« serré », définition dans le dictionnaire Littré

serré

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

serré, ée [1]

(sè-ré, rée) part. passé de serrer
  • 1Étreint, pressé. Nœud bien serré. Un homme serré dans ses souliers. Télémaque et Mentor, les larmes aux yeux, prennent congé du roi, qui les tient longtemps serrés entre ses bras et qui les suit des yeux aussi loin qu'il le peut, Fénelon, Tél. XXIII. Il [l'orang-outang] a les vertèbres du cou plus courtes [que l'homme], les os du bassin plus serrés, les hanches plus plates…, Buffon, Quadrup. t. VII, p. 85. Mes deux bras lui servirent de ceinture, très serrée à la vérité, mais sans se déplacer un moment, Rousseau, Conf. IV.

    Fig. L'âme, qui ne sent point qu'il puisse sortir d'elle autre chose que du mal, liée d'ailleurs et serrée par une main souveraine…, Bossuet, Ét. d'orais. X, 17.

    De la toile bien serrée, du drap bien serré, de la toile, du drap qui a été bien frappé, bien battu avec le peigne.

  • 2Rapproché. Il va les épaules serrées, le chapeau abaissé sur les yeux pour n'être point vu, La Bruyère, VI.

    Terme d'histoire naturelle. Se dit de parties qui sont dressées et rapprochées les unes des autres ou d'un axe commun.

    Terme de vénerie. Tête serrée, celle dont les perches sont rapprochées, en parlant du cerf.

  • 3Étroit. La retraite leur était difficile et par un lieu fort serré, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 227. Voyez comme la vertu est contrainte de marcher dans des voies serrées ; on la méprise, on l'accable, Bossuet, Sermons, Devoirs des rois, 2.

    Terme hippique. Un cheval serré du devant, du derrière, cheval étroit par le devant, par le derrière.

    Qui est à l'étroit. Ce fougueux l'Angeli [Alexandre] qui, de sang altéré, Maître du monde entier, s'y trouvait trop serré, Boileau, Sat. VIII.

    Resserré. Le chemin, serré entre l'Arve et le pied de la montagne, Saussure, Voy. Alpes, t. II, p. 145.

  • 4Dont les communications sont coupées. Quand les Gaulois, après avoir brûlé leur ville [des Romains], inondaient tout leur pays, et les tenaient serrés dans la capitale, Bossuet, Hist. III, 6.
  • 5Qui est mis près à près. Ils marcheront serrés dans leurs rangs, sans que jamais ils quittent leur route, Sacy, Bible, Joel, II, 7. Restait cette redoutable infanterie espagnole, dont les gros bataillons serrés… demeuraient inébranlables au milieu de tout le reste en déroute, Bossuet, Louis de Bourbon. Les Parthes, se séparant, se mirent de tous les côtés à tirer de loin, sans qu'il leur fût possible, quand ils l'auraient voulu, de manquer leurs coups ; tant le bataillon des Romains était serré, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IX, p. 501, dans POUGENS. Ô mes philosophes, il faudrait marcher serrés comme la phalange macédonienne ; elle ne fut vaincue que parce qu'elle combattit dispersée, Voltaire, Lett. d'Alemb. 23 juill. 1769. Ils volent serrés [les pinsons d'Ardenne], se posent et partent de même, Buffon, Ois. t. VII, p. 183.

    Terme d'architecture. Ordonnance serrée, se dit en parlant de colonnes plus serrées que de coutume.

  • 6Au trictrac, jeu serré, jeu qui n'est pas étendu, et où l'on ne se découvre point.
  • 7 Terme de médecine. Pouls serré, pouls dont les battements sont séparés par de courts intervalles, et se présentent durs et tendus. Le malade se plaignait de froid ; le pouls redevint serré, précipité, et la respiration laborieuse, Des Essartz, Instit. Mém. scienc. t. I, p. 443.

    Avoir le ventre serré, ne pas aller facilement à la garde-robe.

  • 8Poursuivi de manière à être près d'être saisi. Il se vit si serré, qu'il fut contraint de combattre sur le sommet de la montagne, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 459.
  • 9 Fig. Qui est concis, précis, qui n'a rien de trop, en parlant du style. Perse, en ses vers obscurs, mais serrés et pressants, Affecta d'enfermer moins de mots que de sens, Boileau, Art p. II. Lecteurs sages, remarquez que Pascal, ce coryphée des jansénistes, n'a dit dans tout ce livre sur la religion chrétienne que ce qu'ont dit les jésuites ; il l'a dit seulement avec une éloquence plus serrée et plus mâle, Voltaire, Pensées de Pascal, avertiss. Il [milord Tirconel, ambassadeur] a le discours serré et caustique, je ne sais quoi de franc que les Anglais ont, et que les gens de son métier n'ont guère, Voltaire, Lett. Mme Denis, 12 janv. 1751. En quoi consiste le style serré ? à mettre chaque idée à sa véritable place, D'Alembert, Œuv. t. III, p. 268. Cette langue forte et serrée qui semble indiquer bien plus de sentiments encore qu'elle n'en exprime, Staël, Corinne, XVI, 4.

