« providence », définition dans le dictionnaire Littré

providence

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

providence

(pro-vi-dan-s') s. f.
  • 1Suprême sagesse par laquelle Dieu conduit tout. Que toutes les créatures ne sont pas la première cause des accidents que nous appelons maux ; mais que, la providence de Dieu en étant l'unique et véritable cause, l'arbitre et la souveraine…, Pascal, Lett. sur la mort de son père. Tout le monde savait que les dieux que les épicuriens admettaient, sans soin des choses humaines, sans puissance et sans providence, ne faisaient aucun bien et n'appuyaient en aucune sorte la foi publique, Bossuet, Polit. VII, II, 4. La providence particulière, tant célébrée dans l'Écriture, et poussée par Jésus-Christ même jusqu'au moindre de nos cheveux, Bossuet, 1er avert. 15. Délaissée de toute la terre dès ma naissance, je fus comme jetée entre les bras de sa providence paternelle [de Dieu], Bossuet, Duch. d'Orl. Je crois la providence générale, ma chère sœur, celle dont est émanée de toute éternité la loi qui règle toute chose… mais je ne crois point qu'une providence particulière change l'économie du monde pour votre moineau ou pour votre chat, Voltaire, Dict. phil. Providence.

    Fig. Être la providence de quelqu'un, pourvoir à tous ses besoins, veiller à son bonheur, à ses intérêts. Vous êtes, pour ainsi dire, leur providence visible, Massillon, Pet. carême, Hum. des gr. Cette chambre où ma mère, avec sa douce main, Pansait leurs pieds meurtris et leur coupait le pain, Ils l'ont brûlée ; ils ont chassé leur providence, Lamartine, Joc. II, 68.

    Être une ressource, en parlant des choses. Il est vrai que le Comtat d'Avignon est une providence, Sévigné, 29 juin 1689.

  • 2Dieu lui-même considéré dans sa providence (avec un p majuscule). Concluons que la Providence Sait ce qu'il nous faut mieux que nous, La Fontaine, Fabl. VI, 4. Elle [la paix née de la vue de la volonté divine] fait que l'homme se laisse amoureusement emporter au torrent de la Providence, sans se mettre en peine d'autre chose que de s'acquitter fidèlement des devoirs particuliers qui lui sont prescrits à chaque moment par la loi de Dieu, Nicole, Ess. de mor. 2e traité, ch. 6. Enfin il en faut revenir à la Providence, dont M. de Pompone est adorateur et disciple ; et le moyen de vivre sans cette divine doctrine ? il faudrait se pendre vingt fois le jour ; et encore avec tout cela on a bien de la peine à s'en empêcher, Sévigné, 388. Qui m'ôterait la vue de la Providence m'ôterait mon unique bien ; et, si je croyais qu'il fût en nous de ranger de déranger, de faire, de ne faire pas, de vouloir une chose ou une autre, je ne penserais pas à trouver un moment de repos, Sévigné, 423. Oh bien ! Providence, faites donc comme vous l'entendrez : vous êtes la maîtresse ; vous disposez de tout comme il vous plaît, et vous êtes tellement au-dessus de nous, qu'il faut encore vous adorer, quoi que vous puissiez faire, Sévigné, Lett. à Bussy, 22 sept. 1688. Si l'on examine les raisons et la fin de toutes ces choses, on y trouvera tant d'ordre et de sagesse, qu'une attention un peu sérieuse sera capable de convaincre les personnes les plus attachées à Épicure et à Lucrèce qu'il y a une Providence qui régit le monde, Malebranche, Rech. vér. II, I, 4. La volonté qui a créé et qui conserve est la Providence, Bonnet, Causes prem. II, 5.
  • 3Il s'est employé au sens latin de prévoyance. On lui demande [au roi de France, en le sacrant] s'il veut défendre les saintes églises de Dieu et leurs pasteurs et tout le peuple qui lui est soumis, justement et religieusement, par une royale providence, selon les coutumes de ses pères, Bossuet, Polit. VII, v, 18. N'avons-nous pas pour nos intérêts propres une certaine providence de politique ? Fénelon, t. XVII, p. 364.
  • 4Société de la Providence, maison de la Providence, etc. divers établissements de bienfaisance.

    Filles de la Providence, religieuses établies dans plusieurs villes de France.

  • 5La Providence, divinité qu'on représentait sous la figure d'une jeune dame romaine, avec un sceptre à la main, dont elle montrait un globe qui était à ses pieds, pour faire entendre qu'elle gouvernait le monde.

HISTORIQUE

XIIIe s. … li bons Karles, Contes d'Anjou et de Provance, Qui par devine porveance Est ores [présentement] de Sesile rois…, la Rose, 6666.

XIVe s. Clement par la divine pourveance apostole de l'eglise de Rome, Du Cange, apostolicus.

XVe s. Dirons que art, providence, entendement, science et sapience sont les suppoz de parfaicte sagece, Christine de Pisan, Charles V, III, 2. Le hault maistre des euvres, dont la providence ne fait riens en vain, Chartier, Œuv. p. 280.

XVIe s. C'est par son juste decret et prouvoyance [de Dieu] que touî ce que nos ennemis attentent contre nous est permis, Calvin, Instit. 152. L'ordre fut si bien observé par la providence des capitaines que…, Carl, IV, 19.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. providentia ; espagn. providencia ; ital. providenza ; du lat. providentia, de providere, prévoir et pourvoir, de pro, pour, et videre, voir. Providentia a donné, dans l'ancienne langue, pourveance ou prouveance, avec les sens de providence, prévoyance et provision, comme providere a donné pourvoir. Providence a été refait sur le latin.