« secret », définition dans le dictionnaire Littré

secret

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

secret, ète [1]

(se-krè, krè-t' ; la prononciation ancienne était segret, segrète ; et plusieurs, surtout les vieillards, la conservent encore ; plusieurs, au XVIe siècle, écrivaient segret, voy. l'historique à SECRET, 2 ; au XVIIe siècle, Marguerite Buffet, Observ. p. 128, condamne la prononciation par g, mais Chifflet, Gramm. p. 125, l'approuve ; Mme de Genlis, dans Ad. et Th. t. III, p. 179, note segret comme une prononciation nouvelle : " Maintenant nous disons segret pour secret ; " mais, comme on voit, elle se trompe) adj.
  • 1Qui n'est pas divulgué, que l'on tient caché. Des agents secrets. Hélas ! rien aux jaloux ne peut être secret, Régnier, Élég. II. On les tient [les chrétiens] pour sorciers dont l'enfer est le maître ; Et sur cette croyance on punit du trépas Des mystères secrets que nous n'entendons pas, Corneille, Pol. IV, 6. L'amour aime surtout les secrètes faveurs, Molière, Fâch. III, 1. Il reçut des avis secrets que sa vie n'était pas en sûreté, Bossuet, le Tellier. J'ai craint, j'ai soupçonné quelques ordres secrets, Racine, Mithr V, 4. Les discours secrets doivent être regardés comme des pensées, Voltaire, Pol. et lég. Relat. mort de la Barre.

    Sciences secrètes, prétendues sciences, telles que la cabale, la magie, qui n'étaient connues que d'un certain nombre d'adeptes.

    Maladie secrète, maladie syphilitique.

    Il se dit aussi de toute maladie affectant des parties secrètes. Il [le Seigneur] ne punit les Philistins [qui avaient pris l'arche] qu'en les frappant d'une maladie secrète ressemblant aux hémorrhoïdes, Voltaire, Pol. et lég. Si l'intolérance est de droit divin.

    Remède secret, voy. REMÈDE.

    Le Chapelet secret du saint sacrement, petit écrit de trois ou quatre pages contenant des pensées affectueuses sur le mystère de l'eucharistie ; il était de la mère Agnès de Port Royal.

  • 2Il se dit des parties d'une habitation qui est fermée au public, qui n'est pas connue de lui. Escalier secret, escalier dérobé par lequel on peut monter dans les appartements d'une grande maison, au lieu de monter par le grand escalier.

    On dit dans le même sens : degré secret.

    Porte secrète, porte dérobée. Ma galère est au port toute prête à partir ; Le palais y répond par la porte secrète, Corneille, Nicom. V, 5.

    En un sens analogue. Je vois sourire Mes pénates secrets couronnés de rameaux, Chénier, Versailles.

  • 3Il se dit des assemblées quand elles se ferment au public. Comité secret, séance où une assemblée délibère à huis clos.

    Conseil secret du roi, conseil où l'on agitait les affaires les plus importantes, et où certains membres du conseil d'État seulement avaient droit de siéger.

    Sceau secret, ou, substantivement, le secret, petit sceau pour les lettres et expéditions particulières.

  • 4Fonds secrets, fonds dont un gouvernement use sans être tenu à en rendre compte ; ils sont destinés surtout à un service de police et de diplomatie.
  • 5Qui ne peut être pénétré. Vous n'aurez point pour moi de langages secrets, Racine, Brit. II, 3.
  • 6Qui se cache. Sentant que j'avais des ennemis secrets et puissants dans le royaume, Rousseau, Conf. X.

    Partie secrète, personne qui, agissant, sollicitant contre une autre dans un procès ou dans toute autre affaire, ne veut point paraître. C'est sa partie secrète.

    On dit dans le même sens : C'est son ennemi secret.

