« réputation », définition dans le dictionnaire Littré

réputation

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réputation

(ré-pu-ta-sion ; en vers, de cinq syllabes) s. f.
  • 1Opinion que le public a d'une personne. Il [un calomniateur] blâme avec des éloges, et non pas avec des invectives ; en apparence il rend témoignage au grand mérite, et en effet il donne [au prince] des soupçons de la grande réputation, Guez de Balzac, De la cour, 5e disc. Il fait combattre fable contre fable… pour perdre de réputation cette bonne et vertueuse princesse, Guez de Balzac, le Barbon. Quelque honte que nous ayons méritée, il est presque toujours en notre pouvoir de rétablir notre réputation, La Rochefoucauld, Maxime 412. La bonne réputation vaut mieux que les grandes richesses, Sacy, Bible, Prov de Salom. XXII, 1. Afin de se maintenir en bonne réputation auprès de son confesseur ordinaire, Pascal, Prov. X. À quoi songez-vous, mes pères, de témoigner ainsi publiquement que vous ne mesurez la foi et la réputation des hommes que par les sentiments qu'ils ont pour votre société ? Pascal, ib. X. Je trouve la réputation des hommes [à l'égard du courage] bien plus délicate et blonde que celle des femmes, Sévigné, 28 juillet 1677. Henriette, digne fille de saint Louis, y animait [dans la chapelle royale] tout le monde par son exemple, et y soutenait l'ancienne réputation de la très chrétienne maison de France, Bossuet, Reine d'Anglet. Peut-être que, prêt à mourir, on comptera pour quelque chose cette vie de réputation, ou cette imagination de revivre dans sa famille qu'on croira laisser solidement établie, Bossuet, le Tellier. Je suis perdu : ma réputation est blessée, ma fortune est ruinée, Bossuet, la Vallière. Cet éclat d'une réputation saine et heureusement établie est comme la glace d'un miroir, à qui la plus faible haleine ôte dans un moment tout son lustre, Bourdaloue, Exhort. Faux témoign. rendus contre J. C. t. II, p. 14. La réputation que M. de Lamoignon s'était acquise dans le parlement et dans le conseil fut sa seule sollicitation auprès des puissances, Fléchier, Lamoignon. Combien de réputations innocentes sauva-t-elle des mauvais bruits qu'allait semer la haine d'un ennemi ou la jalousie d'un concurrent ! Fléchier, Dauphine. Tout le monde s'élève contre un homme qui entre en réputation, La Bruyère, XII. Le combat du ceste fut plus difficile ; le fils d'un riche citoyen de Samos avait acquis une haute réputation dans ce genre de combat, Fénelon, Tél. V. Il connaissait le prix, si souvent ignoré ou négligé, d'une réputation nette et entière, et il apportait à se la conserver tout le soin qu'elle mérite, Fontenelle, Dangeau. Que du moins, pour les anciens, leur réputation était faite, et que le mal qu'on dirait d'eux ne leur ferait point tant de tort, Fontenelle, Jug. de Pluton. Malheur à la réputation de tout prince qui est opprimé par un parti qui devient le dominant ! Montesquieu, Rom. I. Je lui faisais [à Marius] une guerre de réputation, plus cruelle cent fois que celle que mes légions faisaient au roi barbare, Montesquieu, Sylla et Eucrate. Un homme qui néglige sa réputation est indigne d'en avoir ; j'en suis jaloux, et vous devez l'être, vous qui êtes mon ami, Voltaire, Lett. Thiriot, 4 oct. 1735. Que la réputation des hommes ne leur appartient point après leur mort, qu'il faut peser les esprits et non les hommes…, Voltaire, Lett. Mairan, 11 sept. 1738. Vous [Anglais] avez ici la réputation de n'être ni assez dévots pour vous soucier beaucoup du vieux Lusignan, ni assez tendres pour être touchés de Zaïre, Ép. dédic. à Falkener. Le désir d'occuper une place dans l'opinion des hommes a donné naissance à la réputation, la célébrité et la renommée, ressorts puissants de la société qui partent du même principe, Duclos, Consid. mœurs, V. Tel a une réputation dans un lieu, qui dans un autre en a une autre toute différente, Duclos, ib. Le comte : Une réputation détestable ! - Figaro : Et si je vaux mieux qu'elle ? y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ? Beaumarchais, Mariage de Figaro, III, 5. Les hommes sont encore plus sensibles à la réputation de leur pays hors de leur pays, que sous le toit paternel ; et l'on a vu les émigrés français réclamer leur part des victoires qui semblaient les condamner à un exil éternel, Chateaubriand, Itin. 3e part.

