« rompre », définition dans le dictionnaire Littré

rompre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rompre

(ron-pr'), je romps, tu romps, il rompt, nous rompons, vous rompez, ils rompent ; je rompais ; je rompis, nous rompîmes ; je romprai ; je romprais ; romps, qu'il rompe, rompons, rompez ; que je rompe, que nous rompions ; que je rompisse, qu'il rompît ; rompant, rompu v. a.

Résumé

  • 1° Mettre en fragments, enfoncer, démolir.
  • 2° Déchirer.
  • 3° Rompre le pain, faire la cène.
  • 4° Rompre une lance.
  • 5° Rompre un condamné.
  • 6° Gâter des voies de communication.
  • 7° Fig. Rompre ses fers, ses chaînes.
  • 8° Rompre la glace.
  • 9° Rompre la paille.
  • 10° Rompre la tête, les oreilles.
  • 11° Rompre une troupe, l'enfoncer. Rompre une ligne de vaisseaux.
  • 12° En termes militaires, rompre les divisions, les pelotons.
  • 13° Congédier, renvoyer.
  • 14° Au trictrac, rompre son plein.
  • 15° Arrêter, détourner le mouvement droit d'une chose. Rompre un coup. Rompre le dé.
  • 16° En termes d'escrime, rompre la mesure, la semelle.
  • 17° Rompre les chiens.
  • 18° Réfracter.
  • 19° En peinture, rompre les couleurs.
  • 20° Rompre une terre, la labourer après un long chômage.
  • 21° En brasserie, rompre la couche.
  • 22° Rompre la laine, en draperie.
  • 23° Interrompre.
  • 24° Rompre charge, transborder.
  • 25° Rompre la mesure d'un vers.
  • 26° Empêcher d'avoir lieu.
  • 27° Détruire.
  • 28° Faire cesser, mettre fin à.
  • 29° Rendre nul, en parlant d'amitiés, de relations, de paix, de traité, etc.
  • 30° Manquer à une obligation, à un engagement.
  • 31° Fatiguer extrêmement.
  • 32° Dresser, accoutumer.
  • 33° V. n. Se casser, se briser.
  • 34° En termes militaires, passer de l'ordre en bataille à l'ordre en colonne.
  • 35° En escrime, reculer.
  • 36° Renoncer aux relations d'amitié avec quelqu'un.
  • 37° Se dit du vin qui, laissé à l'air, change de couleur.
  • 38° V. réfl. Se rompre, être rompu.
  • 39° Être réfracté.
  • 40° Être brisé, se briser, en parlant des eaux, des flots.
  • 41° Perdre son ordre, son arrangement.
  • 42° Être défait, changé, rendu nul.
  • 43° S'accoutumer à.
  • 44° À tout rompre.
  • 1Mettre en fragments, enfoncer, démolir. Il m'a rompu les dents, sans m'en laisser une seule, Sacy, Bible, Jérém. Lament. III, 16. Aussitôt il [Samson] rompit ces cordes comme on romprait un filet, Sacy, ib. Juges, XVI, 12. Voyez si vous romprez ces dards liés ensemble, La Fontaine, Fables, IV, 18. Depuis plus d'une semaine Je n'ai trouvé personne à qui rompre les os ; La vertu de mon bras se perd dans le repos, Molière, Amph. I, 2. Tel Hercule filant rompait tous ses fuseaux, Boileau, Lutr. V. [Athalie] Rit des faibles remparts de nos portes d'airain ; Pour les rompre elle attend les fatales machines, Boileau, Ath. V, 1. Il faut vingt-six milliers pour rompre une pièce de dix pieds de longueur sur huit pouces d'écarrissage, Buffon, Hist. nat. part. exp. Œuv. t. VIII, p. 177. Le Nil rompait ses digues ; il se fit des ouvertures qui submergèrent une grande partie de la contrée, Diderot, Opin. des anc. phil. (Égyptiens). Rien que pour toucher sa mantille, De par tous les saints de Castille, On se ferait rompre les os, Musset, l'Andalouse.

    Se rompre un bras, une jambe, se les fracturer.

    Se rompre une veine, éprouver la déchirure d'une veine. Il [Valentinien] se rompit une veine, et tomba demi-mort entre les bras de ses officiers, Fléchier, Hist. de Théodose, I, 33.

    Se rompre le cou, faire une chute dans laquelle on se tue ou se blesse grièvement. Le traître assurément a reçu de l'argent de mes débiteurs pour me faire rompre le cou, Molière, l'Av. III, 14. J'ai dix ou douze charpentiers en l'air… qui sont à tous moments sur le point de se rompre le cou, Sévigné, 96.

    Fig. et familièrement. Rompre le cou à quelqu'un, lui faire perdre ses espérances de fortune, d'avancement.

    On dit dans le même sens : se rompre le cou par sa mauvaise conduite, par son imprudence.

    Fig. Rompre l'anguille au genou, voy. ANGUILLE.

    Il rompra tout si on ne le marie, se dit ironiquement d'un fanfaron.

  • 2Déchirer. Le traître, l'autre jour, nous rompit de ses mains Un mouchoir qu'il trouva dans une Fleur des Saints, Molière, Tart. I, 2. Notre ami [Corbinelli] était sur un testament qu'il [Vardes] a rompu, Sévigné, à Moulceau, 3 sept. 1688. Elle a trois fois écrit, et, changeant de pensée, Trois fois elle a rompu sa lettre commencée, Racine, Phèdre, V, 5.