  • 7Il se dit des publications où l'on divulgue des particularités secrètes. Que je suis mécontent des Mémoires secrets de Bolingbroke ! je voudrais qu'ils fussent si secrets, que personne ne les eût jamais vus, Voltaire, Lett. d'Argental, 2 mai 1754. J'apprends qu'on vient d'imprimer en Hollande mes Lettres secrètes ; je crois en effet que ce recueil sera très secret, et que le public n'en saura rien du tout, Voltaire, Lett. à P. Rousseau, 19 nov. 1764.
  • 8Qui n'est pas apparent, visible. Tout cédait au charme secret de ses entretiens, Bossuet, Reine d'Anglet. C'était [dans la réforme anglaise] un dégoût secret de tout ce qui a de l'autorité, Bossuet, ib. Outre le rapport que nous avons du côté du corps avec la nature changeante et mortelle, nous avons une secrète affinité avec Dieu, Bossuet, Duch. d'Orl. Oui, vos moindres discours ont des grâces secrètes, Racine, Esth. III, 4.
  • 9Qui sait se taire, tenir une chose secrète. Au moins en a-t-il appris de meilleure heure à être secret, Guez de Balzac, le Prince, 23. Dom Carlos lui promit d'être secret, et entra vite dans le jardin, Scarron, Rom. com. I, 9. Vos amis et les miens, jusqu'alors si secrets…, Racine, Brit. III, 5. Ces deux capitaines… n'étaient pas assez secrets dans leurs entreprises, Fénelon, Tél. XVI. Il a une grande fille qu'on appelle Mlle Marianne, qui voudrait bien aussi se marier sans le dire à son père ; ils sont fort secrets dans cette famille-là, Dancourt, Foire Besons, sc. 16.

    Ironiquement. Il est secret comme un coup de canon, comme un coup de tonnerre, se dit d'un homme qui divulgue les choses qu'on lui confie.

    Qui cache sa conduite. Jeanne que vous voyez, dont on ne parle point, Qui fait si doucement la simple et la discrète, Elle n'est pas plus sage, ains elle est plus secrète, Régnier, Sat. XII.

    Terme de chasse. Chien secret, limier qui pousse la voie sans appeler.

    Lieu secret, lieu où ce qui s'y dit ne se répète pas. Il a eu l'intrépidité de le dire en pleine académie et dans des lieux tout aussi secrets, Rousseau, Lett. à Mme de Luxembourg, 12 déc. 1760.

HISTORIQUE

XVe s. En son temps il [le chevalier Guichart d'Angle] ot toutes ces nobles vertus que un chevalier doit avoir : il fut sage, secret, large, pieux, hardi, entreprenant et chevaleureux, Froissart, II, II, 118. Il [Hue le Depensier] envoya grant or et grant argent à plusieurs cardinaux et prelats, les plus secrets et les plus prochains du pape, Froissart, I, I, 111. Se nulz m'en scet dire aucun bien, Je le tendray [tiendrai] secret com prestre, Deschamps, Poésies mss. f° 247. Après vint la royne et ses secrettes pucelles [confidentes, affidées], Perceforest, t. VI, f° 95.

XVIe s. Toutes les secrettes pensées ne se peuvent communiquer aux enfants, Montaigne, I, 207. Le soudard luy confessa, que c'estoit une maladie secrette, qu'il ne luy ozoit bonnement declarer, Amyot, Pélop. 1.

ÉTYMOLOGIE

Lat. secretus, de secernere, mettre à part, de se, indiquant séparation, et cernere, distinguer, séparer, le même que ϰρίνειν (voy. CRISE) ; c'est la racine skar, allem. scheren, couper.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. SECRET. Ajoutez :
10Société secrète, voy. SOCIÉTÉ au Dictionnaire.
11Le tribunal secret, la confession. Les crimes dont il n'y a que la pensée et l'intention sans exécution ne se recherchent pas ; cela est remis au tribunal secret, Duplessis, cité dans Lettres, etc. de Colbert, t. VI, introduction, p. XLII.