« reprendre », définition dans le dictionnaire Littré

reprendre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

reprendre

(re-pran-dr') v. a.

Il se conjugue comme prendre.

Résumé

  • 1° Prendre de nouveau.
  • 2° Prendre de nouveau, en parlant de boissons, d'aliments.
  • 3° Être saisi de nouveau par des sentiments, des passions.
  • 4° Fig. Il se dit des maladies, des maux qui s'emparent de nouveau d'un patient.
  • 5° Rentrer en possession.
  • 6° Prendre, ôter ce qu'on avait donné.
  • 7° Rétracter.
  • 8° Rejoindre quelqu'un pour l'emmener. Ramener chez soi, faire rentrer au logis.
  • 9° Continuer ce qui avait été interrompu.
  • 10° Récapituler, résumer.
  • 11° Se mettre à.
  • 12° Remettre au théâtre.
  • 13° En maçonnerie, reprendre un mur.
  • 14° Rejoindre les parties rompues d'une étoffe, d'une toile, d'un bas.
  • 15° Reprendre, en termes de marine.
  • 16° Recouvrer, avec un nom de personne pour sujet ; avec un nom de chose pour sujet.
  • 17° Censurer.
  • 18° V. n. Reprendre, en termes de manége et de chasse.
  • 19° Reprit-il, il reprit, dans un dialogue.
  • 20° Attaquer de nouveau, en parlant de maladies.
  • 21° Prendre de nouveau racine, après avoir été transplanté
  • 22° Se joindre, en parlant des chairs, des plaies.
  • 23° Se rétablir d'une maladie.
  • 24° Regagner de l'activité, de la prospérité, en parlant de choses.
  • 25° Ce drame a repris.
  • 26° Recommencer, revenir.
  • 27° Se glacer de nouveau.
  • 28° Revenir sur.
  • 29° V. réfl. Se reprendre, être pris de nouveau.
  • 30° Se rejoindre, se refermer, en parlant de plaies, de chairs.
  • 31° Lier de nouveau amitié.
  • 32° Concevoir de nouveau de l'attachement pour.
  • 33° Se corriger, se rétracter de quelque chose qu'on a mal dit.
  • 34° En style de mystique, réfléchir sur les besoins et sur les actes que Dieu nous commande.
  • 1Prendre de nouveau. Reprendre sa place. Je suis bien aise de vous mander que nous avons repris Corbie sur les ennemis, Voiture, Lett. 74. Ils reprirent leurs serviteurs et leurs servantes à qui ils avaient donné la liberté, et ils les assujettirent de nouveau au joug de la servitude, Sacy, Bible, Jérémie, XXXIV, 11. Vous avez fait transir le bon abbé, de lui parler de ne pas reprendre à Paris votre petit appartement, Sévigné, 282. Les Parthes, souvent vaincus, deviennent redoutables du côté de l'Orient sous l'ancien nom de Perses qu'ils reprennent, Bossuet, Hist. III, 7. S'il sut soutenir le poids des affaires, il sut aussi les quitter et reprendre son premier repos, Bossuet, le Tellier. Ces esclaves fugitifs qu'il faut aller reprendre, Bossuet, Anne de Gonz. J'allais, en reprenant et mon nom et mon rang, Des plus grands rois en moi reconnaître le sang, Racine, Iphig. II, 1. …Loin de me reprendre après m'avoir chassé, Il [le peuple] croit voir un tyran dans un prince offensé, Racine, Théb. II, 3. Me quitter, me reprendre, et retourner encor De la fille d'Hélène à la veuve d'Hector, Racine, Andr. IV, 5. Je sais bien d'autre part que la justice approuve Qu'on reprenne son bien partout où l'on le trouve, Dancourt, Sancho Pança, III, 2. Je ne serai pas seul qui d'une âme enchantée Aura repris sa femme après l'avoir quittée, Regnard, Démocrite, V, 7. Il devait délivrer dix chevaliers chrétiens, Venir rompre leurs fers, ou reprendre les siens, Voltaire, Zaïre, I, 1. Mlle de Saint-Yves, en entendant ce discours, disait tout bas à sa compagne : Mademoiselle, croyez-vous qu'il reprenne sitôt ses habits ? Voltaire, l'Ingénu, 4. On saisit, on reprend par un contraire effort Ce rempart teint de sang, théâtre de la mort, Voltaire, Henr. VI. Combien de fois elles la reprirent tour à tour dans leurs bras ! Rousseau, Lév. d'Éphraïm, I. Les évêques déclarèrent Thetberge [femme de Lothaire] innocente [son champion ayant subi l'épreuve de l'eau bouillante], et Lothaire la reprit ; deux ans après, elle avoua le même crime dont elle avait été si parfaitement justifiée, Duclos, Œuv. t. I, p. 325.