    Terme d'imprimerie. Rompre une forme, séparer les lettres qui la composent, et les remettre dans leurs cassetins.

    Aujourd'hui on dit de préférence distribuer.

    Terme de gravure. Rompre une planche, la briser ou la rayer de manière qu'elle ne puisse plus servir.

  • 3 Terme de l'Écriture. Rompre le pain, faire la cène, la communion. Ayant rompu les pains, il les donna à ses disciples, afin qu'ils les présentassent au peuple, Sacy, Bible, Évang. St Marc, VI, 41. On dit que vous avez communié avec lui [Jacques Clément] en rompant tous une hostie, Fénelon, Dial. Henri III, la duch. de Montpensier.

    Fig. Rompre le pain de la parole de Dieu aux fidèles, prêcher la parole de Dieu.

  • 4Dans les tournois et les anciens combats, rompre une lance, rompre la lance, briser une lance en courant ou en combattant contre quelqu'un.

    Fig. Rompre une lance avec quelqu'un, contre quelqu'un, disputer en règle avec lui sur quelque sujet. Tessé avait, dès l'arrivée de Catinat, rompu lance contre lui, Saint-Simon, 96, 20.

    Fig. On vit les dialecticiens aller d'école en école rompre des arguments, comme alors les chevaliers allaient de tournoi en tournoi rompre des lances, Condillac, Disc. de récep.

    Fig. Rompre une lance pour quelqu'un, prendre son parti dans une conversation, dans une dispute.

    Rompre en visière, briser une lance dans la visière.

    Fig. Rompre en visière à quelqu'un, lui dire en face et brusquement quelque chose. Je ne romps jamais en visière aux gens pour le bien, non plus que pour le mal que j'en veux dire, Bussy-Rabutin, Lett. t. IV, p. 221, dans POUGENS. Ce chevalier était le même qui m'avait surpris chez la Remy, et qui semblait né pour me rompre partout en visière, Marivaux, Pays. parv. 6e part.

  • 5Rompre un condamné, rompre avec une barre de fer les os des bras et des jambes à un condamné. Le vieillard Martin est rompu vif en attestant Dieu de son innocence jusqu'au dernier soupir, Voltaire, Dict. phil. Certain. Aussi peu que je croirais l'histoire de la force de l'imagination de cette femme qui, ayant vu rompre les membres à un criminel, mit au monde un enfant dont les membres étaient rompus, Buffon, Hist. anim. ch. X.

    Absolument. On ne fait ici que pendre et rompre, Patin, Lett. t. II, p. 180.

  • 6Gâter des voies de communication. Les chemins sont tout rompus des torrents, Vaugelas, Q. C. VI, 4. L'on sait il y a quelques jours que les impériaux ont rompu leur pont sur le Mein, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 74. Il y pleut sans cesse [à Livry], et je crains fort que vos chemins… ne soient rompus, Sévigné, 27 mai 1675. Il suffirait de rompre deux ou trois chaussées près de la ville [Bourgneuf] pour en rendre toutes les avenues impraticables, Ch. Sévigné, dans SÉV. t. XI, p. XXXVI, édit. RÉGNIER.

    Fig. Il faut penser, chrétiens, que nous étions nés pour ne mourir pas ; et, si notre crime nous a séparés de cette source de vie immortelle, il n'a pas tellement rompu les canaux par lesquels elle coulait avec abondance…, Bossuet, 1er sermon, Purification, 1.

    Rompre les ponts, les passages, les gués, etc. les rendre impraticables pour ne pas être poursuivi par l'ennemi.

  • 7 Fig. Rompre ses fers, ses chaînes, s'échapper de prison. Mais où garder des lions [Condé et Conti] toujours prêts à rompre leurs chaînes ? Bossuet, le Tellier. Rompez vos fers, Tribus captives, Racine, Esth. III, 9.

    Rompre ses fers, ses chaînes, ses liens, se dégager d'une passion, d'un attachement.

  • 8Rompre la glace, la casser, afin de faciliter le moyen de cheminer.

    Fig. Je vous ai souhaité un lot à la loterie, pour commencer à rompre la glace de votre malheur ; cela se dit-il ? Sévigné, à Bussy, 3 avril 1681.

    Fig. Rompre la glace, affronter, surmonter les premières difficultés que présente une affaire. Boufflers… rompit glaces et lances, et ne donna aucun repos au roi, Saint-Simon, 234, 120.

    Rompre la glace se dit aussi pour faire trêve à la froideur, aux compliments, et commencer à s'entretenir familièrement, confidentiellement.

  • 9 Fig. Rompre la paille, voy. PAILLE, n° 4.
  • 10 Fig. Rompre la tête, les oreilles à quelqu'un, le fatiguer par trop de bruit, ou l'importuner par des discours hors de saison. D'assez d'autres propos il me rompit la tête, Régnier, Sat. VIII. Ne me rompez pas davantage la tête, Molière, Mis. IV, 3. Je vous écrivis, mercredi, ma fille, assez confusément au milieu de deux ou trois personnes qui me rompaient la tête, Sévigné, 421. Dandin : Retirez-vous, vous êtes une bête. - Chicaneau : Monsieur, voulez-vous bien… - Dandin : Vous me rompez la tête, Racine, Plaid. II, 11. Madame est malade ; je ne veux pas lui rompre la tête de ces bagatelles, Genlis, Théât. d'éduc. l'Amant anonyme, IV, 2.

