« sombre », définition dans le dictionnaire Littré

sombre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sombre

(son-br') adj.
  • 1Qui reçoit peu de lumière, peu éclairé. Une chambre sombre. Oh ! qui m'arrêtera sous vos sombres asiles ! La Fontaine, Fabl. XI, 4. Et le temps aujourd'hui Est sombre tout cela me donne un peu d'ennui, Collin D'Harleville, Vieux célib. II, 2. J'aimais le beffroi des alarmes… Les vitraux éclatants ou sombres, Hugo, Odes, II, 3.

    Il fait sombre, le temps est sombre.

    Fig. Dites le vrai, monseigneur, ne fait-il pas plus sombre à Munster, depuis que Mme de Longueville n'y est plus ? Voiture, Lett. 195.

    Il fait sombre dans cet appartement, cet appartement est peu éclairé.

    Fig. Que son intelligence est épaisse, et qu'il fait sombre dans son âme ! Molière, Préc. 6.

    Terme d'eaux et forêts. Coupe sombre, voy. COUPE 1, n° 2.

    Substantivement. Ne faire qu'apparoir dans sa maison, s'évanouir et se perdre comme un fantôme dans le sombre de son cabinet, La Bruyère, VII. Les Juifs avaient le goût du sombre et du grand dans leurs édifices, Chateaubriand, Itin. part. 4.

  • 2Qui est d'une teinte plus ou moins brune ou noirâtre. Cet oiseau a un plumage sombre. La gorge et tout le dessous du corps jusqu'aux jambes, d'un roux sombre moucheté de brun, Buffon, Ois. t. VII, p. 258. Les airs étaient sereins ; des soleils radieux Semaient de leurs traits d'or le bleu sombre des cieux, Saint-Lambert, Sais. IV.

    Couleur sombre, couleur peu éclatante et qui tire sur le brun.

    Lumière sombre, lumière qui éclaire mal. Quand de sombres clartés qu'on ne discerne pas Attirent dans le bois et ses yeux et ses pas, Brébeuf, Phars. VI. Déjà le jour plus sombre, Dans les eaux s'éteignant, va faire place à l'ombre, Boileau, Lutr. II.

    Fig. Du chagrin le plus noir elle [Esther] écarte les ombres, Et fait des jours sereins de mes jours les plus sombres, Racine, Esth. II, 7.

  • 3Obscur, ténébreux. Impitoyables sœurs, Parques dont les ciseaux S'acquièrent chaque jour des triomphes nouveaux, Fleuves toujours brûlants, demeures toujours sombres, Brébeuf, Phars. VI. Dès que la nuit plus sombre Aux crimes des mortels viendra prêter son ombre, Voltaire, Zaïre, IV, 7. La sombre éternité, sans terme dans son cours, Enveloppait le temps qui mesure nos jours, Bernis, Relig. veng. I.

    Par extension. Leurs jours les plus brillants [des riches] ont les plus sombres nuits ; Souvent mille terreurs y jettent mille alarmes, Corneille, Imit. III, 12.

    Fig. Obscur, difficile à comprendre. Il est certains esprits dont les sombres pensées Sont d'un nuage épais toujours embarrassées, Boileau, Art p. I. Si elle [l'étude de l'histoire ancienne] se bornait à la stérile connaissance des faits de l'antiquité et à la sombre recherche des dates et des années où chaque événement s'est passé, Rollin, Hist. anc. Préf.

    Poétiquement. Les sombres bords, les royaumes sombres, les rivages sombres, les enfers, le séjour des morts, suivant la croyance des anciens. Il a vu le Cocyte et les rivages sombres, Racine, Phèdre, II, 4. Puisque Thésée a vu les sombres bords, En vain vous espérez qu'un dieu vous le renvoie, Racine, ib. II, 5.

  • 4 Fig. Sur qui il ne luit aucun rayon de joie, de vivacité, de satisfaction. Et Sextus devenu tout sombre et tout confus, Brébeuf, Phars. VI. Et nous avons passé tout ce temps en récits Capables d'affliger les plus sombres esprits, La Fontaine, Fill. de Minée. [L'envie] Du mérite éclatant cette sombre rivale, Boileau, Art p. IV. Philippe II n'avait jamais combattu ; il n'était après tout qu'un tyran laborieux, sombre et dissimulé, Voltaire, Mœurs, 174. Il [Leibnitz] était sombre, et passait souvent les nuits dans un fauteuil, Diderot, Opin. des anc. phil. (Leibnitzianisme). Le reste du jour il fut silencieux et sombre, Staël, Corinne, XX, 2.