    Fig. Reprendre en gémissant le fardeau de la vie, Arnault, Oscar, II, 1.

    Reprendre un navire, enlever à l'ennemi un bâtiment dont il s'était emparé. Reprendre son poste, y revenir.

    Reprendre un chemin, y rentrer après l'avoir quitté.

    Reprendre le chemin de, retourner à. Vous allez me faire le plaisir de reprendre sur-le-champ la route de Paris, Picard, Cap. Belronde, II, 13. Elle allait à Bordeaux, j'en reprends le chemin, Delavigne, les Coméd. I, 2.

    Fig. Reprendre le dessus, regagner l'avantage perdu.

    Reprendre le dessus, signifie aussi se rétablir d'une longue maladie.

    Reprendre terre, mettre le pied sur la terre, en parlant d'un nageur qui arrive à l'endroit où l'eau n'est plus profonde.

    Fig. Il ne s'est jamais vu d'amour reprendre terre comme celui-là, Sévigné, 342.

    Familièrement. On ne m'y reprendra plus, je ne m'exposerai plus au même danger, au même ennui.

    On dit par forme de menace : que je ne vous y reprenne plus ; que je vous y reprenne.

  • 2Prendre de nouveau, en parlant de boissons, de potions, d'aliments. Il a repris médecine. Il est obligé de reprendre du sulfate de quinine. On nous rend [à nous chiens de qualité] le morceau de sucre, Les chats reprennent leur café, Béranger, Requête.
  • 3 Fig. Être saisi de nouveau par des sentiments, des passions. Il a repris toute sa colère Tant à nous voir marcher en si bon équipage, Les plus épouvantés reprenaient de courage ! Corneille, Cid. IV, 3. Reprenez un orgueil digne d'elle [Rome] et de vous, Corneille, Nic. I, 2. [Toi Sylla] Tu l'as fait un parjure, un méchant, un infâme ; Mais, s'il me laisse encor quelques droits sur son cœur, Il reprendra sa foi, sa vertu, son honneur, Corneille, Sertor I, 3. Sauvons-le ; nos efforts deviendraient impuissants S'il reprenait ici sa rage avec ses sens, Racine, Andr. V, 5.

    Reprendre courage, redevenir courageux. Ils reprennent courage, ils attaquent le roi, Qu'un reste de soldats défendait avec moi, Racine, Mithr. V, 4.

    Reprendre courage, signifie aussi sortir de son abattement, se ranimer.

  • 4 Fig. Il se dit des maladies, des maux, qui s'emparent de nouveau d'un patient. La goutte l'a repris. Comme les joies des misérables ne durent guère, le lendemain que je l'eus reçue [votre lettre], ma colique me reprit, Voiture, Lett. 25. À cette nouvelle son émotion a été si vive que la fièvre qui l'avait quittée l'a reprise, Staël, Corinne, XX, 2.
  • 5Rentrer en possession. Ne plaidez pas contre ce malheureux, il n'y a rien à reprendre sur lui. Il laisse de grands biens, mais sa veuve a beaucoup à reprendre sur sa succession.

    Fig. Elle savait racheter le temps, selon le conseil de l'Apôtre, et reprendre sur son sommeil les heures qu'on avait dérobées à sa retraite, Fléchier, Mar.-Thér.