    Se rompre la tête à quelque chose, s'y appliquer trop fortement et inutilement.

    Rompre la tête, se dit aussi des choses qui fatiguent la tête. Hébert me mandait… qu'elles [mes affaires] vous avaient bien rompu la tête, Sévigné, à Mme de Guitaut, 26 août 1693. Un pauvre homme avec une Histoire générale sur les bras, et trente ouvriers qui lui rompent la tête, n'est guère en état de parler longtemps à ses amis, Voltaire, Lett. Thiriot, 22 juill. 1755.

  • 11 Terme de guerre. Rompre une troupe, l'enfoncer, la mettre en désordre. S'il vous souvient encor du combat où les Perses Eurent sitôt rompu les escadrons romains, Rotrou, Bélis. V, 5. Trois fois le jeune vainqueur s'efforça de rompre ces intrépides combattants, Bossuet, Louis de Bourbon. Dans cette fameuse bataille [de Chéronée], pendant qu'il [Philippe] rompait les Athéniens, Bossuet, Hist. I, 8. Pyrrhus voyant que les Romains étaient rompus par ces animaux [les éléphants], Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 375, dans POUGENS. Terme de marine. Rompre une ligne de vaisseaux, en détruire la disposition, y mettre le désordre. Il [Tourville] présuma avec capacité que le vent… obligerait les vaisseaux [ennemis] qui étaient à l'île d'Ouessant de sortir de ce poste, parce qu'il les repoussait et les rompait contre l'île, Sévigné, 6 août 1689.
  • 12 Terme militaire. Rompre les divisions, les pelotons, partager les divisions en pelotons et les pelotons en sections dans une colonne qui est en marche.

    Rompre le carré, reformer en colonne une troupe qui formait le carré.

    Rompre les rangs, ses rangs, ne plus garder les rangs. La foule rompt ses rangs quand les chevaux sont passés, Staël, Corinne, IX, 1.

  • 13Congédier, renvoyer. Rompre une assemblée, une diète.

    Rompre le camp, renvoyer les troupes dans leurs quartiers.

    Rompre une armée, en renvoyer les différents corps. Le duc d'Anjou rompit son armée à la fin de juin, Anquetil, Ligue, I, p. 303.

    Rompre une partie de jeu, la quitter.

    Rompre sa maison, son train, congédier son train, sa maison.

    Rompre sa table, cesser de tenir table.

    Rompre son ménage, cesser de tenir ménage.

    Être cause qu'une société se disperse. Un incident assez singulier rompit cette joyeuse société, Marmontel, Mém. VI.

    Dans un sens analogue, rompre un nombre de personnes, le diminuer, l'entamer. M. de la Vieuville est mort… il a rompu le premier le nombre des chevaliers [de l'ordre du Saint-Esprit], Sévigné, 4 févr. 1689.

  • 14Au trictrac, rompre son plein, être obligé de lever une des deux dames qui complètent chaque case du plein.
  • 15Arrêter, détourner le mouvement droit d'une chose. Rompant tous ensemble le cours de l'eau, Pellisson, Lett. hist. t. I, p. 141. Elle [une tour] n'était point mise là pour rien ; c'était un paravent, et elle rompait… la première impétuosité [de la bise], Sévigné, 1er juin 1689. Pour rompre la violence de ses eaux trop impétueuses [de l'Euphrate], Bossuet, Hist. III, 4. Ils rompaient l'effort du bélier avec des cordes qui en détournaient le coup, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 528, dans POUGENS. Il [Charles XII] s'élance dans la rivière, suivi de son régiment des gardes ; cette foule rompait l'impétuosité du flot ; mais on avait de l'eau jusqu'aux épaules, Voltaire, Russie, I, 16. Nous savons, par notre art, diriger et rompre les efforts de l'eau, Buffon, 4e époque nat. Œuvr. t. XII, p. 201. Batavia est situé dans l'enfoncement d'une baie profonde couverte par plusieurs îles de grandeur médiocre, qui rompent l'agitation de la mer, Raynal, Hist. phil. II, 19.

    Par extension. Toute votre chambre me tue ; j'y ai fait mettre un paravent tout au milieu, pour rompre un peu la vue, Sévigné, 24.

    Rompre un coup, en amortir l'effet. Leurs jambes roides et paresseuses [de l'unau et de l'aï] n'ont pas le temps [dans une chute] de s'étendre pour rompre le coup, Buffon, Quadrup. t. VI, p. 84.

    Aux jeux de dés rompre le coup, arrêter, détourner une chance des dés en les empêchant de rouler librement.

    On die de même : rompre le dé.

    Fig. Rompre le dé, interrompre. Tout le monde ensemble ne retiendra pas un grand parleur auprès d'un autre qui lui aura rompu le dé, Scarron, Rom. com. II, 10.

    Fig. Rompre un coup, le coup, empêcher d'avoir lieu, prévenir. …Et que le plus souvent ils [les dieux] nous secourent si à propos qu'ils rompent le coup à de grands inconvénients qui étaient préparés pour nous arriver, Malherbe, le Traité des bienf. de Sénèque, IV, 4. Il faut rompre ce coup qui me serait fatal, Corneille, Poly. V, 1. Le cardinal de Tournon rompit habilement un si dangereux coup, Mézeray, Abr. de l'hist. de France, 1534.

