« singulier », définition dans le dictionnaire Littré

singulier

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singulier, ière

(sin-gu-lié, liè-r' ; l'r au masculin ne se lie pas : un sin-gu-lié événement ; au pluriel, l's se lie : de sin-gu-lié-z événements) adj.
  • 1Qui appartient à un seul, individuel. Cette fermeté d'âme, à vous si singulière, Molière, Femm. sav. V, 1. Et ainsi l'ignorance qui rend les actions involontaires et excusables est seulement celle qui regarde le fait en particulier et ses circonstances singulières, Pascal, Prov. IV. Le pape saint Grégoire a donné dès les premiers siècles cet éloge singulier à la couronne de France, qu'elle est autant au-dessus des autres couronnes que la dignité royale surpasse les fortunes particulières, Bossuet, Reine d'Angleterre.

    Idées singulières, idées qui nous viennent d'objets considérés isolément. C'est par les idées singulières que nous nous élevons aux idées générales ; ce sont les divers objets blancs dont j'ai été affecté, qui m'ont donné l'idée de la blancheur…, Dumarsais, Œuv. t. V, p. 294.

  • 2Combat singulier, combat d'homme à homme. On se souvient encore de son père Ardabuse, Qui, terrassant Mithrane en combat singulier, Nous acquit sur la Perse un avantage entier, Corneille, Pulch. I, 1. Présentement que je vous ai battu, je dirai partout que vous êtes le plus brave homme de France, et je conterai notre combat le jour que je parlerai des combats singuliers, Sévigné, à Bussy, 4 sept. 1668.
  • 3 Terme de grammaire. Le nombre singulier, ou, substantivement. le singulier, le nombre qui ne marque qu'une seule personne, qu'une seule chose. Le mot ténèbres n'a pas de singulier. Quand deux substantifs ont une signification fort approchante, on emploie volontiers l'adjectif au singulier : une force et une fermeté admirable, une politesse et une cordialité affectée, Condillac, Gramm. II, 5.
  • 4Qui ne ressemble point aux autres. Ce qui nous paraissait terrible et singulier, S'apprivoise avec notre vue, Quand ce vient à la continue, La Fontaine, Fabl. IV, 10. Dans ses façons d'agir il est fort singulier, Molière, Mis. IV, 1. Ce caractère singulier d'une vie simple dans sa sagesse, modeste dans son élévation, tranquille dans l'embarras et le tumulte des affaires, Fléchier, le Tellier. Ceux qui ont quelque talent singulier peuvent l'ignorer quelque temps, et ils en sont d'ordinaire avertis par quelque petit événement, par quelque hasard favorable, Fontenelle, Truchet. Ce sont là quelques faits uniques et singuliers qui sortent de l'ordre commun, et qui n'ont jamais de suite, Massillon, Carême, Salut. Les priviléges de votre vertu sont bien plus brillants et plus singuliers que ceux de vos titres, Massillon, Pet. carême, Vic. vert. des grands. Artificieux dans ses discours [Abailard], vain de mille connaissances singulières, Massillon, Panégyr. saint Bernard.
  • 5D'une excellence rare. Ledit sieur Cassini mérite la grâce qu'elle [S. M.] lui veut faire en ce rencontre, étant d'une doctrine très singulière, Colbert, Lettres, etc. V, 281. Et je ne veux aussi, pour grâce singulière, Que montrer à vos yeux mon âme tout entière, Molière, Tart. III, 3. Hier j'étais chez des gens de vertu singulière, Molière, Mis. III, 4. Le crédit de la reine obtint aux catholiques ce bonheur singulier et presque incroyable d'être gouvernés successivement par trois nonces apostoliques, Bossuet, Reine d'Angleterre. Pour toute ambition, pour vertu singulière, Il excelle à conduire un char dans la carrière, Racine, Brit. IV, 4. Calvin… écrivant en latin aussi bien qu'on le peut faire dans une langue morte, et en français avec une pureté singulière pour son temps, D'Alembert, Œuv. t. V, p. 257.

    Il se dit aussi des personnes. De chercher surtout ces hommes rares et singuliers dont le commerce supplée quelquefois à plusieurs années d'observation et de séjour, D'Alembert, Él. Montesq.