  • 6Prendre ce qu'on avait donné. Ô sort… Reprenez la faveur que vous m'avez prêtée, Corneille, Poly. II, 1. Ciel…, Reprenez le pouvoir que vous m'avez commis, Si, donnant des sujets, il ôte des amis, Corneille, Cinna, IV, 2. Ce roi si grand, si fortuné, Plus puissant que César, plus vaillant qu'Alexandre, On dit que Dieu nous l'a donné : Hélas ! s'il voulait le reprendre ! Épigr. sur le nom de Dieudonné que portait Louis XIV, attribuée à Bussy-Rabutin. Ma vie est votre bien ; vous voulez le reprendre, Racine, Iphig. IV, 4. Fallait-il me donner ton cœur, Puisque tu voulais le reprendre ? Quinault, Alceste, I, 4. Reprenez, reprenez vos funestes bienfaits, Voltaire, Œdipe, V, 5.

    Reprendre sa parole, retirer la promesse qu'on avait donnée. J'ai donné ma parole et je viens la reprendre, Baron, Andrienne, III, 4.

  • 7Reprendre quelque chose à quelqu'un, ou, simplement, reprendre quelque chose, rétracter quelque chose, ce qu'on a dit de quelque chose. La marquise [d'Uxelles] reprend, tous les ordinaires, les nouvelles qu'elle a mandées ; appelle-t-on cela savoir tout ce qui se passe ? Sévigné, 14 janv. 1689. Il faut que je vous reprenne l'âme damnée de la Voisin [célèbre empoisonneuse] : on dit au contraire que son confesseur a dit qu'elle avait dit Jésus, Maria, dans le milieu du feu ; c'est peut-être une sainte, Sévigné, Mercredi des cendres, 1680. Voilà qui est bien triste, monsieur, de vous reprendre une si jolie nouvelle [retour du prince de Conti], Sévigné, à Moulceau, 1er mai 1686. Pour Esther [de Racine], je ne vous reprends point du tout les louanges que je lui ai données, Sévigné, 23 mars 1689.
  • 8Rejoindre quelqu'un pour l'emmener. Il a prié en mourant la comtesse de Guiche de venir reprendre sa femme à Nancy, et lui laisse le soin de la consoler, Sévigné, 281. Mon fils me mande que le sien [son voyage] finira bientôt selon toutes les apparences, et qu'il me viendra reprendre ici, Sévigné, 223. Attendez-moi, je viens vous reprendre pour vous mener chez ma sœur, Brueys, Muet, V, 6.

    Ramener chez soi, faire rentrer au logis, auprès de soi. La jeune demoiselle restera chez vous, jusqu'à ce que sa mère la reprenne. Elle ne m'ennuyait pas, non, elle ne peut jamais m'ennuyer ; mais je trouvais qu'on tardait bien à venir la reprendre, Mme Riccoboni, Œuv. t. I, p. 74, dans POUGENS. Cette femme si capricieuse, si effrontée pourra bien me reprendre un jour son enfant, Genlis, Mères riv t. II, p. 12, dans POUGENS.

  • 9Continuer ce qui avait été interrompu. Reprenons notre lecture. Il me reste beaucoup d'autres choses à examiner touchant les attributs de Dieu et touchant ma propre nature, c'est-à-dire celle de mon esprit ; mais j'en reprendrai peut-être une autre fois la recherche, Descartes, Médit. V, 1. Timagène : Mais de grâce achevez l'histoire commencée. - Laonice : Four la reprendre donc où nous l'avons laissée…, Corneille, Rod. I, 6. Elles [les pluies] ont cessé, et j'ai repris mes tristes et aimables promenades, Sévigné, 565. Si on reprend la charrue mal attelée de l'Encyclopédie et qu'on veuille de ces articles, je les renverrai corrigés, Voltaire, à d'Alembert, 7 mars 1758. Cette conversation intéressa tellement le roi, qu'il la reprit plusieurs jours de suite, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 180. Ce grand projet fut repris par les Espagnols, aussitôt qu'ils eurent fait la conquête du Pérou, Raynal, Hist. phil. VIII, 2. Autour de lui, le temps, sous mille aspects nouveaux, Achevait, renversait, reprenait ses travaux, Delille, Trois règn. I. Reprendre une instance, continuer un procès qui avait été interrompu. D'après ce discours artificieux, l'accusation d'adultère est reprise, Diderot, Claude et Nér. I, 85.
  • 10Récapituler, résumer. Il [le duc de Bourgogne] reprenait tout ce qui s'était fait depuis le traité d'Arras, et reprochait au roi Louis XI] de vouloir rompre la paix, Duclos, Œuv. t. II, p. 112.