  • 16 Terme d'escrime. Rompre la mesure à son adversaire, le mettre hors d'état de porter le coup qu'il voulait.

    Rompre la mesure, reculer en parant.

    Rompre la semelle, reculer de la longueur du pied.

  • 17Rompre les chiens, les rappeler et leur faire quitter ce qu'ils chassent. Les clefs de meute parvenues à l'endroit où pour mort le traître se pendit, Remplirent l'air de cris : leur maître les rompit, Bien que de leurs abois ils perçassent les nues, La Fontaine, Fabl. XII, 23. Le 16 janv. 1686 : Monseigneur courut le loup, et fit rompre les chiens à dix grandes lieues d'ici ; il revint assez à temps pour être à la comédie, Dangeau, I, 282.

    Fig. et familièrement. Rompre les chiens, interrompre un discours qui pourrait avoir quelque inconvénient. Il a heureusement rompu les chiens.

    Il se dit aussi pour ne pas accepter, ne pas croire. Mais le mari, qui se doutait du tour, Rompait les chiens, ne manquant au retour D'imposer mains sur Mme Féronde, La Fontaine, Féronde.

  • 18 Terme de dioptrique. Synonyme de réfracter. Tous les corps transparents ont la propriété de rompre les rayons de lumière qui les traversent.
  • 19 Terme de peinture. Rompre les couleurs, les mêler pour en adoucir l'éclat.
  • 20 Terme rural. Rompre une terre, la labourer pour la première fois après un long chômage. Rompre un pré.
  • 21 Terme de brasserie. Rompre la couche, remuer les grains dans le germoir.

    Rompre trop jeune, retirer le grain du germoir avant qu'il soit assez avancée.

  • 22Rompre la laine, faire le mélange des laines de différentes couleurs que l'on veut employer à la fabrication des draps mélangés.
  • 23Interrompre. J'ai rompu vos discours d'assez mauvaise grâce, Vous le pardonnerez à l'aise de vous voir, Corneille, le Ment. I, 5. Mon abord importun rompt votre conférence, Corneille, Gal. du Palais, III, 4. Il rompt l'ordre commun, et devance le temps, Molière, Mélic. I, 4. Ce passage pensa rompre notre entretien, Pascal, Prov. VIII. Une affaire qui survint au dervis rompit notre conversation jusqu'au lendemain, Montesquieu, Lett. pers. 134.

    Rompre un tête-à-tête, survenir dans la compagnie de deux personnes. Que penseraient les domestiques, s'ils la voyaient recevoir un homme sans la demoiselle de compagnie qui n'est chez elle que pour rompre les tête-à-tête ? Genlis, Mme de Maintenon, t. II, p. 172, dans POUGENS.

    Rompre le sommeil de quelqu'un, éveiller quelqu'un, troubler son sommeil.

    Rompre le fil de son discours, passer tout d'un coup d'un sujet à un autre.

    Vous rompez, vous avez rompu le fil de mon discours, se dit à un interrupteur.

    Rompre le silence, mettre fin au silence. Un effort de douleur rompant enfin ce long et morne silence, Fléchier, Turenne.

    Rompre le silence, signifie aussi cesser de se taire. Tu frémiras d'horreur si je romps le silence, Racine, Phèd. I, 3. Qu'attendez-vous ? rompez ce silence obstiné, Racine, Andr. III, 6.

    Rompre quelqu'un, l'interrompre. …Tu n'es pas supportable De me rompre sitôt…, Corneille, Mél. II, 4. Le maréchal de Villeroy voulut le rompre [le duc de Gesvres] en parlant à quelqu'un, Saint-Simon, 73, 196.

    Rompre la monotonie, empêcher que quelque chose ne soit monotone. Si l'artiste introduit une façade dans son tableau, il ne manquera pas d'en rompre la monotonie par quelque artifice, Diderot, Pensées sur la peint. Œuv. t. XV, p. 199, dans POUGENS.

    Rompre l'eau à un cheval, l'empêcher de boire tout d'une haleine.

  • 24 Terme de commerce maritime. Rompre charge, transborder. Sans rompre charge, sans transbordement.
  • 25Rompre la mesure, faire qu'un vers n'ait pas sa mesure. Et malheur à tout nom qui, propre à la censure, Put entrer dans un vers sans rompre la mesure, Boileau, Art p. II.
  • 26Empêcher d'avoir lieu. Ce prompt retour me perd et rompt votre entreprise, Corneille, Nic. I, 4. Le ciel rompt le succès que je m'étais promis, Corneille, Cinna, V, 2. …Ce qu'on diffère est à demi rompu, Corneille, Poly. I, 1. J'en suis fâché, car cela rompt une pensée qui m'était venue dans l'esprit, Molière, l'Av. IV, 3. Je sais un sûr moyen Pour rompre cet achat où tu pousses si bien, Molière, l'Ét. I, 10. Cet homme me rompt tout, Molière, Éc. des f. III, 4. Ils conjuraient ce Dieu de veiller sur vos jours, De rompre des méchants les trames criminelles, Racine, Esth. III, 4. Sachons ce qui peut rompre ou servir ses projets, Delille, Parad. perdu, VI.

