un autre], ib. 76.

XVIe s. Ce bon prophete [ce bon apôtre] le cardinal de Lyon, qui toute sa vie a esté ennemy mortel des François, Hist. du chev. Bayard, p. 371, dans LACURNE. Esprit tout divin et prophete, Des Accords, les Touches, p. 2, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Prov. propheta ; espagn. et ital. profeta ; du latin propheta ; grec, προφήτης, de πρὸ, avant, et φάω, je dis (comparez FABLE, FATAL).