    Reprendre une chose, une histoire de plus haut, la raconter en commençant d'un temps plus éloigné. Denis d'Halicarnasse… en reprenant dès leur origine les anciennes institutions de la république romaine, si propres de leur nature à former un peuple invincible et dominant, Bossuet, Hist. III, 6. Après avoir raconté les prospérités, il reprend dès l'origine toute la suite des maux, Bossuet, ib. II, 4. Il faut reprendre mon histoire de plus haut, Fénelon, Tél. X.

    Reprendre les choses de plus haut, remonter à des principes généraux, à des vérités antérieures.

  • 11Se mettre à. Vous coupiez court, et je reprenais tout aussitôt le silence, Sévigné, 1er mai 1680.

    Reprendre la parole, se remettre à parler.

  • 12Reprendre une tragédie, une comédie, etc. la remettre au théâtre. En 1717, M. de Crébillon fit représenter Sémiramis ; elle n'eut aucun succès, et ne sera jamais reprise, Voltaire, Mél. litt. Élog. Crébillon.
  • 13 Terme de maçonnerie. Reprendre un mur, le réparer, en en fermant les crevasses.

    Reprendre un mur sous œuvre, en sous-œuvre, par-dessous œuvre, en rétablir les parties inférieures, en soutenant le reste par des étançons.

    Fig. Reprendre sous œuvre un projet, un ouvrage, y travailler sur le même plan, mais avec certaines modifications.

  • 14Reprendre une étoffe, une toile, un bas, en rejoindre les parties rompues. Un tisserand continuellement occupé à reprendre les fils de sa toile, Voltaire, Lett. à des souverains, 42.

    Terme de couture. Reprendre une maille, c'est refaire à l'aiguille celle qui a manqué et ainsi la rejoindre avec celles qui la suivent.

    Se dit aussi, au tricot, d'une maille tombée que l'on rattrappe en la remontant jusqu'au tour où elle manque.

  • 15 Terme de marine. Reprendre un hauban, un palan, remonter l'amarrage du cap de mouton ou de la poulie, de manière à pouvoir tendre davantage le hauban ou faire marcher plus loin la moufle.

    Reprendre une manœuvre, la raccourcir lorsqu'elle a trop allongé.

    Reprendre la tournevire, en lever les tours du bas en haut de la fusée d'un cabestan, lorsqu'ils tendent à se croiser par de nouvelles révolutions.

  • 16Recouvrer, avec un nom de personne pour sujet. Je n'ai pu reprendre la vie Sans reprendre aussi mon amour, Quinault, Alceste, V, 4. Elle a repris sur vous son souverain empire, Racine, Brit. IV, 4. Et je reprends ma gloire et ma félicité En dérobant mon sang à l'infidélité, Voltaire, Zaïre, II, 3. Il reprit à la fin sa juste autorité, Voltaire, Tancr. III, 1. Quand une fois on a perdu le goût des plaisirs de l'âme, qu'il est difficile de le reprendre ! Rousseau, Ém. IV.

    Reprendre ses esprits, reprendre ses sens, revenir à soi. Le prince, sans s'émouvoir, lui laisse reprendre ses esprits, Bossuet, Louis de Bourbon. La voilà qui reprend ses sens, Beaumarchais, Barb. de Sév. IV, 6.

    Reprendre son haleine, recommencer à respirer après une interruption.

    Fig. Reprendre haleine, se reposer afin d'être en état de se remettre à une action, à un travail quelconque.

    Reprendre se dit des animaux qui reviennent à leur ancien état. Les animaux [les loups], quoique adoucis par l'éducation, reprennent avec l'âge leur férocité naturelle, Buffon, Quadrup. t. VIII, p. 9. Dans les hautes montagnes et dans les pays du Nord, ils [les lièvres] deviennent blancs pendant l'hiver, et reprennent en été leur couleur ordinaire, Buffon, ib. t. II, p. 115.

