« réconcilier », définition dans le dictionnaire Littré

réconcilier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

réconcilier

(ré-kon-si-li-é), je réconciliais, nous réconciliions, vous réconciliiez ; que je réconcilie, que nous réconciliions, que vous réconciliiez v. a.
  • 1Rétablir l'amitié entre des personnes brouillées, la paix entre des ennemis. Oui, Narcisse, on nous réconcilie, Racine, Brit. IV, 4. Après cela, on nous réconcilia, nous nous embrassâmes, et depuis ce temps-là nous sommes ennemis mortels, Lesage, Diabl. boit. 3. Le roi [Louis XI] le reçut avec bonté, et le réconcilia avec Dammartin, c'est-à-dire qu'il les obligea de dissimuler leur haine, Duclos, Œuv. t. III, p. 38.
  • 2Réconcilier avec, faire disparaître des sentiments peu favorables qu'on avait sur quelque chose ou quelqu'un. S'il y avait au monde dix hommes comme lui, en vérité, je crois qu'ils me réconcilieraient avec l'humanité, Fénelon, Dial. des morts anc. (Socrate, Alcibiade et Timon). Le besoin d'argent a réconcilié la noblesse avec la roture, et a fait évanouir la preuve des quatre quartiers, La Bruyère, XIV. La conversion miraculeuse de Félix [dans Polyeucte] le réconcilie sans doute avec le ciel, mais point du tout avec le parterre, Voltaire, Comm. Corn. Rem. sur les Disc. de Corneille, 2e disc. Le Tartufe, cet ouvrage unique au théâtre, d'une utilité qui devrait réconcilier avec les spectacles les véritables gens de bien, D'Alembert, Éloges, Despréaux.
  • 3 Terme de religion. Faire la paix de l'homme avec Dieu. Nous réconcilions les pécheurs dans le tribunal de la pénitence, Bourdaloue, 5e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. II, p. 480. Et [le Rédempteur] réconciliera, par son sang précieux, L'homme avec l'Éternel, la terre avec les cieux, Delille, Parad. perdu, XI.

    Chez les catholiques, réconcilier un hérétique, un pécheur, lui donner l'absolution après qu'il a abjuré ou fait pénitence. L'Église a été longtemps à ne réconcilier qu'à la mort ceux qui étaient coupables d'homicide, Pascal, Prov. XI.

    Réconcilier une église, la rebénir quand elle a été profanée.

  • 4Mettre d'accord, concilier, en parlant de choses. J. J. Rousseau prétend qu'on ne peut réconcilier le théâtre avec la morale.
  • 5Se réconcilier quelqu'un, se le concilier de nouveau, gagner de nouveau sa faveur. L'électeur de Saxe s'était réconcilié presque tous les grands qui s'étaient opposés à lui, Saint-Simon, 53, 142.
  • 6Se réconcilier, v. réfl. Se remettre bien avec quelqu'un. Je prends à bon augure de ce qu'elle [la fortune] nous rapproche du lieu où vous êtes, et je croirai qu'elle se veut réconcilier avec nous, si elle nous rend le bonheur de votre présence, Voiture, Lett. 65. Allez vous réconcilier auparavant avec votre frère ; et puis vous reviendrez offrir votre don, Sacy, Bible, Évang. St Math. V, 24. Si, pour vous servir, il fallait me réconcilier avec Mme de Montespan, je me réconcilierais avec elle, Maintenon, Lett. à l'abbé Gobelin, 15 avril 1675. Il est rare que les princes se réconcilient de bonne foi avec un sujet qui a manqué à son devoir, et à qui ils se voient, en quelque sorte, obligés de céder, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IV, p. 343, dans POUGENS. Saverny : Réconcilions-nous, ma petite Marie ! - Marion : Réconcilions-nous de moins près, je vous prie, Hugo, Marion Delorme, I, 1.

    Se réconcilier avec soi-même, se mettre bien avec soi-même, en apaisant les reproches de sa conscience. Il faudrait vous réconcilier avec vous-même, avec qui vous dites que vous êtes si souvent brouillé, Fénelon, Dial. des morts, anc. 17.

    Se réconcilier avec Dieu, et, absolument, se réconcilier, demander à Dieu pardon des péchés, et recevoir l'absolution des fautes commises. Si, après des mœurs désordonnées et une vie toute criminelle, vous avez été assez heureux pour recouvrer en ces jours votre innocence par la grâce des sacrements, et vous réconcilier avec Dieu…, Massillon, Mystères, Résurrect. Quand on lui demanda [à Saint-Evremond] à sa mort, s'il voulait se réconcilier, Voltaire, Louis XIV, Écrivains, St-Evremond.

    Chez les catholiques, se réconcilier, se dit quand, peu de temps après s'être confessé, on retourne à confesse pour s'accuser, avant de communier, de fautes légères commises dans l'intervalle, ou de péchés qu'on avait oubliés.

REMARQUE

D'après Vaugelas, il ne faut pas dire se réconcilier à, mais se réconcilier avec. Avec est, en effet, plus fréquent ; mais se réconcilier à se trouve aussi : Une froideur ou une incivilité qui vient de ceux qui sont au-dessus de nous, nous les fait haïr ; mais un salut ou un sourire nous les réconcilie, La Bruyère, IX. Ce n'était pas les sophistes qu'il fallait réconcilier à la religion, c'était le monde qu'ils égaraient, Chateaubriand, Génie, I, I, 1.

HISTORIQUE

XIIe s. Quant li reis Henris fu batuz e castiez [châtié], Par satisfaction à Deu reconciliez…, Th. le mart. 162. Ke tu cusencenols [soigneux] soyes de reconcilier à ti la grace Deu, Saint Bernard, p. 565.

XIIIe s. On lesse le canter [l'office divin], dusques à tant que li meffait sunt amendé à l'evesque, et que li liex [le lieu] est reconciliés, Beaumanoir, XLIII, 42. Maint tor, maint buef, mainte autre beste A fait li rois sacrefiier Por ses dex [dieux] reconcilier, Gui de Cambrai, Barl. et Jos. p. 11.

XIVe s. Et que trop miex [mieux] estoit que les courages du peuple fussent reconsilliez aus peres par celui don, Bercheure, f° 104.

XVe s. Il vint en l'hostel du pere d'elle pour la rapaiser et soy reconseiller avec elle, Hist. de la toison d'or, t. II, f° 137, dans LACURNE.

XVIe s. Le prince sur toutes riens se doit garder de ennemy reconsilié, Rozier histor. I, 3. Nous sommes reconciliez avec lui [Dieu] par la mort de son fils, Calvin, Instit. 388. Je viens en deliberation de recognoistre comme une grace s'il te plaist amiablement te reconcilier à moy, Amyot, Thém. 50. Ceste querelle et dissension entre le pere et le filz dura, sans jamais se reconcilier, jusqu'à la mort, Amyot, Péric. 68.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et esp. reconciliar ; ital. riconciliare ; du lat. reconciliare, proprement ramener, faire rentrer, et fig. ramener à la paix, de re, et conciliare (voy. CONCILIER).