    Rompre les desseins, les mesures de quelqu'un, empêcher qu'il ne les mette à exécution. Jaloux des bons desseins qu'il tâche d'ébranler, Quand il [le démon] ne les peut rompre, il pousse à reculer, Corneille, Poly. I, 1. Allons, madame, allons employer toute chose Pour rompre le dessein que son cœur se propose, Molière, Mis. V, 8. Si vous aviez été à Paris… vous auriez rompu toutes mes mesures, je le sens, Sévigné, 13 nov. 1689. Quand Assuérus, surpris par les artifices d'Aman, voulut exterminer tout le peuple juif, Dieu rompit ce dessein impie, Bossuet, Politique, VI, III, 2. Que l'amour, qui semble aussi le vouloir troubler [le mariage de Marie-Thérèse et de Louis XIV], cède lui-même… il y a des mesures prises dans le ciel qu'il ne peut rompre, Bossuet, Mar.-Thér.

    Rompre un enchantement, en détruire l'effet. Les prières de l'hermite Pierre et le mérite de la contrition de Renaud rompent l'enchantement [d'Armide], Voltaire, Ess. poés. ép. VII.

    Rompre un voyage, un départ, une promenade, une partie, les empêcher. Elle vient me prier de souffrir que sa flamme Puisse rompre un départ qui lui percerait l'âme, Molière, Éc. des mar. III, 2. À rompre un rendez-vous qui dans ce lieu l'appelle, Molière, les Fâch. III, 4. 8 janvier 1686 : on assure qu'il a changé de résolution et que son voyage est rompu, Dangeau, I, 279. 4 mai 1686 : la pluie rompit cette promenade-là, Dangeau, I, 329. Je rompis cette partie, où elle aurait été appréciée au-dessous de sa valeur, Diderot, S. la princ. d'Ashkow.

    Rompre son dessein, son entreprise, y renoncer. Je crois que Brute même, à tel point qu'on le prise, Voulut plus d'une fois rompre son entreprise, Corneille, Cinna, III, 2. Je m'en vais réparer l'erreur que j'ai commise, Et, dès ce même pas, rompre mon entreprise, Molière, l'Ét. I, 10.

    Rompre son voyage, ne pas faire le voyage qu'on avait projeté. Je crois qu'il [Coulanges] n'en rompra pas [à cause du voyage de Rome] le voyage de Grignan, Sévigné, 18 sept. 1680. Me voilà coupable encore pour n'avoir pas deviné son voyage, et n'avoir pas en conséquence rompu le mien, Rousseau, Lett. à Mme Latour, 25 déc. 1763.

  • 27Détruire. Il [Dieu] a rompu leurs piéges, Malherbe, I, 2. Un amant dédaigné souvent croit beaucoup faire, Quand il rompt le bonheur de ce qu'on lui préfère, Corneille, Sur. II, 1. Des crimes qui rompent la société, qui abrégent la vie, et qui déshonorent Dieu en toutes manières, Malebranche, Rech. vér. Éclairc. liv. I, t. IV, p. 110, dans POUGENS. Lui seul réunissait les gens de bien, rompait les liaisons des factieux, Bossuet, le Tellier. Arnauld, des novateurs tu découvres la fraude, Et romps de leurs erreurs les filets captieux, Boileau, Ép. III.
  • 28Faire cesser, mettre fin à. Sa fureur à la fin rompit sa modestie, Régnier, Élég. IV. Je t'ai voulu sur l'heure apprendre cet amour, Pour te tirer de peine et rompre ta colère, Corneille, la Place Roy. V, 6. Mon amour généreux Qui d'un si grand héros rompt le sort malheureux, Corneille, Médée, II, 5. Comme la douceur, selon l'Écriture, rompt la colère, on peut dire aussi que l'humilité dissipe l'envie, Fléchier, Sermons, Envie. Ô Christ, ô soleil de justice, De nos cœurs endurcis romps l'assoupissement, Racine, Hymnes, Ales diei nuncius. Pour revenir, il faut rompre des inclinations que le temps a fortifiées, Massillon, Carême, Fausse conf.
  • 29Rendre nul, en parlant d'amitié, de relations, de paix, de traité, etc. Et soyez sûr que même le trépas Ne peut rompre des nœuds que l'amour ne rompt pas, Corneille, Rod. II, 4. [Que] La Perse ait osé rompre une paix si profonde, Rotrou, Bélis. I, 6. Muse, redis-moi donc quelle ardeur de vengeance De ces hommes sacrés rompit l'intelligence, Boileau, Lutr. I. Que cette âme renonce tout d'un coup à ses plaisirs, rompe les attachements les plus vifs…, Massillon, Carême, Lazare. C'est le seul traité [de G. Penn] entre ces peuples [les sauvages d'Amérique et les chrétiens] qui n'ait point été juré, et qui n'ait point été rompu, Voltaire, Dict. phil. Quakers, II. Entre tous les liens qui serrent les hommes, un des plus difficiles à rompre est celui du bienfait dont l'amour-propre est flatté, Diderot, Claude et Nér. I, 66.

    Rompre un mariage, rompre un projet de mariage. Argante : Cela m'aurait donné plus de facilité à rompre ce mariage. - Scapin : Rompre ce mariage ? - Argante : Oui. - Scapin : Vous ne le romprez point, Molière, Scapin, I, 6.

  • 30Manquer à une obligation, à un engagement. Je romps une foi due aux secrets de ma reine, Corneille, Rodog. III, 1. Je sais de quels serments je romps pour vous les chaînes, Racine, Andr. III, 7. Rompez, rompez tout pacte avec l'impiété, Racine, Ath. I, 1. En faisant ses vœux [de chanoinesse], elle [Mme de Tencin] songea aux moyens de les rompre, et son directeur fut l'instrument aveugle qu'elle employa pour ses desseins, Duclos, Œuv. t. V, p. 418.