  • 6Qui affecte de se distinguer. L'envie d'être singulière… est… la source de bien des vertus, Sévigné, 12 juin 1680. Le jeune Tobie, sans craindre de paraître singulier… allait lui seul au temple de Jérusalem, Bourdaloue, Avent, Resp. hum. 358. Les saints ont été, dans tous les siècles, des hommes singuliers, Massillon, Carême, Élus. Quand on veut vivre dans le monde… il ne faut pas y porter un esprit farouche, singulier, intraitable, Massillon, Confér. Fuite du monde. Malheur à tout mortel, et surtout dans notre âge, Qui se fait singulier pour être un personnage ! Voltaire, Vanité.
  • 7Il se dit de ce qui, en bonne ou en mauvaise part, excite l'étonnement, paraît extraordinaire. Voilà un fait bien singulier, une aventure bien singulière. Le propos est singulier. Il est bien singulier que M. Euler, comblé de biens par Votre Majesté, lui et sa famille, ait obtenu son congé si aisément après vingt-six ans de séjour, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 26 mai 1766. Rien n'est plus opposé au beau naturel que la peine qu'on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d'une manière singulière ou pompeuse, Buffon, Disc. de réception.

    Substantivement. Ce qui est singulier. Elle [la duchesse de Gesvres] venait quelquefois à la cour et avec du singulier et l'air de la famine où son mari l'avait réduite, Saint-Simon, 113, 226.

  • 8Il se dit des personnes en un sens analogue. Il y avait dans ce pays deux hommes bien singuliers : ils avaient de l'humanité, ils connaissaient la justice, ils aimaient la vertu, Montesquieu, Lett. pers. 12. Descartes était né avec une imagination brillante et forte, qui en fit un homme singulier dans sa vie privée comme dans sa manière de raisonner, Voltaire, Dict. phil. Newton et Descartes. Ce fut le 8 juillet de l'année 1709 que se donna cette bataille décisive de Pultawa, entre les deux plus singuliers monarques qui fussent alors dans le monde, Voltaire, Charles XII, 4. C'est dans cette occasion surtout [faire arrêter Marie de Médicis] qu'il employa le capucin Joseph du Tremblay, homme, en son genre, aussi singulier que Richelieu même, Voltaire, Mœurs, 176. Sous ce tombeau repose un financier ; Il fut de son état l'honneur et la critique ; Généreux, bienfaisant, mais toujours singulier, Il soulagea la misère publique ; Passant, priez pour lui, car il fut le premier [Épitaphe de la Pouplinière], Bachaumont, Mém. secr. 2 janv. 1763.

    Familièrement. Vous êtes bien singulier de me parler ainsi, c'est chose singulière, peu convenable que vous me parliez ainsi.

  • 9 Terme de géométrie. Point singulier, point d'une courbe qui présente quelque particularité remarquable : point d'inflexion, point de rebroussement, point d'arrêt, etc.

HISTORIQUE

XIIe s. Tel qui fist personnel del verbe impersonal ; Singuler e plurel aveit tut par igal, Th. le mart. 55.

XIVe s. Il cuident et tiennent que en tel cas [de pauvreté et souffrance] le seul et singulier refuge c'est à ses amis, Oresme, Éth. 229. Toutes preventions et enquestes commancées contre lesdits consuls et les autres habitans et singuliers [particuliers] de ladicte ville, Du Cange, singulares.

XVe s. Vous ne pouvez pas tous seuls et singuliers mettre sus ce fait ni celle besogne, Froissart, II, III, 29. Envoya la cornaille querre, Le chat-huant et le corbeaut, Et le renard, qui est trop baut, Chascun à un jour singulier, Pour parler en particulier…, Deschamps, Poésies mss. f° 482.

XVIe s. Usance qui apporte des commoditez singulieres, Montaigne, I, 12. J'ai toutes mes aultres parties viles et communes ; mais en cette là [la faiblesse de la mémoire] je pense estre singulier et très rare, Montaigne, I, 33. En nos combats singuliers…, Montaigne, III, 112. Les chevres singulieres, qui ne portent qu'un chevreau à la fois, De Serres, 430.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. singular ; ital. singolare ; du lat. singularis, de singulus, unique.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SINGULIER. Ajoutez :
10 Terme d'anthropologie. Les points singuliers du crâne, les points anatomiques qui, par le fait de leur détermination très précise, peuvent servir de points de repère pour la mensuration.

HISTORIQUE

XIVe s. Ajoutez : Je vous respons, quant est de moy, Il n'est pas personne commune En tant comme il est roy, c'est une ; Ains est un homme singulier, Si que à tel pot tel cuillier, Théâtre français au moyen âge, Paris, 1839, p. 486.