    Il se dit des choses. Cette manufacture a repris un peu d'activité. L'empire reprend quelque force sous Justinien par la valeur de Bélisaire et de Narsès, Bossuet, Hist. III, 7. L'empire reprit bientôt sous lui sa première splendeur, Voltaire, Dict. phil. Dioclétien. J'en ai vu d'autres [tables de lave] qui pliaient sous une forte charge, mais qui reprenaient le plan horizontal, par leur élasticité, Buffon, Add. th. terre, Œuv. t. XIII, p. 157. Tout renaît ; son séjour est plus doux, l'air plus pur, Et la voûte céleste a repris son azur, Delille, Parad. perdu, VI.

  • 17Censurer quelqu'un parce qu'on juge qu'il a fait ou dit quelque chose mal à propos. Seigneur, ne me reprenez pas dans votre fureur ; et ne me punissez pas dans votre colère, Sacy, Bible, Psaum. VI, 2. Si vous m'aviez repris dans mes premières fautes, je n'aurais pas fait celle-ci, Pascal, Fragm. d'une lett. à M. Périer, 1661. Quand il [le juste] reprend ses serviteurs, il souhaite leur conversion par l'esprit de Dieu, Pascal, Pens. XXV, 54, édit. HAVET. Lycurgue donnait des lois à Lacédémone ; il est repris de les avoir faites toutes pour la guerre, à l'exemple de Minos dont il avait suivi les institutions, Bossuet, Hist. I, 6. Il a peut-être raison de reprendre ce savant auteur [Grotius] de l'excès de ses citations, Bossuet, 5e avert 53. Le plaisir de dogmatiser sans être repris ni contraint par aucune autorité, Bossuet, Reine d'Angleterre. Aimez qu'on vous censure, Et, souple à la raison, corrigez sans murmure ; Mais ne vous rendez pas dès qu'un sot vous reprend, Boileau, Art p. IV. J'avoue que je dois à M. Descartes, ou à sa manière de philosopher, les sentiments que j'oppose aux siens, et la hardiesse de le reprendre, Malebranche, Rech. vér. VI, II, 9. Aristote, dans le livre où il marque les avantages et les inconvénients du gouvernement de Carthage, ne la reprend point de n'avoir que des milices étrangères, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 219, dans POUGENS.

    Il se dit aussi des choses que l'on censure. Veuillent les immortels conducteurs de ma langue Que je ne dise rien qui doive être repris ! La Fontaine, Fabl. XI, 7. Je vous dis que… Et qu'il ne reprend rien qui ne soit à reprendre, Molière, Tart. I, 1. C'est par leurs actions qu'ils [les vrais dévots] reprennent les nôtres, Molière, ib. I, 6.

    Absolument. À quoi qu'en reprenant on soit assujettie, Je ne m'attendais pas à cette repartie, Molière, Misanthr. III, 5. Quand on veut reprendre avec utilité et montrer à un autre qu'il se trompe, Pascal, Pens. VI, 26. C'est beaucoup si vous avez obtenu de vous de ne reprendre jamais en public ; voyez dans vos réflexions si vous ne seriez pas bien aise qu'on vous dît vos fautes en particulier, Maintenon, Lett. à Mme de la Viefvile, 2 mai 1708. Elle reprend avec bonté, et en reprenant elle encourage, Fénelon, Tél. XXII. Non moins prudent ami que philosophe austère, Mornai sut l'art discret de reprendre et de plaire, Voltaire, Henr. IX. Reprenant tout bas, louant tout haut, Genlis, Veillées du château t. II, p. 481, dans POUGENS.

    Être repris de justice, avoir subi une condamnation en justice. Il n'est pas rare que dans une famille il y ait un homme habile qui fasse fortune, et un autre mal avisé qui soit repris de justice, Voltaire, Dict. phil. Sammonocodon.

    Fig. Avec un nom de chose pour sujet, corriger, servir d'instruction. Rien ne reprend mieux la plupart des hommes que la peinture de leurs défauts, Molière, Tart. Préface. [La comédie] n'étant autre chose qu'un poëme ingénieux qui, par des leçons agréables, reprend les défauts des hommes, Molière, ib. Les mauvais succès sont les seuls maîtres qui peuvent nous reprendre utilement et nous arracher cet aveu d'avoir failli qui coûte tant à notre orgueil, Bossuet, Reine d'Angleterre. Il n'y a point de vérité que nous devions aimer davantage que celle qui nous reprend, Bourdaloue, 4e dim. après Paq. Domin. t. II, p. 127.