    Faire rompre. Hélas ! je ne craignais que tes beautés de Grèce, Et je vois qu'une Scythe a rompu ta promesse, Corneille, Toison d'or, III, 3. Leur devoir violé doit-il rompre le mien ? Corneille, Œdipe, II, 4.

    Rompre le jeûne, enfreindre la loi du jeûne, en mangeant avant l'heure prescrite, ou en mangeant quelque chose de défendu. Ces petites incommodités qui vous ont servi de raison autrefois pour me le faire rompre [le carême], Sévigné, 19 févr. 1690.

    Rompre le jeûne, signifie aussi cesser de jeûner, manger après le jeûne. Les premiers fidèles qui ne le rompaient [le jeûne] qu'après le soleil couché, Massillon, Carême, Jeûne.

    Rompre sa prison, s'évader. La Babylone dont il faut rompre les prisons pour entrer ou pour retourner à notre patrie, c'est le monde avec ses plaisirs et ses vanités : c'est là que nous sommes captifs et errants, Bossuet, Hist. II, 6.

    Rompre son ban, sortir des lieux où l'on était relégué.

  • 31Fatiguer extrêmement. J'ai fait quelques efforts pour me relever ; efforts inutiles qui m'ont rompu et ne m'ont pas soulagé, Bossuet, 1er sermon, Conception, 2.
  • 32Dresser, accoutumer. Rompre quelqu'un au travail, aux affaires. Rompre la main d'un enfant à l'écriture. Il le faut rompre à l'âpreté des exercices, Rousseau, Ém. II.

    Rompre l'humeur, le caractère d'un enfant, le rendre doux et docile.

    Rompre un cheval, l'assouplir.

    Rompre le cou d'un cheval, l'obliger à plier l'encolure à droite et à gauche pour la rendre flexible, afin que l'animal obéisse aisément aux deux mains.

  • 33 V. n. Se casser, se briser. Mon épée en ma main en trois morceaux rompit, Corneille, le Ment. II, 5. Les vents me sont moins qu'à vous [chêne] redoutables ; Je [le roseau] plie et ne romps pas, La Fontaine, Fabl. I, 22. Un pressoir que l'on serre jusqu'à ce que la corde rompe, Sévigné, 13 nov. 1676. Notre essieu rompit hier dans un lieu merveilleux, Sévigné, 8 mai 1680. Il se peigne, il s'apprête ; L'ivoire trop hâté deux fois rompt sur sa tête, Boileau, Lutr. V. Les poiriers rompent de fruits cette année, La Bruyère, XIII. Des poutres qui avaient chacune supporté, sans se rompre, pendant un jour entier neuf milliers, avaient rompu au bout de cinq ou six mois sous la charge de six milliers, Buffon, Expér. sur les végét. 1er mém. Des pièces de bois ainsi chargées n'ont pas rompu, mais elles ont plié considérablement, Buffon, ib.

    Les greniers rompent, ils sont pleins au point de s'enfoncer sous le poids. Si nous mettions dans nos travaux la moitié de cette constance [des courtisans], nos greniers chaque année rompraient, Courier, Simple discours.

    Fig. Il rompra plutôt que de plier, il périra plutôt que de céder. …c'est un joug qu'à peine il recevra. - Je l'y forcerai bien ; s'il ne plie, il rompra, Tristan, M. de Chrispe, III, 6.

    Il vaut mieux plier que rompre, il vaut mieux céder, obéir que de se perdre.

    On verra beau jeu si la corde ne rompt, se dit de grandes espérances, de belles promesses.

  • 34 Terme militaire. Passer de l'ordre en bataille à l'ordre en colonne. Rompre par divisions, par pelotons. Rompre à droite, à gauche.
  • 35 Terme d'escrime. Reculer. Rompez. Il rompit d'une semelle.
  • 36Renoncer aux relations d'amitié avec quelqu'un. Quel astre, de votre heur et du nôtre jaloux, Vous a précipité jusqu'à rompre avec nous ? Corneille, Sophon. IV, 9. On a bien de la peine à rompre quand on ne s'aime plus, La Rochefoucauld, Max. 351. Ces passages me firent tant d'horreur, que je pensai rompre là-dessus, Pascal, Prov. X. Il [l'abbé de Valbelle] m'a dit… que l'archevêque de Reims rompait à feu et à sang avec le coadjuteur [d'Arles], s'il ne venait avec vous, Sévigné, 19 janv. 1674. Il fallait se réformer [dans l'Église, au XVIe s.] ? qui ne le reconnaît ? mais il était encore plus nécessaire de ne pas rompre, Bossuet, Var. XI, 206. Ni les conseils de la Providence, ni l'état de la princesse ne permettaient qu'elle partageât tant soit peu son cœur… il fallait ou tout à fait rompre, ou se rengager tout à fait avec le monde, Bossuet, Anne de Gonz. La patience nous échappa de part et d'autre, et nous rompîmes à l'amiable, Lesage, Gil Bl. VII, 7. Nous romprons avec lui quand il n'aura plus rien, Destouches, Diss. I, 2. Toutes les mortifications qu'un roi de France peut donner à un pape sans rompre de communion avec lui, Voltaire, Louis XIV, 14. J'ai rompu avec le genre humain pendant plus de six semaines, je me suis enterré dans mon imagination, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 12 avr. 1760. Résolu de rompre avec Diderot pour jamais, je ne délibérai plus que sur la manière, Rousseau, Confess. X. Au lieu de dénouer insensiblement, je rompis, ce fut une très grande faute, Marmontel, Mém. IV. Souvenez-vous qu'il est plus prudent de délier que de rompre, Genlis, Ad. et Th. t. III, p. 243, dans POUGENS.

