« rente », définition dans le dictionnaire Littré

rente

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rente

(ran-t') s. f.
  • 1Revenu annuel. Il vit de ses rentes. Il n'a ni fonds ni rentes. Un bénéfice de 4000 livres de rente, Pascal, Prov. XI. C'est (avec les deux mille écus de dame de la reine, qu'elle a toujours) vingt-un mille livres de rente qu'elle aura tous les ans, Sévigné, 25 déc. 1679. Tel, avec deux millions de rente, peut être pauvre chaque année de cinq cent mille livres, La Bruyère, VI. L'éloquence menait à tout dans les républiques des Grecs et dans celle des Romains ; et il était aussi avantageux d'être né avec le talent de bien parler, qu'il le serait aujourd'hui d'être né avec un million de rentes, Fontenelle, Anc. et mod. Il n'y a que les sots qui vivent de leurs rentes ; les habiles gens vivent de celles d'autrui, Dancourt, Déroute du pharaon, sc. 3. J'ai en France soixante mille livres de rente, Voltaire, Lett. au roi de Pr. 27 mars 1759. Mais, dites-vous, il avait donc des rentes ! Eh ! non, messieurs ; il logeait au grenier, Béranger, Ém. Debr.
  • 2Ce qui est dû annuellement pour un fonds aliéné, cédé ou affermé. Rente foncière. Bail à rente. Rente de bail, d'héritage. Rente en grain, envin. Rente en espèces. Comme sur un bon fonds de rente et de recettes, Régnier, Sat. XI. Prenez le titre [d'une terre noble, d'un fief], et laissez-moi la rente, La Fontaine, Fauc. Pour vous, dit Euthyphron, vous êtes riche, ou vous devez l'être : dix mille livres de rentes et en fonds de terre, cela est beau, cela est doux, et l'on est heureux à moins ; tandis que lui qui parle ainsi a cinquante mille livres de revenu, et croit n'avoir que la moitié de ce qu'il mérite, La Bruyère, V. N'allez pas croire que je n'aie sacrifié qu'à l'agréable, j'y ai joint l'utile, et Ferney est devenu une terre de sept à huit mille livres de rente, dans le pays le plus riant de l'Europe, Voltaire, Lett. Mme de Fontaine, 5 nov. 1759.

    Deux chapons de rente, l'un gras et l'autre maigre, voy. CHAPON.

  • 3En économie politique on appelle rente de la terre, ou, simplement, rente, la part des produits afférente au propriétaire, déduction faite des frais et des profits du travail et du capital appliqué. Qu'est-ce que la rente du sol ? la mesure de la supériorité de force productive d'un sol comparé à d'autres sols, c'est-à-dire l'excédant de produits que donne ce sol contre une somme égale de travail et de capital qui lui est confiée, E. Levasseur, Cours d'économie, p. 57.
  • 4Bêtes de rente, bêtes qu'on entretient pour tirer un revenu de leurs produits, viande, laine, croît, lait, etc. par opposition aux bêtes de travail.
  • 5Ce qui est dû annuellement pour une somme d'argent aliénée par contrat de constitution. Rente constituée. Rente à quatre, à cinq pour cent. Une rente viagère sur la tête d'un enfant d'un an vaut le double d'une rente viagère sur une personne de quarante-huit ans, Buffon, Prob. de la vie, Œuv. t. X, p. 258. La rente constituée en perpétuel est essentiellement rachetable, Code Nap. art. 1911. La rente viagère peut être constituée au taux qu'il plaît aux parties contractantes de fixer, ib. art. 1976. La rente viagère ne s'éteint pas par la mort civile du propriétaire ; le paye ment doit en être continué pendant sa vie naturelle, ib. art. 1982.
  • 6 Absolument. La rente constituée par l'État. La rente est au-dessous du pair. Acheter de la rente.

