« sensation », définition dans le dictionnaire Littré

sensation

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sensation

(san-sa-sion ; en vers, de quatre syllabes) s. f.
  • 1Impression produite par les objets extérieurs sur un organe des sens, transmise au cerveau par les nerfs, et aboutissant à un jugement de perception. Les sensations sont passives, lorsque l'organe reçoit l'impression sans l'avoir cherchée ; elles sont actives, lorsque l'attention de l'individu se concentre pour les juger avec plus d'exactitude. La sensation du froid, du chaud. La sensation des saveurs, des odeurs, des couleurs. Nous pouvons la définir [la sensation] la première perception qui se fait en notre âme à la présence des corps que nous appelons objets, et ensuite de l'impression qu'ils font sur les organes de nos sens, Bossuet, Connaiss. I, 1. On donne le nom de couleur blanche à la sensation que la neige a coutume de produire en nous, Rohaut, Phys. I, 27. Les sensations ne sont rien autre chose que des manières d'être de l'esprit ; et c'est pour cela que je les appellerai des modifications de l'esprit, Malebranche, Rech. vér. I, 1. Toutes les facultés du monde n'empêcheront jamais les philosophes de voir que nous commençons par sentir, et que notre mémoire n'est qu'une sensation continuée, Voltaire, Dict. phil. Sensation. Nous sentons toujours malgré nous, et jamais parce que nous le voulons ; il nous est impossible de ne pas avoir la sensation que notre nature nous destine, quand l'objet nous frappe, Voltaire, ib. Berkeley [l'idéaliste] attend encore une réponse : lier l'existence réelle de son propre corps avec la sensation n'est point une chose facile, Diderot, Claude et Nér. II, 31. Les sensations n'ayant rien qui ressemble essentiellement aux objets…, Diderot, Lett. sur les aveug. Distinguons la sensation du sentiment : la sensation n'est qu'un ébranlement dans le sens ; et le sentiment est cette même sensation devenue agréable ou désagréable par la propagation de cet ébranlement dans tout le système sensible, Buffon, Quad. t. II, p. 144. Le mot sensation, pris abstractivement, n'exprime proprement aucune idée ; ce mot est seulement une expression commune à toutes les idées que nous recevons par les sens, D'Alembert, Mél. de littér. t. V, § II. Toutes nos facultés viennent des sens, ou, pour parler plus exactement, des sensations ; car, dans le vrai, les sens ne sont que cause occasionnelle, Condillac, Œuvr. t. III, p. 3. La philosophie fait un nouveau pas : elle découvre que nos sensations ne sont pas les qualités mêmes des objets, et qu'au contraire elles ne sont que des modifications de notre âme, Condillac, Traité des sensat. I, II, 1. Il ne suffit pas d'avoir des sensations pour avoir des idées, et nous n'avons des idées qu'autant que nous remarquons nos sensations, Condillac, Art de pens. I, 3. En 1765 il donna un mémoire sur la durée des sensations de la vue, Condorcet, d'Arci. La statue [imaginée par Condillac] commence à jouir de l'existence ; mais elle ne sait point encore qu'elle existe ; une sensation n'est pas une notion ; et combien l'idée d'existence est réfléchie ! Bonnet, Ess. anal. âme, 6. Condillac a exposé un grand nombre des effets de la sensation dans l'entendement, avec une analyse si exacte et si claire, qu'il ne reste plus aucun louche sur l'origine de nos idées, Destutt Tracy, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. I, p. 289. Les sensations répétées souvent nuisent toujours aux sens qui les produisent, en raison de la délicatesse du sens, de l'intensité et de la durée de la sensation, Sennebier, Ess. art d'observ. t. I, p. 418, dans POUGENS.
  • 2Particulièrement, impression produite par les objets extérieurs sur les sens et aboutissant au plaisir ou à la peine. Nous sommes étonnés de la pensée ; mais le sentiment est tout aussi merveilleux ; un pouvoir divin éclate dans la sensation du dernier insecte comme dans le cerveau de Newton, Voltaire, Dict. phil. Sensation.
  • 3En général, action de sentir, action dévolue à certaines parties du système nerveux périphérique et central, tant extérieur ou de la vie animale qu'interne ou sympathique, c'est-à-dire de la vie végétative.

    Sensations externes, celles qui appartiennent au tissu nerveux de la vie animale.

    Sensations internes, celles qui appartiennent au tissu nerveux de la vie végétative ; elles font percevoir non plus les propriétés des corps ou les actions des êtres du milieu ambiant, mais l'état où se trouvent certains organes de l'animal même qui perçoit.

  • 4 Fig. Faire sensation, faire une sensation, produire une impression marquée dans le public, sur une compagnie, etc. On est toujours indigné ici de l'absurde et abominable jugement de Toulouse ; on ne s'en soucie guère à Paris, où l'on ne songe qu'à son plaisir, et où la Saint-Barthélemy ferait à peine une sensation, Voltaire, Lett. Damilaville, 17 avr. 1762. Nous sommes dans un temps où rien ne fait une grande sensation ; tous les objets, de quelque nature qu'ils soient, sont effacés les uns par les autres, Voltaire, Lett. Richelieu, 19 juill. 1773. Il n'y a de bruyantes que les folles ; les femmes sages ne font point de sensation, Rousseau, Ém. V.

HISTORIQUE

XIVe s. De toute chose qui ouvre [opère] selon aucun des sens naturelz, la sensacion ou operacion est ou [au] resgart de la chose sensible, Oresme, Eth. 304.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. sensation ; espagn. sensacion ; ital. sensazione ; du lat. sensationem, de sensatus, doué de sens, de sensus, sens.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SENSATION. Ajoutez :
5À sensation, de manière à produire une impression marquée. Nouvelle à sensation.