« teinture », définition dans le dictionnaire Littré

teinture

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

teinture

(tin-tu-r') s. f.
  • 1Liqueur préparée pour teindre. Préparer de la teinture. Mettre des étoffes à la teinture.
  • 2Couleur que cette liqueur laisse sur les choses que l'on teint. Drap d'une belle teinture. Cette étoffe a bien pris la teinture. D'aussi bonne teinture Que jamais on en vit sortir des Gobelins, Régnier, Sat. X. …un vieux chapeau gras de mauvaise teinture, Régnier, ib. X. Là d'une obscure source il coule une onde obscure, Qui semble du Cocyte emprunter la teinture, Brébeuf, Phars. III.

    Fig. Chimène : Il [glaive] est teint de mon sang - Rodrigue : Plonge-le dans le mien, Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien, Corneille, Cid, III, 4. Dieu [au jugement dernier] imprimera sur nos fronts une marque éternelle d'ignominie… Ô mes frères, que la teinture de cette honte, si je puis parler de la sorte, sera inhérente alors ! Bossuet, Sermons, Jugement dernier, 2.

  • 3Action, art de teindre, fixation de particules colorantes à la surface des fibres textiles. La teinture est un art qui ne se peut apprendre que par un long temps et beaucoup d'expérience, Règl. sur les manuf. août 1669, teinturier de soie, laine et fil, art. 83. L'art de la teinture s'est emparé de l'oxyde de fer ; il en a fait un principe colorant très précieux, Chaptal, Instit. Mém. sc. t. III, p. 98. Un fruit aura teint les doigts ou les lèvres du premier qui l'aura porté à sa bouche ; une herbe aura laissé l'empreinte de son suc sur le corps qui l'aura froissée ; voilà probablement la première origine de la teinture, Ameilhon, Instit. Mém. litt. et beaux-arts, t. I, p. 545. L'art de la teinture consiste dans trois grandes opérations : 1° à bien nettoyer le sujet qu'on veut teindre, et à le dépouiller de toute matière étrangère qui pourrait l'empêcher de prendre la couleur ; 2° à le disposer par des compositions particulières à recevoir dans ses pores le principe colorant et à l'y retenir ; 3° à préparer le bain de couleur dans lequel il doit être mis, et à l'y travailler suivant les règles de l'art, ID. ib. t. III, p. 357.
  • 4 Terme de pharmacie et de chimie. Solution d'une ou de plusieurs substances simples ou composées, plus ou moins colorées, dans un menstrue convenable : de là les noms de teinture aqueuse, alcoolique, éthérée, suivant que ce menstrue est l'eau, l'alcool ou l'éther. Teinture de tournesol. Elle faisait des élixirs, des teintures, des baumes, Rousseau, Conf. II.

    Teinture d'or, liquide qu'on obtient en versant une huile volatile dans une dissolution de chlorure d'or, et qu'on regardait autrefois comme cordial. Je crois que les personnes qui ont pris de la teinture d'or ne peuvent prendre de mauvais air [maladie contagieuse], Voiture, Lett. 14.

    Teinture de mars, tartrate de potasse et de fer liquide.

    Teinture âcre de tartre, combinaison de la potasse ou de la soude caustiques avec l'alcool.

    Chez les alchimistes, teinture se dit de la pierre philosophale, parce qu'elle teint les métaux moins nobles de la couleur des métaux plus nobles.

  • 5 Fig. Connaissance superficielle d'une science, d'un art. L'auditeur, qui communément n'a qu'une teinture superficielle de l'histoire, Corneille, Sertor. Au lecteur. Il a une teinture de Paris et de l'opéra ; il chante, il est familier, Sévigné, 445. Elle [Mme de Kerman] sait un peu de tout ; j'ai aussi une petite teinture, Sévigné, 30 avr. 1689. Je ne veux vous donner ici qu'une teinture de ces vérités importantes, qu'on reconnaît d'autant plus qu'on entre plus avant dans le particulier, Bossuet, Hist. II, 5. Bien loin de s'effrayer ou de rougir du nom de philosophe, il n'y a personne au monde qui ne dût avoir une forte teinture de philosophie, La Bruyère, XI. Il se donne pour un homme universel, parce qu'il a une légère teinture de toutes les sciences, Lesage, Gil Blas, liv. XI, 5. Helvia était instruite ; son père lui avait donné une assez forte teinture des beaux-arts, Diderot, Cl. et Nér. I, 2.
  • 6 Fig. Impression conservée d'une première éducation. Il faudrait qu'ils n'eussent aucune teinture d'humanité, si une clémence si peu attendue ne dissipait toute leur haine, Corneille, 2e disc. L'air du monde change en bonnes qualités Ces teintures qu'on prend aux universités, Corneille, Suite du Ment. II, 4. La Bagnols est partie ; la Mousse est allée avec elle ; si vous pouviez l'attirer à Grignan pour donner quelques bonnes teintures à ce petit marquis [le jeune Grignan], vous seriez trop heureuse, Sévigné, 19 juill. 1677. Il reste toujours quelque teinture de son premier état, ou du moins le temps seul peut l'effacer, Marivaux, Pays. parv. 6e part.
  • 7 Fig. Apparence légère. Je vous eusse offensée par mes compliments, qui ne pouvaient que retenir la teinture de ma mauvaise humeur, Guez de Balzac, liv. VII, Lett. 31. Les choses humaines ne sont pas encore si désespérées que les vices, qui ne sont que vices, qui montrent toute leur laideur sans aucune teinture d'honnêteté, soient honorés dans le monde, Bossuet, Serm. pour le mardi de la 2e sem. de car. 2.
  • 8 Fig. Influence reçue. Il faut du temps pour que l'homme reçoive la teinture du ciel ; il en faut plus encore pour que la terre transmette ses qualités, Buffon, Morc. choisis, p. 45. Le style prend la teinture du caractère, D'Alembert, Œuv. t. III, p. 91.

HISTORIQUE

XIIIe s. Nus ne puet ne ne doit joindre voire [verre] en couleur de cristal pour tainture ne pour painture nule ; quar l'œuvre est fause, et doit estre quassée, Liv. des mét. 73. Et la fenestre estoit overte, Dont il veoit à sa tainture Com ele estoit et nete et pure, Ren. 12001.

XIVe s. C'est medecine cordiale Et tainture plus qu'aureale, Nat. à l'alch. 1030. Se tu les vuels avoir noirs [les cheveux], sy comme les Grecs ou les Espaigneux les desirent, fay ceste tainture…, Lanfranc, f° 38.

XVIe s. Car fermeté c'est le noir par droicture, Pour ce que perdre il ne peut sa tainture, Marot, II, 31. À quoy s'adjoustent raports, soupçons et calomnies, de maniere que, quand quelqu'un seroit blanc comme neige, par telles teintures on le feroit devenir rouge comme escarlatte, Lanoue, 60. Quand je me confesse à moy religieusement, je trouve que la meilleure bonté que j'aye a de la teincture vicieuse, Montaigne, III, 87. C'est à toy, cardinal [de Lorraine], plus rouge de nostre sang que d'autre teinture… que la France redemande la vie de tant de gentilshommes…, Régnier de la Planche, De l'Estat de France sous François II, 1560.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, teinteur ; provenç. tentura ; espagn. et ital. tintura ; du lat. tinctura, de tingere, teindre.