« propos », définition dans le dictionnaire Littré

propos

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

propos

(pro-pô) s. m.
  • 1Résolution. Je vous demande si… vous voulez vous convertir d'une volonté forte, pleine, sincère, qui ne forme pas des propos vagues et éloignés de changement, Massillon, Carême, Confess. Les sacrements nous laissent toutes nos passions, parce que nous les avions toutes portées au tribunal sacré sans aucun propos réel de les finir, Massillon, Carême, Pâques. Je ne puis vous donner l'absolution, que vous n'ayez fait un ferme propos de ne travailler de votre vie au Journal de Trévoux, Voltaire, Facéties, Appar. jés. Bertier.
  • 2Sujet, but, motif. Un mot assez plaisant qui vient à mon propos, Régnier, Sat. IX. Il [Simonide] se jette à côté, se met sur le propos De Castor et Pollux…, La Fontaine, Fabl. I, 14. Le loup donc l'aborde humblement, Entre en propos…, La Fontaine, ib. I, 5. Laissant à part les autres débats qui ne font rien à notre propos, Bossuet, Lett. 53. Mais, pour borner enfin tout ce vague propos, Boileau, Sat. X. Chacun sait son métier ; Suivons notre propos, Boileau, ib. x. Entre Leclerc et son ami Coras… N'a pas longtemps, s'ourdirent grands débats Sur le propos de leur Iphigénie, Racine, Épigr. III.
  • 3Discours qu'on tient dans la conversation. Mais changeons de propos, on vient d'ouvrir la porte, Mairet, Solim. V, 3. J'espère à mon retour Ne vous entretenir que de propos d'amour, Corneille, Hor. III, 3. Dans le moment qu'ils tenaient ces propos, Le lion sort et vient d'un pas agile, La Fontaine, Fabl. VI, 2. C'est la louange, Iris ; vous ne la goûtez point ; D'autres propos chez vous récompensent ce point : Propos, agréables commerces, Où le hasard fournit cent matières diverses, La Fontaine, ib. x, 1. Je ne doute pas que mon jaloux fâcheux ne soit toujours présent, et n'empêche tous les propos que nous pourrions avoir ensemble, Molière, le Sicil. 10. La papauté devait tomber dans peu de temps, mais seulement par le souffle de la prédication de Luther, pendant qu'il tiendrait de doux propos au coin de son feu avec son cher Melanchthon, Bossuet, 5e avert. 4. Le Parnasse surtout, fécond en imposteurs, Diffame le papier par ses propos menteurs, Boileau, Épit. IX. Un libertin… qui… Tient que ces vieux propos de démons et de flammes Sont bons pour étonner des enfants et des femmes, Boileau, Sat. IV. De propos en propos on a parlé de vers, Boileau, ib. III. Propos de table, traits de gaieté et de familiarité qui échappent dans un repas, Voltaire, Dict. phil. Table. L'évêque a le propos galant, Rousseau, Hél. II, 14. Ton père avait rejeté avec mépris cette proposition, et c'était là-dessus que les propos commençaient à s'échauffer, Rousseau, ib. I, 62. S'il passait près de nous quelque paysan retournant au travail, ses outils sur l'épaule, je lui réjouirais le cœur par quelques bons propos, Rousseau, Ém. IV.

    PROVERBE

    Changement de propos réjouit l'homme.
  • 4Vain discours, médisances. On a tenu des propos sur son compte. Notre commun repos Me doit mettre au-dessus de tous les vains propos, La Fontaine, Filles de Minée. Et, pour ne vous point mettre aussi dans le propos, Molière, F. sav. IV, 3. Dans les grandes villes, les propos sont vifs, mais ils ne sont point de durée, Comte de Caylus, Palais des idées, Œuv. t. IX, p. 53, dans POUGENS. Tous ces gens redoutés, Fameux par les propos et par les faussetés, Vus de près ne sont rien, Gresset, Méch. V, 4. Il s'emporte d'abord ; Il me tient des propos… et devant George encor ! Collin D'Harleville, Vieux célib. II, 5. Marquise enfin des plus sévères ; Elle nargue les sots propos, Béranger, Enf. de bon. mais.
  • 5 Terme de jeux. Propos interrompus, amusement dans lequel, tous les joueurs étant rangés en cercle, chacun fait une réponse à son voisin de droite et adresse une question à celui de gauche : puis répète la question faite, et la réponse qu'il a reçue, comme si elles se correspondaient ; ce qui produit une incohérence qui fait rire.

