« reproche », définition dans le dictionnaire Littré

reproche

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

reproche

(re-pro-ch') s. m.
  • 1Ce qu'on dit à une personne pour la blâmer, pour la critiquer, pour lui faire honte ou regret. Il y a des reproches qui louent et des louanges qui médisent, La Rochefoucauld, Max. 148. Je vous prie… de m'épargner, en cette rencontre, le déplaisir que me pourraient causer les reproches fâcheux de mon père et de ma mère, Molière, G. Dand. III, 8. Vous savez comme je crains les reproches qu'on se peut faire à soi-même, Sévigné, 73. Ne doutez point, seigneur, que ce coup ne la frappe ; Qu'en reproches bientôt sa douleur ne s'échappe, Racine, Brit. III, 1. Je sentis le reproche expirer dans ma bouche, Racine, Iphig. II, 1. Les rois craignent surtout le reproche et la plainte, Racine, Esth. III, 1. Écoutez les louanges qui vous prêtent de fausses vertus, comme des reproches publics de vos vices véritables, Massillon, Pet. carême, Tentat. des gr. Ce qui me surprend, c'est qu'on ne voit point que saint Louis, frère de Charles d'Anjou, ait jamais fait à ce barbare le moindre reproche de tant d'horreurs, Voltaire, Ann. Emp. Interrègne, 1267. Le grand reproche que tous les critiques anglais nous font, c'est que tous nos héros sont français, des personnages de roman, des amants tels qu'on en trouve dans Clélie, dans Astrée et dans Zaïde, Voltaire, Dict. phil. Goût. On a peu de reproches à faire à ceux qui ne s'en font point, et il est inutile d'en faire à ceux qui ne s'en font plus, Duclos, Consid. mœurs, 2. Ne vous permettez aucun reproche ; on n'en doit faire qu'à ceux qu'on estime, Genlis, Mères riv. t. I, p. 252, dans POUGENS. Arnauld l'avait bien senti, quand il disait à Racine : Pourquoi cet Hippolyte amoureux ? le reproche était moins d'un casuiste que d'un homme de goût, D'Alembert, Lett. à J. J. Rouss. Œuv. t. V, p. 334, dans POUGENS. Que signifient les reproches en amour ? Staël, Corinne, XVII, 7. Le reproche est barbare à l'instant du malheur, Chénier M. J. Gracques, III, 5.

    Fig. On n'aime point à voir ceux à qui l'on doit tant ; Tout ce qu'il a fait parle au moment qu'il m'approche ; Et sa seule présence est un secret reproche, Corneille, Nicom. II, 1.

    Les reproches de la conscience, le sentiment que l'on a d'avoir mal agi. Auriez-vous cru, mes chers auditeurs, que dans ce reproche de la conscience il y eût tant d'avantages et tant de trésors renfermés ? Bourdaloue, 9e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 143. Qu'ils craignent moins la mort et les tourments que le moindre reproche de leur conscience, Fénelon, Tél. XI.

    Homme sans reproche, homme à qui on ne peut rien reprocher. Bayard fut surnommé le Chevalier sans peur et sans reproche. J'ai envoyé votre lettre au chevalier sans peur et sans reproche, Sévigné, 326. Voilà donc un premier fait, l'innocence de Jésus-Christ sans reproche, Bossuet, Hist. II, 12.

    On dit de même : où il n'y a point de reproche. Si je ne suis pas né noble, au moins suis-je d'une race où il n'y a point de reproche, Molière, G. Dand. II, 3.

  • 2 Au pluriel, terme de procédure. Raisons que l'on produit pour récuser des témoins. Il est visible que ce n'est que sa vie [de Jésus] qui les a empêchés [les Juifs] de le recevoir ; et, par ce refus, ils sont des témoins sans reproche, Pascal, Pens. XIX, 5 bis, édit. HAVET. C'est Libanius [qui accuse des chrétiens d'avoir tué Julien]… sophiste calomniateur manifeste des chrétiens, qui porte par conséquent son reproche dans son nom, Bossuet, Déf. des Variat. 7. Il [l'accusé] ne les voit [les témoins à charge] qu'un moment à la confrontation ; avant d'entendre leurs dépositions, il doit alléguer les moyens de reproches qu'il a contre eux… il n'est plus admis aux reproches après la lecture des dépositions, Voltaire, Pol. et lég. Comm. peines et délits, Procédure crim.
  • 3Sans reproche, loc. adv. Sans prétendre faire de reproches. Sans reproche, soit dit sans reproche, je lui ai rendu plus d'un service.

REMARQUE

Reproche a été féminin : On ne se pique point d'une reproche qu'on peut faire à tout le monde, Malherbe, Traité des bienf. de Sénèque, III, 16.. Chifflet, Gramm p. 251, dit qu'il est masculin au singulier, et féminin au pluriel.

HISTORIQUE

XIe s. Jà n'en aront reproece mi parent, Ch. de Rol. LXXXIII.

XIIe s. Puis si li dist : or aiés pais ; Car jà parler n'en orrés mais De la reproche del lignage Dont troblés iert [était] vostre corage, Grég. le Grand, p. 47. Et s'il ne fust de remanoir viltance Et reproche, j'alasse demander à ma dame congé de demorer, Couci, XXIV.

XIIIe s. Ce sont les gens ou monde qui plus honneurent gens anciennes, puisque il est ainsi que Dieu les a gardés de vilain reproche jusques en leur vieillesse, Joinville, 222.

XIVe s. Se aucunes personnes reprocent ledit compte, et facent oppositions… et ycelles reproces et oppositions veulent poursuir, Du Cange, reprochare.

XVe s. Dame, dist Passelion, de la reproche me cuide je bien laver, Perceforest, t. IV, f° 111. Ilz recongnoissent le nayn, et dient : ha reproche de nature, c'est toy par qui nous avons perdu nostre pere, ib. t I, f° 42.

XVIe s. C'est à bon droit que ces reproches leur sont objectées par sa bouche…, Calvin, Inst. 239. Reproches generaux ne sont admis [pour récuser un témoin], Loysel, 783. Faits de reproches d'estre larron, parjure, etc… ne sont reçus s'il n'y a eu sentence ou composition, Loysel, 784. Ceste parole estoit plus tost un reproche de trahison que un record de grace receue, Amyot, Artax. 31. Par où il bridoit les occultes caquets des moqueurs, et esmoussoit la poincte de ce reproche, Montaigne, III, 48. Toute noblesse se debvoit bien vestir de dueil le jour du trespas du bon chevalier sans paour et sans reprouche, Chronique de Bayart, ch. 66. De moi, je le dy sans reproche, Quoyque je ne fusse si proche Du deffunct comme estoit Martin, Sat. Mén. Ane lig.

ÉTYMOLOGIE

Berry, repreuche ; provenç. repropche ; espagn. reproche ; ital. rimproccio. Les formes sont si semblables à celles d'approche, d'approcher, qu'il n'est pas possible de n'y pas voir avec Diez un représentant de re et prope (voy. PROCHE) : rapprocher, remettre sous les yeux, et fig. objecter, reprocher ; objecter veut dire aussi mettre devant.