  • 18 V. n. Terme de manége. Se dit d'un cheval qui repart après un demi-arrêt.

    Il se dit d'un cheval qui cesse, au galop, d'entamer avec la même jambe, et qui entame avec l'autre ; ce qui se dit aussi changer de pied. Votre cheval reprend bien.

    Terme de chasse. Ce chien reprend bien, il retrouve bien la voie.

  • 19Reprit-il, il reprit, expressions qui, dans un dialogue, indiquent qu'on fait parler de nouveau l'un des interlocuteurs. Laissons, reprit Iris, cette triste pensée, La Fontaine, Filles de Minée. Il est vrai que Quinault est un esprit profond, A repris certain fat…, Boileau, Sat. III.
  • 20Attaquer de nouveau, en parlant des maladies. Cela lui reprend de moment en moment, et je crois qu'elle ne passera pas la journée, Molière, Amour méd. I, 6. La fièvre a repris traîtreusement à Mme de la Fayette, Sévigné, 140. La rage des tragédies m'a repris comme à vous, Voltaire, Lett. Chabanon, 22 déc. 1766. Vous n'êtes qu'à moitié guéri ; votre ancien mal vous reprend toujours, Voltaire, Dial. XXVI, 2.

    Il se dit aussi de sentiments, de passions. C'est sa timidité qui lui reprend, madame, Legrand, Famille extrav. sc. 14.

  • 21En parlant des végétaux, prendre de nouveau racine, après avoir été transplanté. Cet arbre a bien repris.

    On dit également : Cette greffe a bien repris. Ces greffes malheureuses qui n'ont point repris, qui touchent bien le tronc de l'arbre qui les soutient, mais qui n'en sont pas vivifiées, Fléchier, Sermons, Jour de Noël.

  • 22En parlant des chairs, des plaies, se rejoindre, se refermer. Les chairs ont repris. La plaie commence à reprendre.
  • 23Se rétablir d'une maladie. Le malade commence à reprendre.
  • 24Regagner de l'activité, de la prospérité, en parlant de choses. Le commerce reprend. Ce quartier-ci va reprendre ; voilà la paix, Picard, Provinc. à Paris, IV, 3.
  • 25Ce drame a repris, il s'est relevé après avoir été mal accueilli.
  • 26Recommencer, revenir. Le froid reprend. Cette mode a repris.
  • 27Se glacer de nouveau. La rivière a repris.
  • 28Reprendre sur, revenir sur. Puis le mercredi matin, j'en reçois encore une [lettre], et je reprends sur des chapitres que j'ai déjà commencés, Sévigné, 19 août 1676. Elles [des lettres] sont écrites d'un trait ; vous savez que je ne reprends guère que pour faire plus mal, Sévigné, 3 avr. 1671.

    Reprendre, v. n. se conjugue avec avoir quand on veut marquer l'action : La rivière a repris hier ; avec le verbe être, quand on veut marquer l'état : La rivière est reprise depuis hier.

  • 29Se reprendre, v. réfl. Être pris de nouveau. C'est l'orgueil qui n'ose pas dire ses secrets, et qui, dans les égards qu'il a pour les autres, se quitte pour se reprendre, Montesquieu, Déf. Espr. lois, part. 3.
  • 30En parlant des chairs, des plaies, se rejoindre, se refermer. La plaie se reprend. Les chairs se sont déjà reprises.
  • 31Lier de nouveau amitié. Nous étions sur le point de nous reprendre et de nous recoudre avec le parlement, Retz, III, 24. Une amitié qui a pu se reprendre malgré les obstacles, Bossuet, Serm. Pén. 1.
  • 32Concevoir de nouveau de l'attachement pour. Peut-être que mon âme… à la vie un moment se reprendrait encore, Lamartine, Méd. II, 15.
  • 33Se corriger, se rétracter de quelque chose qu'on a mal dit. Il a mal prononcé d'abord, mais il s'est repris. Mais, quand soi-même on sait se faire entendre Que la raison nous doit donner la loi, On sent l'honneur de se reprendre, Et le plaisir de ne céder qu'à soi, Lamotte, Fabl. IV, 19.
  • 34 Terme des mystiques. Se reprendre soi-même, réfléchir sur ses besoins et sur les actes que Dieu nous commande ; ce que les mystiques interdisent.