    Fig. Jouer aux propos interrompus, se dit quand plusieurs interlocuteurs, ne se comprenant pas, parlent de choses différentes.

    On dit aussi propos rompus. L'éloignement cause nécessairement ces propos rompus, Sévigné, 177.

    Fig. Propos interrompu, discours, conversation sans suite et sans liaison.

  • 6Insinuation faite sur quelque matière, pourparler, proposition. Jeter des propos d'accommodements. C'est toujours par quelque changement [échange de charges] que l'on entre en propos avec ce ministre [Louvois], Sévigné, 29 sept. 1680.
  • 7À propos, loc. adv. Convenablement au lieu, au sujet, etc. Voyez qu'un bon génie à propos nous l'envoie, Corneille, Hor. I, 1. Il [le renard] leur applique un mot qu'un buste de héros Lui fit dire fort à propos, La Fontaine, Fabl. IV, 14. Qu'admira-t-on davantage, ou de ce que ce secours vint si à propos, ou de ce qu'il vint d'une main dont on ne l'attendait pas ? Bossuet, Anne de Gonz. Elle ne s'embarrasse jamais, parce qu'elle fait chaque chose à propos, Fénelon, Tél. XXII. Voilà ce que c'est que de venir au monde à propos : si le cardinal de Retz reparaissait aujourd'hui, il n'ameuterait pas dix femmes de Paris, Voltaire, Dict. phil. Sociniens.

    Tout à propos, même sens. Le sort tout à propos me l'offre à ce passage, Rotrou, Bélis. I, 2. L'abbé Arnauld arriva hier tout à propos pour me dire adieu, Sévigné, 423.

    À propos s'emploie aussi adjectivement au sens de convenable. Présumez avec moi Qu'il est plus à propos qu'il vous cèle pourquoi, Corneille, Poly. I, 3. J'aurai soin de ne pas troubler votre repos, Et de ne rien souffrir qui ne soit à propos, Molière, Tart. V, 4. Mais ils pourraient ici découvrir ma venue, Qu'il est à propos de cacher, Molière, Amph. I, 3. La parole d'une sainte est à propos sur ce sujet : qu'il ne faut pas…, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 9. Narbal ne jugea pas à propos, pendant la vie de Pygmalion, de faire venir Baléazar, Fénelon, Tél. VIII.

    S. m. L'à-propos (en cet emploi il s'écrit avec un trait d'union), ce qui est à propos. Mon expérience à la cour m'a appris que rien n'y était plus rare que l'à-propos, Maintenon, Lett. au duc de Noailles, 21 déc. 1700. Une infinité d'allégories fines sur les mœurs du temps [dans la Princesse d'Élide, de Molière], et des à-propos qui font l'agrément de ces fêtes, mais qui sont perdus pour la postérité, Voltaire, Louis XIV, 25. Il n'y a rien tel que l'à-propos, Voltaire, Lett. Thiriot, 16 août 1743. On augmente même par l'éducation ce sang-froid, cet à-propos de courage chez les animaux, Buffon, Nature des animaux. Le tact de l'à-propos, le soin des convenances, Delille, Convers. III.

    Un poëte a personnifié l'à-propos. Le père du commerce aimable, Dieu qu'à tort oublia la fable, Le sage, le prompt à-propos, Lamotte, dans DESFONTAINES.

    À propos de, loc. prép. Au sujet de. On plaint ce pauvre genre humain qui s'égorge dans notre continent à propos de quelques arpents de glace en Canada, Voltaire, Lett. Moncrif, 27 mars 1757.