    Ne connaître quelqu'un que de réputation, ne le connaître que par ce qu'on en a entendu dire. Zerbinette : Monsieur, je vous prie de m'excuser ; je n'aurais pas parlé de la sorte, si j'avais su que c'était vous ; et je ne vous connaissais que de réputation. - Géronte : Comment ! que de réputation ? Molière, Scapin, III, 11.

  • 2 Absolument. Il se prend toujours en bonne part. Qui dispense la réputation ? qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? Pascal, Pens. III, 3, éd. HAVET. Il est temps de rendre la réputation à tant de personnes calomniées, Pascal, Prov. X. Mme de Coulanges soutint fort bien sa réputation, elle brilla dans toutes ses réponses, Sévigné, 419. Nous faisons bien ce que nous pouvons pour lui donner de la réputation [à M. Trouvé, comme prédicateur], Sévigné, 3 mai 1683. Je vous conjure d'écrire au coadjuteur [d'Arles], qu'il songe à faire réponse sur l'affaire dont lui écrit Monsieur d'Agen… cela est mal d'être paresseux avec un évêque de réputation, Sévigné, Lett. 3 fév. 1672. Ils [les Romains] gagnaient de proche en proche, soumettant premièrement les royaumes voisins, et se contentant, pour les pays éloignés, de les remplir de leur gloire, et d'y envoyer de loin leur réputation comme l'avant-courrière de leurs victoires, Bossuet, Polit. X, II, 16. C'est par de semblables coups dont sa vie est pleine, qu'il a porté si haut sa réputation que…, Bossuet, Louis de Bourbon. Quelque honorée qu'ait été Mme la Dauphine, elle a eu moins de réputation que de mérite, Fléchier, Dauphine. Les beautés de réputation étaient cette comtesse de… Mme de…, Hamilton, Gramm. 6. Quiconque n'a point avec le temps de réputation chez soi, n'en a jamais ailleurs, Voltaire, Guèbres, Disc. La réputation a toujours été comptée parmi les forces véritables des royaumes, Voltaire, Lett. Schouvalof, 24 juin 1757.

    Au plur. J'aime mieux les bonnes grâces de mon maître, que toutes les réputations de la terre, Corneille, Lett. à Boisrobert, dans GODEFROY, Lex. de Corn. Il faut du temps pour que les réputations mûrissent, Voltaire, Lett. Duchesne, 1er janv. 1764. Tant de petits talents où je n'ai pas de foi ; Des réputations on ne sait pas pourquoi, Gresset, le Méch. II, 3. Les réputations ne m'en imposent guère ; J'examine et je juge…, Collin D'Harleville, Vieill. et jeunes gens, II, 4.

  • 3Il se dit des choses qui sont renommées pour excellentes. Les vins de Champagne sont en réputation. Cette bataille [de Fleurus] est une chose de grande conséquence et d'une grande réputation, Sévigné, juillet 1690.

HISTORIQUE

XVe s. Plusieurs perissent par vaine science… car ilz ont plus aimé et esleu estre de grant nom et reputation que humbles de cueur et de bonne vie, Internelle consolacion, III, 3.

XVIe s. Quelque reputation que vous ayez de vous, qu'il vous souvienne que vostre estat emporte ministere et service, non point seigneurie, Calvin, Inst. 981. Sa reputation et l'estime que l'on avoit de sa preudhommie, Amyot, Crass. 13. Et servoit cette reputation [l'idée qu'il avait un secret pour déjouer les conjurations] à tenir ses ennemis en crainte, Montaigne, I, 137. Comme moy qui plaidant ma premiere cause, je dis à ces messieurs là beaucoup de choses que je n'entendois pas, ny eux aussy, ce qui m'apporta une belle reputoison, Moyen de parvenir, p. 350, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. reputatio ; espagn. reputacion ; Ital. riputazione ; du lat. reputationem, compte, et, au sens général, considération, pensée, de reputare (voy. RÉPUTER). Remarquez que réputation est un des rares mots en tion qui ont un sens exclusivement passif.