    Rentes perpétuelles ou rentes de l'hôtel de ville, celles qui avaient été fondées par François Ier lors des revers essuyés dans le Milanais en 1521. À votre avis, [ceux qui viendront après nous] l'aimeront-ils ou l'estimeront-ils moins [Richelieu], à cause que, de son temps, les rentes sur l'hôtel de ville se seront payées un peu plus tard ? Voiture, Lett. 74. Les rentes de l'hôtel de ville de Paris sont particulièrement le patrimoine de tous ceux qui n'ont que médiocrement de biens, Retz, Mém. t. II, liv. III, p. 88 dans POUGENS. Le comte Maurice de Nassau, en partant de la Haye pour aller commander l'infanterie hollandaise, me demanda si on lui confisquerait les rentes qu'il avait sur l'hôtel de ville de Paris : On vous payera, lui dis-je, précisément le même jour que le comte Maurice de Saxe, qui commande l'armée française, Voltaire, Pol. et lég. Pens. sur l'adm. publique. Beaucoup de bourgeois, qui se croient de bonnes têtes dans leur quartier, pensent que tout va bien dans l'univers, pourvu que les rentes sur l'hôtel de ville soient payées, Voltaire, Mél. litt. à M. Dupont.

  • 7Rente portable, quérable, voy. ces mots
  • 8 Anciennement. Rente inféodée, rente assignée sur des fiefs, par opposition à rente roturière.
  • 9 Par extension, certaines charges qu'on s'impose à soi-même, et qui sont presque périodiques. Il donne beaucoup, c'est une rente pour les pauvres de son quartier. S'il [le prince] ne veut plus que sa bonté soit une rente et un revenu certain aux rebelles, s'il se lasse d'épuiser ses coffres pour soudoyer les armées de ses ennemis…, Guez de Balzac, De la cour, 5e disc.

    En sens inverse, certains profits qui sont presque périodiques. Ce nous est une douce rente que ce monsieur Jourdain, avec les visions de noblesse et de galanterie qu'il est allé se mettre en tête, Molière, Bourg. gent. I, 1.

SYNONYME

RENTE, REVENU. Dans le sens primitif et propre, rente est absolument synonyme de revenu annuel. L'usage y a introduit cette différence que rente se dit surtout des revenus que procure un bien-fonds ou une somme d'argent placée, et uniquement du revenu annuel que l'État paye à ses créanciers. De plus, revenu aujourd'hui comprend tout ce qu'on reçoit, tandis que rente ne comprend pas ce que l'on gagne actuellement par son travail. Un employé a un traitement de 5 000 francs et 3 000 francs de rente ; c'est 8 000 francs de revenu.

HISTORIQUE

XIIe s. L'arcevesque Thomas ad esté mis [mon] servanz, Mes rentes ad cueilleites [levées] tutes par plusurs ans, Th. le mart. 33.

XIIIe s. Les gens du païs se tornerent tuit à aus [eux], et commencierent tuit à aporter as nostres leur rentes, leur avoirs et leur gaaings, Villehardouin, CXXII. Margiste li fera recevoir tel rente [lui fera recevoir tel mauvais coup]…, Berte, X. Ou s'il est tex [tel] qu'il sache vivre De ce que sa rente li livre, la Rose, 5058. C'est bien de l'office au bailli qu'il vende les rentes et les issues de le [la] terre son segneur, Beaumanoir, I, 17. Et aussi li jugement qui sont fet por cozes engagiées ou por rentes à vies ne poent pas estre mis à execussion, Beaumanoir, VII, 2. L'en fait moult de sel en ceste cité, qui en donne à plus de quarante autres citez, dont le grant kaan a moult très grans rentes, Marc Pol, p. 463.

XVe s. LX mil livres de rente, Commines, II, 5.

XVIe s. On les bailloit [les terres conquises] à ferme ou à rente aux pauvres citoyens qui n'avoient point d'heritages, Amyot, les Gracques, 10. Les rentes sont reelles et immobiliaires ; les arrerages, personnels et mobiliaires, Loysel, 506. Toute rente constituée en grain ou autre espece est reductible à argent, Loysel, 510. Rentes constituées à deniers sont rachetables à toujours, Loysel, 511. Quand nous regardons dans nos papiers rentiers, nous y voyons un escrit de grosses rentes qu'on nous doit : il y en a aussi une très grande quantité de petites, d'un double et d'un liard, Lanoue, 150. Il a un grand train, un beau palais, tant de credit, tant de rente, Montaigne, I, 324. Toutes personnes de franche condition peuvent vendre et constituer rentes heritieres et viageres sur eux et leurs biens, Coust. génér. t. I, p. 768. Mieux vaut reigle que rente, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Rendre : proprement ce que l'on rend. Berry, rende ; wallon, reintt ; provenç. renta, rerda ; espagn. renta ; portug. renda ; ital. rendita.