    À propos de, se dit, lorsque, à l'occasion de quelque chose dont il a été parlé, on vient à dire quelque chose qui y a rapport. À propos de goût et de génie, l'Éloge de M. de Montesquieu par M. d'Alembert est un ouvrage admirable ; il y a confondu les ennemis du genre humain, Voltaire, Lett. Briasson, 13 févr. 1756.

    Absolument. À propos, vous parliez de nouvelles, il vient d'en arriver d'importantes.

    À propos s'emploie absolument aussi, lorsque à l'occasion d'une chose on se souvient subitement de quelque autre chose qui s'y rapporte, ou même, dans la conversation familière, ne s'y rapporte pas du tout. À propos, j'oubliais de vous dire… Ah ! madame, à propos, vous avez quelque accès Auprès du rapporteur que j'ai dans mon procès ; Écrivez-lui, de grâce, un mot pour mon affaire, Regnard, le Distr. II, 6. À propos, monsieur Memnon, pourquoi avez-vous perdu un œil ? et elle passa sans attendre la réponse, Voltaire, Memnon. À propos, dit Candide, pensez-vous que la terre ait été originairement une mer, comme on l'affirme dans ce gros livre qui appartient au capitaine du vaisseau ? Voltaire, Candide, 21.

    À propos de rien, sans aucun rapport à ce qui a précédé ; sans sujet. Il se fâche toujours à propos de rien. Il ne sera jamais à propos de lui dire je vous aime, à moins qu'on ne le lui dise à propos de rien, Marivaux, le Legs, sc. 3.

    Familièrement. À propos de bottes, sans raison. À propos de bottes, nous ne sommes pas loin de la maison de Florinde, Comédies des Prov. I, 1 (1636) Après une visite qu'elle nous a faite à propos de bottes, Mme D'Épinay, Mém. t. II, p. 157, dans POUGENS.

  • 8À ce propos, au sujet de ce dont il s'agit. Écoutez à ce propos le profond raisonnement non d'un philosophe qui dispute dans une école…, Bossuet, Duch. d'Orl. On dit, à ce propos, qu'un jour ce dieu bizarre…, Boileau, Art p. II.
  • 9À quel propos ? à propos de quoi ? pour quel sujet ? pour quelle cause ? À quel propos me traitez-vous ainsi ? Corneille, Médée, II, 2. À quel propos toute cette éloquence ? La Fontaine, Court. Depuis quelque temps, de sourds et tristes pressentiments me troublaient, sans que je susse à propos de quoi, Rousseau, Conf. X. Avec monsieur je viens d'avoir une querelle. - Quoi ! vous ! à quel propos, madame ? Collin D'Harleville, Vieux célib. IV, 7.
  • 10À tout propos, loc. adv. à chaque instant. Dans sa possession [de l'empire] j'ai trouvé pour tous charmes… Mille ennemis secrets, la mort à tous propos, Corneille, Cinna, II, 1. Vois-tu rien de plus impertinent que les femmes qui rient à tout propos ? Molière, Bourg. gent. III, 9. Le pédant et l'instituteur disent à peu près les mêmes choses ; mais le premier les dit à tout propos, le second ne les dit que quand il est sûr de leur effet, Rousseau, Ém. IV.
  • 11Mal à propos, loc. adv. Hors de ce qui est convenable. Si la rime Allait mal à propos m'engager dans Arnheim, Je ne sais pour sortir de porte qu'Hildesheim, Boileau, Ép. IV.

    Sans raison, sans sujet. Que cette peur s'évanouisse ; Vous la prenez mal à propos, Malherbe, II, 4. Ah ! que mal à propos Dans un malheur si grand tu parles de repos ! Corneille, Cid, III, 3. M. de Charost est revenu un moment pour se justifier de cent choses que M. de Lauzun a dites assez mal à propos, Sévigné, 510. Ces gens qui font tout mal à propos fatiguent par leurs soins, et ne disent pas un mot qui ne soit un fade compliment, Mme Riccoboni, J. Catesby, Œuv. t. I, p. 234, dans POUGENS.