    Fig. Il est vrai que c'est mon ancien ami [le serein, Mme de Sévigné l'aimait beaucoup], et que j'ai peine à rompre tout à fait avec lui, Sévigné, 353. Pourquoi m'es-tu donné, ô corps mortel, fardeau accablant, soutien nécessaire, avec lequel je ne puis avoir ni guerre ni paix, parce qu'à chaque moment il faut s'accorder, et à chaque moment il faut rompre ? Bossuet, Bourgoing. Il resta [auprès des bagages abandonnés] les plus faibles, les moins déterminés, ou les plus avares ; ceux qui ne surent point rompre avec leur butin et quitter la fortune qui les quittait, ceux-là furent surpris [par les cosaques] dans leur hésitation, Ségur, Hist. de Nap. IX, 13.

    Rompre à tout, briser toutes relations. Ils n'ont pas la force de se faire un désert du monde lui-même, nous leur disons qu'il est aisé de rompre à tout quand on le veut ; et ils soutiennent qu'en le voulant ils n'en sauraient être les maîtres, Massillon, Profess. relig. Serm. 1.

  • 37Rompre, se dit du vin qui, laissé à l'air, change de couleur.
  • 38Se rompre, v. réfl. Être rompu. Ils prirent une si grande quantité de poissons, que leur filet se rompait, Sacy, Bible, Évang. St-Luc, V, 6. L'essieu crie et se rompt, Racine, Phèd. V, 6. Ce morceau de fil de fer a porté, avant de se rompre, 482 livres, Buffon, Hist. min. introd. Œuv. t. VII, p. 62. À deux postes d'ici ma chaise s'est rompue, Boissy, Impatient, II, 5.
  • 39Être réfracté. Les rayons se rompent en passant de l'air dans l'eau. Un trait de lumière qui passe à travers un prisme se rompt et se divise de façon qu'il produit une image colorée, composée d'un nombre infini de couleurs, Buffon, Hist. min. introd. Œuv. t. VII, p. 7.
  • 40Être brisé, se briser, en parlant des eaux, des flots. Les flots bruyants se rompaient en plusieurs endroits, Vaugelas, Q. C. VIII, 13. N'entendez-vous pas la vague qui se rompt contre ces autres rochers ? Fénelon, Tél. IX.
  • 41Perdre son ordre, son arrangement. Les astres font leur cours, le ciel ne se rompt pas, Rotrou, Herc. mour. III, 3. Les bataillons du régiment des gardes, l'épée à la main, rompirent un grand bataillon des ennemis ; mais, en le rompant, ils se rompirent eux-mêmes, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 290. Il lui [à la phalange macédonienne] faut des lieux propres, et pour ainsi dire faits exprès, et, à faute de les trouver, elle s'embarrasse elle-même, ou plutôt elle se rompt par son propre mouvement, Bossuet, Hist. III, 6.
  • 42Être défait, changé, rendu nul. C'est un ordre des dieux qui jamais ne se rompt, De nous vendre un peu cher les grands biens qu'ils nous font, Corneille, Cinna, II, 1. La ligue se romprait…, Corneille, ib. III, 1. Mandez-moi d'où vient que le marché de votre terre s'est rompu, Sévigné, 28 mai 1676. Ces mariages qui se rompent ou qui se concluent dans les comédies, Bossuet, Comédie, 6. Cette grande société que forment les vanneaux à leur arrivée, tend à se rompre dès que les premières chaleurs du printemps se font sentir, Buffon, Ois. t. XV, p. 82.
  • 43S'accoutumer à. Se rompre à la fatigue, aux affaires, au travail. La main se rompt à écrire ou à jouer d'un instrument, c'est-à-dire qu'elle corrige une roideur, qui tenait les doigts comme engourdis, Bossuet, Conn. V, 4.
  • 44À tout rompre, loc. adv. Tout au plus (sens qui a vieilli). À tout rompre, on ne lui doit pas mille écus. Il est vrai de dire qu'encore qu'elle [l'Académie française] fasse un dictionnaire grammatical, il n'y a que deux ou trois de ces messieurs, à tout rompre, qui sachent la grammaire française et les premiers éléments, Furetière, Factums, t. I, p. 188.

    Avec éclat, avec transport (sens actuel). Applaudir à tout rompre.

HISTORIQUE

XIe s. L'osberc [il] li rumpt entresque à la charn, Ch. de Rol. XCIV.

XIIe s. De totes pars la mer l'asaut, Rompent cordes, li trés [mât] lor faut, Wace, Vierge Marie, p. 4. Puis i ont mis dou feu tout rasé [ras] un tonel ; Les douves sont enprises, si rompent li cercel, Sax. IX.

