« sentence », définition dans le dictionnaire Littré

sentence

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sentence

(san-tan-s') s. f.
  • 1Parole qui renferme un grand sens, une pensée morale. Les saints disent en parlant des choses divines, qu'il faut les aimer pour les connaître, et qu'on n'entre dans la vérité que par la charité ; dont ils ont fait une de leurs plus utiles sentences, Pascal, Géométr. II. N'attendez pas [du prince de Condé mourant] de ces magnifiques paroles qui ne servent qu'à faire connaître sinon un orgueil caché, du moins les efforts d'une âme agitée qui combat ou qui dissimule son trouble secret ; le prince de Condé ne sait ce que c'est que de prononcer de ces pompeuses sentences, Bossuet, Louis de Bourb. A-t-on jamais retenu une seule phrase de trente ou quarante mille discours moraux, et ne sait-on pas par cœur ces sentences admirables, placées avec art dans des dialogues intéressants ? Voltaire, Lett. Albergati, 23 déc. 1760. Il parle peu et d'un grand sens, mais sans affecter ni précision, ni sentences, Rousseau, Hél. III, 20. [Dans la tragédie du XVIIIe siècle] Pour expirer en forme, un roi par bienséance Doit exhaler son âme avec une sentence, Gilbert, Le XVIIIe siècle. Cette sentence de Bacon : Celui qui a épousé une femme, et qui a mis des enfants au jour, a donné des otages à la fortune, Marmontel, Œuv. t. VIII, p. 178.

    Il ne parle que par sentences, se dit d'un homme qui débite à tout propos des généralités, des moralités.

  • 2Jugement rendu par des juges, par des arbitres, par une assemblée. Le président du sénat [en Égypte] portait un collier d'or et de pierres précieuses, d'où pendait une figure sans yeux qu'on appelait la vérité… il l'appliquait au parti qui devait gagner sa cause, et c'était la forme de prononcer les sentences, Bossuet, Hist. III, 3. Après que la sentence eut été rendue, ceux d'Ardée, dont le droit était le plus apparent, indignés d'un jugement si inique…, Bossuet, ib. III, 6. Chacun de tes rubans ne coûte une sentence, Racine, Plaid. I, 4. L'armée à haute voix se déclare contre elle, Et prononce à Calchas sa sentence mortelle, Racine, Iph. V, 6.

    Fig. Il se dit de quelque décision comparée à une sentence. Sans être étonné de la dernière sentence qu'on lui prononça [qu'il fallait se préparer à la mort], il [le prince de Condé] demeure un moment dans le silence, Bossuet, Louis de Bourb. En vain quelque rieur, prenant votre défense, Veut faire au moins de grâce adoucir la sentence [de noyer les satiriques], Boileau, Sat. IX.

  • 3Dans le langage technique. Jugement rendu par des juges inférieurs. Sentence contradictoire. Faire signifier une sentence. Appeler d'une sentence. J'ai vu le marchand flamand qui, avec les autres créanciers, a obtenu depuis huit mois sentence contre vous, Molière, Pourc. II, 7.

    Fig. Appeler de la sentence de quelqu'un, ne pas s'en tenir à sa décision. J'appelle de votre sentence, ou, simplement, j'en appelle.

  • 4En particulier, jugement qui prononce la peine capitale. On lui lut sa sentence. Il écouta sa sentence avec calme. Une sentence de mort. D'un tranquille visage elle apprit la sentence, P. Lebrun, Marie St. V, 1.
  • 5Il se dit des jugements rendus dans les différents degrés de la juridiction ecclésiastique et dont l'appel est toujours recevable, à moins qu'il n'y ait trois sentences conformes. Sentence du primat, de l'évêque.
  • 6Les diverses décisions, les divers jugements que rendent certains tribunaux étrangers. Les sentences de la rote.
  • 7Jugement de Dieu sur les hommes. Leur sentence [d'Achab et de Jézabel] leur fut prononcée par la bouche du prophète Élie, Bossuet, Hist. I, 6. On ne songe plus à cette terrible sentence de saint Paul : la veuve qui passe sa vie dans les plaisirs est morte toute vive, Bossuet, Anne de Gonz. L'humble reine se sentait dans son état naturel, quand elle était comme pécheresse aux pieds d'un prêtre, y attendant la miséricorde et la sentence de Jésus-Christ, Bossuet, Mar.-Thér. Phocas, élevé à l'empire par une action si détestable [le meurtre de Maurice], tâcha de gagner les peuples en honorant le saint-siége, dont il confirma les priviléges ; mais sa sentence était prononcée, Bossuet, Hist. I, 11. Nous viendrons tout à coup au dernier jour ; la sentence partira d'en haut : la fin est venue, Bossuet, Mar.-Thér. Il n'y a que le diable et ses anges pour qui il ne soit plus permis de prier, parce que leur sentence est déclarée, et leur éternel endurcissement révélé, Bossuet, Ét. d'orais. IV, 3. Il s'agira de recevoir de lui une sentence de salut ou de damnation, Bourdaloue, Instruct. Prudence du salut, Exhort. t. II, p. 431.

    PROVERBE

    De fou juge courte sentence, c'est faute de lumière qu'on ne motive pas suffisamment une décision.

HISTORIQUE

XIIe s. Nos pechames tuit en Adam, et en lui receumes tuit la sentence de dampnation, Saint Bernard, p. 523.

XIIIe s. Li sages hom ne veult engignier autrui, ne ne puet [peut] estre engigniez ; les toes [tes] opinions soient autressi comme sentences, Latini, Trésor, p. 348. Après prions qu'as jugemens Doinst Dieus tes [tels] acomplisemens, Que la sentensse soit tenue Que sainte yglise ara rendue, Arch. des miss. scientif. 2e série, t. III, p. 299. Quant li arbitre ont rendue lor sentence, Beaumanoir, XLI, 19.

XVe s. Il leur manda que… autrement il jetteroit sentence contre eux [Philippe de Valois contre les partisans d'Édouard III], Froissart, I, I, 108.

XVIe s. Et feut cette rude sentence executée à Lyon, Montaigne, I, 56. Escornifflant des livres les sentences qui me plaisent, Montaigne, I, 143.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. sentencia, sentensa ; espagn. sentencia ; ital. sentenzia ; du lat. sententia, de sentire, sentir, avoir une opinion.