« quelque », définition dans le dictionnaire Littré

quelque

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

quelque

(kèl-ke ; d'après Chifflet, Gramm. p. 231, il était mieux de ne pas prononcer l'l) adj. indéfini
  • 1Un ou plusieurs, entre un plus grand nombre. Est-il échappé quelque indiscrétion à sa jeunesse ? Fléchier, Lamoign. Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes, Racine, Phèdre, IV, 2. Vois s'il s'offre à tes yeux quelque grand de ma cour, Racine, Esth. II, 4. Trouvez quelque autre chose qui vous satisfasse ? Racine, Lett. à Boil. 42. J'aimerais mieux m'aller cacher dans quelque île déserte, que de me charger de gouverner une république, Fénelon, Dial. de Dion et de Gélon.

    Elliptiquement. Quelque sot, c'est-à-dire je ne suis assez sot pour cela ; en remplissant l'ellipse : quelque sot le ferait, le dirait. Tu te vas emporter d'un courroux sans égal. - Moi, monsieur ? quelque sot ! la colère fait mal, Molière, l'Ét. II, 7. Orgon : Certes, je t'y guettais. - Dorine : Quelque sotte, ma foi ! Molière, Tart. II, 2.

  • 2Et quelques, s'ajoute après un nom de nombre pour indiquer que ce nombre est un peu dépassé. Nous étions à ce concert quarante et quelques.
  • 3Un petit nombre, une petite quantité. Il en coûtera quelques écus. Prenez de votre sort tous deux quelque pitié, Corneille, Héracl. I, 4. À quelque temps de là, la cigogne le prie, La Fontaine, Fabl. I, 18. Ils furent quelque temps saisis, muets, immobiles, Fléchier, Tur. D'adorateurs zélés à peine un petit nombre Ose des premiers jours nous retracer quelque ombre, Racine, Ath. I, 1. J'avais de quelque espoir une faible étincelle, Voltaire, Mérope, II, 2. Après l'accouchement on lave l'enfant avec quelque eau tiède, Rousseau, Ém. I.
  • 4Quelque chose, voy. CHOSE, n° 9.

    Familièrement, cela dit quelque chose, cela parle à l'esprit, au cœur.

    Il y a quelque chose à faire, se dit pour exprimer la nécessité de quelque entreprise, de quelque innovation.

    On met de devant un adjectif. Quelque chose de bon.

    Autrefois la règle était différente ; Vaugelas admettait qu'on pouvait supprimer le de ; c'est ce qu'a fait Molière en ce vers : Je crains fort pour mon fait quelque chose approchant, Amph. II, 3.

  • 5Quelque peu, c'est-à-dire un peu. Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, La Fontaine, Fabl. VII, 1.
  • 6Adverbialement. Environ, à peu près. Celle qui n'était point voilée paraissait avoir quelque trente-cinq ans, Scarron, Rom. com. I, 13. À mesure qu'une compagnie grossit, elle a besoin de quelque plus grand nombre de statuts, pour éviter la confusion et le désordre, Pellisson, Hist. de l'Acad. II. De l'autre côté se sont trouvés quatre-vingts docteurs séculiers, et quelque quarante religieux mendiants, Pascal, Prov. X. Il y en a eu quelque trente-six [vaisseaux] qui ont trouvé moyen d'entrer dans le port, Racine, Lett. à M. Bonrepaux. Et quel âge avez-vous ? vous avez bon visage. - Hé ! quelque soixante ans, Racine, Plaid. I, 7. Plutarque vivait quelque cent ans après Jésus-Christ, et il a fait un dialogue sur les oracles qui avaient cessé, Fontenelle, Oracles, II, 1. Mlle Bauval, actrice du temps de Corneille, de Racine et de Molière, me récita, il y a quelque soixante ans et plus, le commencement du rôle d'Émilie, Voltaire, Dict. phil. Chant. Charles XII ajouta à ces bandits quelque mille Valaques, Voltaire, Charles XII, 4. Si un sauteur saute dix pas, tous ceux qui viendront après lui sauter quelque cinq ou six pas, fussent-ils dix mille, ne feront rien, Courier, Lett. II, 207.

    Autrefois, en ce sens, quelque était adjectif, ce qui se comprend en considérant le substantif avec son nom de nombre comme un terme unique ; c'était d'ailleurs la forme ancienne (voy. l'historique). Attendez, il y peut avoir quelques huit jours, Corneille, Clit. II, 2. Vous allez épouser quelques cent mille écus, Dorat, Feinte par amour, I, 5.

  • 7Quelque… que, voy. QUELQUE QUE immédiatement ci-dessous.

REMARQUE

L'e final de quelque ne s'élide que devant un, une : quelqu'un, quelqu'une.

HISTORIQUE

XIIIe s. Ou nuisent par detraccion, Ou par faulce accusacion, Ou par quiexque malaventures, la Rose, 5493.

XVe s. Se je dis huy aultre parole à vous n'a quelque aultre personne…, Pathel. Quelques trois jours après, Commines, I, 1. Il povoit bien avoir quelque six vingts hommes, Commines, I, 6.

XVIe s. Pantagruel, quelque jour, se pourmenoyt vers les faulx-bourgs St-Marceau, Rabelais, Pant. II, 15. Je l'attribue à quelque sienne devotion, Montaigne, I, 17. Touts deux [Montaigne et La Boétie] hommes faicts, et luy plus de quelque année, Montaigne, I, 213. Il envoya devant quelque [une certaine] bouteille empoisonnée, Montaigne, I, 252. Il n'y a si grande maladie en laquelle il ne reste à un malade quelque espoir de salut, Lanoue, 21. Caton suada au senat de gaigner le menu populaire en luy faisant distribuer quelque bled, Amyot, Cat. d'Ut. 3. Tu es quelque demon ou quelque ange des cieux, Ronsard, 266. Tu penses estre quelque habile homme, H. Estienne, Conformité, p. 19.

ÉTYMOLOGIE

Quel, et que ; picard, quite ; Berry, queuque ; norm. queuque, quèque ; bourguig. quieque ; provenç. qualque, calque ; espagn. cualque ; ital. qualche.