  • 12Hors de propos, sans raison, sans sujet. Vous m'interrompez par des histoires hors de propos, Pascal, Prov. VI. Un homme désagréable ressemble à un discours hors de propos, Bossuet, Polit. V, I, 15. Les Italiens appellent une chose dite hors de propos un sproposito ; ce mot manque à notre langue, Voltaire, Dict. phil. à propos.
  • 13De propos délibéré, loc. adv. Avec dessein. il a fait cela de propos délibéré.

HISTORIQUE

XIIIe s. S'ainsinc le faites, n'en doutés, Jà n'en serés arrier boutés, Ains vendrés [viendrez] à vostre propos, la Rose, 7831.

XIVe s. [Pour les philosophes]… N'estoit riens, tant fut doutable, Qu'il n'amassent [aimassent] miex [mieux] recevoir, Que ce qu'on peüst parcevoir Que leur bon propos variassent, Ne que verité declinassent, Machaut, p. 94. C'est une matiere estrangiere de nostre present propos, Oresme, Eth. 244. Et à ce propos presque semblable dit saint Pol que…, Oresme, ib. Prol.

XVe s. Là eut aucuns chevaliers et escuyers d'Angleterre qui volontiers se fussent avancés de courir jusques à ceux que ils veoient chevaucher, qui ne leur eust rompu leur propos, Froissart, II, II, 15. Et puis par ordre je continuerai mon propos jusques à…, Commines, Prol. Mais c'estoit sans propos [mais il n'en était rien], Commines, I, 2. Je me suis mis en ce propos, parce que j'ai veu beaucoup de tromperies …, Commines, I, 10. À tous propos ont une loy au bec [les clercs], Commines, II, 6. Et quant il sembla au roy que nostre homme fut en bon propos [qu'il était en état d'exécuter la commission donnee], Commines, IV, 7. Comme elle et d'autres de ses voysynes jouoient au propos, il se vint seoir auprès d'elle, et advint son tour que ainsy qu'il parloit à elle à l'oreille pour luy dire son mot et proposer dessus…, Aresta amorum, p. 232, dans LACURNE.

XVIe s. L'on mect toute la peinne que l'on peult pour qu'il y ait un pape au propos [au gré] de l'empereur, Lettres de Louis XII, t. IV, p. 61, dans LACURNE. Une mesme chose, selon que le propos [intention] sera divers, lui sera quelquefois agreable et quelquefois lui desplaira [à Dieu], Calvin, Instit. 1010. Les autres diversitez qu'ils taschent de monstrer entre la circoncision et le baptesme, sont du tout ridicules et sans propos, Calvin, ib. 1076. Plutarque dict, à propos de ceulx…, Montaigne, I, 21. Très mal à propos, Montaigne, I, 37. Hors de propos, Montaigne, I, 98. Amy, tu tiens sans propos beaucoup de bons propos, Amyot, Lyc. 42. Il fault que la religieuse [vestale] afferme par serment, que la rencontre soit casuelle, et non point faicte à propos, Amyot, Numa, 18. La seule intelligence et cognoissance de l'acte vertueux, tout soudain luy apporte un instinct et un propos deliberé de faire le semblable, Amyot, Péric. I. De bouche en bouche en vergongne semée… Fable de tous, des tables le propos, Ronsard, 641. À propos truelle, bon jour maçon, Cotgrave À propos truelle, pourquoi est-ce que… ? Rabelais, I, 39. À propos de bottes, combien l'aune de fagots ? Oudin, Curios. franç.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. prepô ; Berry, propous, perpos ; du lat. propósitum, chose proposée, dessein, de pro, en avant, et positus, placé (voy. POSITION).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PROPOS.
1Ajoutez :

Être en propos, avoir l'intention. J'avais été en propos de ne vous rien écrire des États, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.

14Un à-propos, une pièce qui se fait à propos d'un anniversaire ou de toute autre circonstance. La pièce [Molière à Auteuil]… dépasse les proportions de ce qu'on est convenu d'appeler un à-propos, puisqu'elle dure près d'une heure,… en général, quand un de ces à-propos d'anniversaire conquiert d'emblée le public, comme a fait celui-là, on le joue quinze fois, vingt fois de suite…, Daudet, Journ. offic. 24 janv. 1876, p. 720, 3e col.