XIIIe s. [Épines] Qui m'ont toute ma robe depecie et rompue, Berte, LII. Tant qu'ainsinc Faussemblant raisonne, Amors de rechief l'araisonne, Et dist, en rompant sa parole…, la Rose, 11124. Et s'il y a beste liée, et ele ront son lien et va en damace, Beaumanoir, XXX, 57. Li devant dit home doivent rompre [labourer] et gaagnier les terres aus us et aus coustumes dou païs, Du Cange, rumpere. Vous avez une goute vive ; Saint Ladres a rompu la trive, Si vous a feru el viaire, Rutebeuf, 213. Cil qui sont sor le mur aval esgardé ont, L'eschiele virent route [rompue], Ch. d'Ant. VI, 723. Quant nous venimes là, nous trouvames que un vent fort ot rompues les cordes des ancres de sa nef, Joinville, 212.

XIVe s. Adonques est l'amisté dissolue et roupte, puisque les choses ne leur sont faites pour lesquelles il amoient, Oresme, Eth. 258. Grans roches tresbucherent et rompirent de montaignes, Chr. de St-Denis, f° 47, dans LACURNE.

XVe s. Et beaucoup de gens de bien estoient d'opinion qu'on attendist, cuidans rompre le coup, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1380. Mais, au derrain, ne sçay comment Mon fait est venu au contraire ; Et à parler ouvertement Tout est rompu, c'est à reffaire, Orléans, Bal. 65. Le mareschal dist : Monseigneur, ne rompez point l'alaine de vos gens, le Jouvencel, f° 57, dans LACURNE. Ledit Morvilier lui rompoit tousjours la parolle, Commines, I, 1. Les hommes d'armes bourguignons rompirent leurs [propres] archiers et passerent par dessus… ainsi rompirent eulx-mesmes la fleur de leur armée, Commines, I, 3. Ilz font un payement de trois moys, et puis rompent leur armée [licencient], Commines, IV, 1. Et taschoient à luy rompre ses vivres, qui venoient par eaue du pays de Gueldres, contre-mont la riviere, Commines, IV, 2. Et si luy fut rompue la pension qu'il prenoit de nous, Commines, V, 18. Le cardinal rompit [empêcha] que je ne m'en meslasse point, Commines, VIII, 3.

XVIe s. Chascune de leurs trouppes, cuidant que les autres fussent en leur entier, se rompoit quand on l'alloit assaillir, Amyot, Publ. 39. Le peuple leur rompoit le cueur de pitié, quand…, Amyot, Cam. 54. Il feit forger salades et morrions tous de fer bien polis par dehors, à fin que les espées glissassent au long, ou se rompissent en frappant dessus, Amyot, ib. 68. Ilz leurs remonstrerent que l'occasion se presentoit de rompre [entamer] la guerre contre les Romains ; eulx respondirent qu'ilz auroient honte de la rompre, attendu qu'il y avoit trefves jurées entre eux pour deux ans, Amyot, Cor. 41. Si me semble que ce fut chose merveilleuse et de grand heur pour les Romains, que ceste guerre gauloise ne vint point à se rompre [éclater] du temps que celle des Carthaginois duroit encore, Amyot, Marcel. 3. Vous le voyez aller par la ville avec une pauvre robbe toute rompue et usée, Amyot, Arist. 62. On les voyoit incontinent recreuz et rompus du travail, Amyot, Caton, 10. La glace se rompoit et trenchoit les nerfs de leurs pieds, Amyot, Lucul. 63. Le chemin rompoit de joyaux d'or et d'argent, et de chevaux que l'on y envoyoit, Amyot, Artax. 33. …ce propos dur et triste En cest endroit rompray pour le present, Marot, II, 63. Il chut du haut d'une echelle et se rompit [se donna une hernie], Despériers, Contes, XVII. Il y aura beau jeu, si la chorde ne rompt, Rabelais, IV, 6. Il le fault rompre à la peine et aspreté des exercices, Montaigne, I, 165. Se tourmenter et rompre la teste des affaires d'aultruy, Montaigne, I, 278. Il n'osa les poursuyvre touts rompus et effroyez, Montaigne, I, 351. Rompre un marché, Montaigne, IV, 43. Rompre la teste à tout le monde de ses genealogies, Montaigne, IV, 45. Lors aura-on bon marché de rompre [labourer] les prairies, De Serres, 73. Après cette prise de Saint-Jean, il vouloit bien passer plus outre et suivre messieurs les princes jusques en Gascogne et Languedoc, mais la reyne rompit ce coup, Brantôme, Les grands capit. franç. Charles IX. Combien avons nous veu depuis force huguenots s'estre convertis et faits bons catholiques ! les chemins en rompent, Brantôme, ib. t. III, p. 172. Nous disons communement rompre la paille ou le festu avec quelqu'un, quand nous nous disposons de rompre l'amitié que nous avions contractée avec luy, Pasquier, Recherch. VIII, 58.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, rompi ; patois des Fourgs, rontre ; provenç. rompre, rumpre ; catal. romprer ; espagn. romper ; ital. rompere ; du lat. rumpere ; sanscrit védique, rup, devenu en sanscrit classique lup, lumpâmi, je romps.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ROMPRE. Ajoutez :
45à bois rompre, tellement que le bois, les branches menacent de se rompre. Les arbres sont chargés de fruit à bois rompre. Il pleut à bois rompre.

HISTORIQUE

XIVe s. Ajoutez : Quant vitaille fault, on ne poeut plus longuement durer ; si vault mielx estendre que rompre, J. le Bel, Vrayes chroniques, t. I, p. 116.