    Il se dit des choses. Que son visage est sombre et plein d'émotion ! Corneille, Poly. III, 2. Zoon plaisait aux yeux… Son peu d'esprit, son humeur sombre Rendaient ces talents mal placés, La Fontaine, Filles de Minée. Voilà les vraies réflexions d'une personne qui passe une partie de sa vie seule dans de grands bois, où les réflexions ne peuvent être que sombres et solides, Sévigné, 19 juin 1680. Le vice toujours sombre aime l'obscurité, Boileau, Ép. IX. Quel est ce sombre accueil et ce discours glacé ? Racine, Bajaz. III, 6. Enfin, depuis deux jours, la superbe Athalie Dans un sombre chagrin paraît ensevelie, Racine, Athal. I, 1. Quelques philosophes en Angleterre, sous la sombre administration de Cromwell, s'assemblèrent pour chercher en paix des vérités, Voltaire, Louis XIV, 31. La fureur de la guerre civile [en Angleterre] était nourrie par cette austérité sombre et atroce que les puritains affectaient, Voltaire, ib. 180. Il y a dans ce sujet [le Paradis perdu] je ne sais quelle horreur ténébreuse, un sublime sombre et triste qui ne convient pas mal à l'imagination anglaise, Voltaire, Ess. poés. ép. 9. Son silence n'avait rien de sombre ni de désobligeant, Mme Riccoboni, Œuv. t. III, p. 354, dans POUGENS. Honte à toi, femme à l'œil sombre, Dont les funestes amours Ont enseveli dans l'ombre Mon printemps et mes beaux jours ! Musset, la Nuit d'oct. Je te bannis de ma mémoire, Reste d'un amour insensé, Mystérieuse et sombre histoire, Musset, ib.

    Substantivement. Le sombre, tristesse, mécontentement. Dès que le roi fut assis, il remarqua promptement le sombre qui y régnait [dans le conseil], Saint-Simon, 263, 15.

  • 5 Terme de musique. Voix sombre, voy SOMBRÉE.
  • 6 S. m. Sombre à deux raies, espèce de couleuvre.

HISTORIQUE

XIIIe s. Des maus qu'el [la luxure] fet ne sai le nombre ; La somme en est en une essombre, En une reculée obscure, Rutebeuf, II, 40.

XVIe s. Nous aurons de la pluye tantost, car le temps devient sombre soudaynement, Palsgrave, p. 648. La sagesse qui a les siens [ses effets et ses fruits] doux, sombres, internes et peu visibles, Charron, Sagesse, II, Préface. Celuy qui frappe autruy de sombre coup, sans sang…, Coust. gén. t. II, p. 933.

ÉTYMOLOGIE

Catal. espagn. et portug. sombra, ombre. On tire ce mot de sub-umbrare, supposant une forme so-ombrar ; le fait est que le provençal a sotz-umbrar, ombrager ; il a aussi solombrar, dans le même sens, et l'anc. espagn. offre solombra, ombre, qu'on a interprété par le latin solis umbra, interprétation que Diez rejette, préférant y voir une altération de sotz-ombrar. Mais la forme française essombre donne un autre indice : elle représente ex-umbra, où ex a un sens de renforcement, comme dans exoine, dans esseuler, et signifie lieu obscur. Il se peut que sombre, qui est aussi substantif, n'en soit que la contraction. On trouve au XVe siècle un adjectif sombreuse qui signifie triste, lugubre : Les menestriers encommencerent à bondir en sombreuse, en signifiance de desconfiture, Perceforest, t. IV, f° 57.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SOMBRE. Ajoutez :
7 Terme forestier. Coupe sombre, voy. COUPE 1, n° 2.

Il ne faut pas confondre la coupe sombre, qui a pour but le réensemencement, avec les nettoiements et les éclaircies. La coupe de réensemencement est dite sombre, parce que les étalons ligneux qui produiront la semence doivent être nombreux et former un couvert suffisant, suivant les essences de peuplement, Ch. Becquet, Mém. d'agricult. 1870-71, p. 82.