HISTORIQUE

XIIe s. Vus ne li devez pas [au roi] tut son voil conseillier, Ainz le devez suvent reprendre et chastier, Th. le mart. 28. [Le cheval] Reprent s'aleine, tost est revigorez, La bat. d'Aleschans, V. 562. Chacun torna sa resne, et son tor a repris, Ronc. p. 193. Et la guerre dura tante mainte saison, Li uns rois après l'autre la reprist en son non, Sax. III. [Sa première femme étant morte] Il en reprist une autre qui fu assez vaillans, ib. V.

XIIIe s. Et la semenche que je semme Ne reprendroit en nule terre, Gui de Cambrai, Barl. et Jos. p. 235. Et dites moi comment savés, Puisque li hons sera chi mors, Reprendera l'ame son cors, Gui de Cambrai, ib. p. 51. En dormant vous cuid [je pense] embrassier ; E quant j'i faille au resveiller, Nule riens ne m'i peut aidier ; Lors me reprend à souhaitier, Audefroi le Bastard, Romanc. p. 43. Li pueple de Israel le trainierent à chevaus [Ézéchiel], porce qu'il les reprenoit des crimes et des deableries que il faisoient, Latini, Trésor, p. 58. Mauvaistié… Qui peüst en lor cuers grener, Ne reprendre ne rachiner, Roi Guillaume, p. 95, dans DU CANGE, Gloss. français. Sa conscienche le reprit de la terre de Normandie, que li rois Phelippes avoit conquis sour le mauvais roi Jehans d'Engletiere, Chr. de Rains, 233. Quant la vielle ot tant fabloié [la vieille eut tant parlé], Bel-acueil reprent la parole, la Rose, 14806. Ce demanderent il [les pharisiens] à nostre Seigneur, ne mie por aprendre, mais por reprendre, s'il peussent, Serm. de Maurice de Sully, dans Arch. des miss. scientif. t. V, p. 156.

XIVe s. Se les enemis eussent reprins courage, Bercheure, f° 43, recto.

XVe s. Je ne vueil pas reprendre vostre parolle, mais je la vueil amender, Froissart, liv. I, p. 339, dans LACURNE.

XVIe s. Incontinent que Domitian eust esté tué, les mois reprirent leurs anciens noms, Amyot, Numa, 31. Le mary pouvoit prester sa femme à temps, pour puis après la reprendre, Amyot, Lyc. et Num. comp. 6. Et lors commencea l'on à mettre en avant, qu'il estoit besoing de reprendre la guerre contre Mithridate, Amyot, Lucull. 11. Silanus mesme se reprit de ce qu'il avoit dit, et interpreta son opinion, disant…, Amyot, Cicéron, 24. Faire reprendre [cicatriser] une playe, Amyot, Comm. ouïr, 25. Fabius s'en prist à rire, et luy respondit sur le champ : Tu as dit la verité ; car, si tu ne l'eusses point perdue [la ville de Tarente], je ne l'eusse point reprise, Amyot, Fab. 47. Reprendre les faultes d'aultruy, Montaigne, I, 156. Avant que se laisser reprendre, il se donna de l'espée au travers…, Montaigne, II, 32. Quand je veins à revivre, et à reprendre mes forces, Montaigne, II, 58. Ce testu indocile pense il pas reprendre un nouvel esprit, pour reprendre une nouvelle dispute ? Montaigne, IV, 248. Par advertissements et instructions reprinses à intervailes, Montaigne, IV, 272. Ils firent un grand retranchement du coin de la Grange Loudis à travers la rue, pour aller reprendre [rejoindre] la muraille, D'Aubigné, Hist. II, 53. Les nerfs, veines et arteres se reprennent quelquesfois, Paré, VII, 4. Reprenons notre chevre à la barbe, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. reprare ; wallon, ripreind ; provenç. reprendre, reprehendre, reprenre, repenre ; catal. rependrer ; espagn. reprender ; portug. reprehender ; ital. riprendere ; du lat. reprehendere, de re et prehendere (voy. PRENDRE).