    Il se dit aussi de l'écrivain lui-même. L'auteur est serré dans ses preuves, Bossuet, Expos. doctr. avert. Lettres. Quelque soin qu'on apporte à être serré et concis, et quelque réputation qu'on ait d'être tel, ils vous trouvent diffus, La Bruyère, I. Chilon était fort court et fort serré dans tous ses discours, Fénelon, Chilon.

  • 10 Fig. Un cœur serré, un cœur qui ne se dilate pas. Sentiez-vous cette douce paix sans laquelle le cœur demeure toujours serré et flétri au milieu des délices ? Fénelon, Tél. XVIII.

    Avoir le cœur serré de douleur, de tristesse, et, absolument, avoir le cœur serré, être très affligé. J'ai le cœur si serré que je ne puis parler, Tristan, Mariane, II, 1. J'ai le cœur serré de ma petite fille [Marie-Blanche] ; elle sera au désespoir de vous avoir quittée [pou être mise au couvent], Sévigné, à Mme de Grignan, 6 mai 1676. Nulle parole ne sortait de sa bouche [de Phérécyde] ; car son cœur était trop serré [à cause de la mort d'Hippias qu'il avait élevé], Fénelon, Tél. XVII. Il s'était retiré dans sa maison, le cœur serré de tristesse, Montesquieu, Lett. pers. 14.

    Avoir le gosier serré, ne pouvoir parler, à cause de l'émotion qu'on éprouve. Mme de Chaulnes avait les grosses larmes aux yeux, en me disant adieu avec un gosier serré, Sévigné, 25 mai 1689.

  • 11 Fig. et familièrement. Un homme serré, un homme avare, qui a de la peine à donner, à dépenser Les discours de son confesseur forcèrent Monsieur de vivre d'une manière qui pouvait passer pour serrée à son égard [quant à lui], Saint-Simon, 93, 219. On appelle ordinairement ces avares qui ne donnent pas, des gens serrés, des vilains, des ladres, Champagne, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. III, p. 100.
  • 12 Fig. Fortune serrée, situation où l'on est à l'étroit quant à l'argent. Une mère et un fils dans la fortune la plus serrée, Voltaire, Pol. et lég. Déclaration de M. de Voltaire.
  • 13Mis dans quelque lieu pour être gardé. Ses habits sont confiés à Bertrande, ses joyaux serrés par la bonne femme, Riccoboni, Œuv. t. V, p. 301, dans POUGENS.
  • 14 Adv. D'une manière serrée, près à près. M. d'Humières, quoiqu'il ait marché aussi serré qu'il a pu, a perdu deux cent quarante cavaliers, qui sont prisonniers à Mons, pour s'être écartés, tantôt les uns, tantôt les autres, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 83.
  • 15 Fig. Sans se compromettre, sans se découvrir. On s'était écouté l'un l'autre paisiblement ; on parlait de part et d'autre assez serré, Bossuet, Confér. avec Claude, 2.
  • 16Bien fort. Il gèle serré. Quand un coup il a desserré, Il en reçoit un bien serré, Scarron, Virg. VI. Je dormais bien serré, Dancourt, Sancho Pança, I, 12. Adieu, le vieux malade de Ferney vous embrasse bien serré, Voltaire, Lett. la Harpe, 22 janv. 1773. Je ne peux vous écrire de ma main ; j'ai la fièvre bien serré à Châlons, Voltaire, Lett. d'Argental, 12 sept. 1748. Il [le rat de Madagascar] mord assez serré, et ne s'apprivoise pas, Buffon, Quadrup. t. VIII, p. 216. Lorsqu'on voulait prendre ces oiseaux [des goëlands], ils cherchaient à mordre et pinçaient très serré, Buffon, Ois. t. XVI, p. 184.

    Mentir serré, bien serré, mentir effrontément.

    Jouer serré, ne point se hasarder, ne jouer qu'à beau jeu. Iras-tu à notre société demain ? je n'irai plus, moi ; on y joue trop petit jeu, et puis ils y ont admis des artistes ; cela joue serré, Picard, Manie de briller, I, 13.

    Fig. Jouer serré, agir avec prudence, avec réserve, de manière à ne pas se compromettre. Figaro : Voyons-le venir et jouons serré, Beaumarchais, Mar. de Fig. III, 5.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. SERRÉ.
2Ajoutez :

Les dents serrées, se dit quand on rapproche les mâchoires de manière que les dents d'en bas appuient fortement contre les dents d'en haut ; ce qui indique d'ordinaire un état spasmodique, une colère concentrée. Il avait le poing fermé, le visage en contraction, les dents serrées, Letourneur, Trad. de Clarisse Harlowe, lettre LXXVIII.