« ton.2 », définition dans le dictionnaire Littré

ton

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ton [2]

(ton) s. m.
  • 1Étymologiquement et proprement, tension ; de là l'emploi de ce mot en médecine où il signifie : état de rénitence et d'élasticité de chaque tissu organique dans l'état de santé. Un cordial qui donne du ton à l'estomac. Si je n'avais pas, le moment d'après, reçu une lettre de M. le chancelier, qui a remis mes nerfs à leur ton, et rétabli l'équilibre des liqueurs, Voltaire, Lett. Richelieu, 3 juin 1771.
  • 2 Terme de grammaire. Pour les anciens, élévation de la voix sur une syllabe d'un mot (ce qui est une sorte de tension).
  • 3Certain degré d'élévation ou d'abaissement de la voix. Ton de voix. Un ton aigre. Un ton doux. Ton plaintif. Le ton de la pitié, de la colère. De sa sœur tout exprès j'ai pris l'image entière, Mon visage a même air, ma voix a même ton, Corneille, Tois. d'or, Il, 1. Vous détruirez toujours mes conseils par les vôtres ; Le seul ton de ma voix vous en inspire d'autres, Corneille, Othon, v, 2. Et, m'écriant d'un ton qui t'aurait fait horreur, J'ai dissipé mon songe, et non pas ma terreur, Rotrou, Vencesl. IV, 1. Vous me marquez si bien les divers tons de ceux qui m'ont souhaitée dans ma chambre, que je les ai tous reconnus, Sévigné, 4 févr. 1685. Je ne trouve point qu'il les faille entièrement bannir [les contes] quand ils sont courts et tout pleins de sel, comme ceux que vous faites… personne ne peut atteindre à vos tons et à votre manière de conter, Sévigné, à Bussy, 20 déc. 1675. Quoi! madame, un rival… - La comtesse : D'un ton plus bas, de grâce, Th. Corneille, l'Inconnu, II, 5. Je n'ai ni le ton ni la voix assez forte, Boileau, Disc. au roi. J'en suis sorti… la poitrine beaucoup plus dégagée… et même mon laquais m'ayant demandé quelque chose, je lui ai répondu un non à pleine voix qui l'a surpris lui-même… il est vrai que je n'ai pu depuis rattraper ce ton-là, mais, comme vous voyez… c'en est assez pour me remettre le cœur au ventre, Boileau, Lett. à Racine, 23 août 1687. Dandin : Avocat, De votre ton vous-même adoucissez l'éclat. - L'intime: Oui-da, j'en ai plusieurs, Racine, Plaid. III, 3. Monsieur, dit-il, haussant le ton, Je ne suis plus de mon opinion, Delille, Convers. II.
  • 4 Par extension, manière de la voix, par rapport à la nature des discours. Le ton de la sincérité. Parler d'un ton de maître. Il rebat sans cesse les mêmes choses, il est toujours sur le même ton. Le rieur alors, d'un ton sage, Dit…, La Fontaine, Fabl. VIII, 8. Et ses roulements d'yeux et son ton radouci N'imposent qu'à des gens qui ne sont point d'ici, Molière, Mis. I, 1. Il est vrai que d'Hacqueville ne laisse rien à désirer ; je n'ai jamais vu des tons et des manières fermes et puissantes pour soutenir ses amis comme celles qu'il a, Sévigné, 18 déc. 1675. Vardes m'a ôté toute l'inquiétude que j'aurais pu avoir, en me disant, avec tous les bons tons du monde, que le fond de votre teint est tranquille et blanc, Sévigné, 13 sept. 1677. M. du Maine est un prodige d'esprit ; premièrement aucun ton et aucune finesse ne lui manque…, Sévigné, 7 août 1676. Un esprit né sans fard, sans basse complaisance, Fuit ce ton radouci que prend la médisance, Boileau, Sat. IX. Mais la gloire, madame, Ne s'était point encor fait entendre à mon cœur Du ton dont elle parle au cœur d'un empereur, Racine, Bér. IV, 5. Elle le suppliait de ne lui plus parier sur ce ton, Hamilton, Gramm. 4. J'avais laissé prendre à Protésilas un certain ton décisif, auquel je ne pouvais presque plus résister, Fénelon, Tél. XII. La plupart du temps, elles [les paroles] ne signifient point par elles-mêmes, mais par le ton dont on les dit ; souvent, en redisant les mêmes paroles, on ne rend pas le même sens, Montesquieu, Esp. XII, 12. J'enverrai bientôt quelque chose à mes anges de fort sérieux ; car je ne laisse pas de l'être quelquefois ; vous savez que mon patron est l'Intimé qui avait plusieurs tons, Voltaire, Lett. d'Argental, 19 févr. 1763. Et de ce ton qui devait aller chercher l'âme, Rousseau, Hél. VI, 11. Prenant le ton d'un homme instruit de mes anciennes erreurs, mais plein de confiance dans ma droiture, il me parla comme un père à son enfant, Rousseau, ib. IV, 6. Le ton de la conversation y est [à Paris] coulant et naturel ; il n'est ni pesant ni frivole ; il est savant sans pédanterie, gai sans tumulte, poli sans affectation, Rousseau, ib. II, 14. L'impératrice le crut fou et en parla sur ce ton à ses familiers, Diderot, Sur la princ. d'Askow. Dans le langage, on appelle ton le caractère de noblesse, de familiarité, de popularité, le degré d'élévation ou d'abaissement qu'on peut donner à l'élocution, depuis le bas jusqu'au sublime, Marmontel, Œuv. t. X, p. 253. Il est ridicule… — infiniment, cela est vrai, parce qu'il a toujours avec les femmes un ton léger ou méprisant, Genlis, Ad. et Th. t. III, p. 25, dans POUGENS. Elle a de la grâce et de la douceur dans ses manières, un ton fort noble, Genlis, Th. d'éduc. Ennemis génér. I, 5.

    Être sur un ton, dire des choses d'une certaine espèce. Pendant que nous sommes sur ce ton-là [parler des intrigues amoureuses de la cour d'Angleterre], je vous dirai, avec la permission de la sagesse de M. de Grignan…, Sévigné, 128.

    Le prendre sur un ton de, parler comme, en qualité de. Le prenant sur un ton de tuteur, Hamilton, Grain. 10.

    Le prendre sur un ton bien haut, trop haut, tenir un langage qui dénote de trop hautes prétentions. Il allait sans doute s'engager dans une mauvaise affaire pour l'avoir pris d'un ton trop haut, Scarron, Rom. com. II, 15. Luther le prit d'abord d'un ton bien haut, Bossuet, Var. IV, 22. Quoi ! fallait-il fulminer et le prendre d'un ton si haut, pour abattre si peu de chose ? Bossuet, la Vallière.

    Le prendre sur un ton bien haut, signifie aussi avoir de hautes prétentions. Vous menez donc la vie des sages; vous vous retirez du monde ; vous êtes bien jeune, mon ami, pour le prendre d'un ton si haut, Sévigné, à M. du Plessis, 26 juin 1689. C'est le prendre d'un ton bien haut pour des hommes faibles et mortels, Bossuet, 3e dim. après Pâq. Provid. Préamb.

    Le prendre sur un ton, d'un ton, s'exprimer ou se comporter d'une certaine manière. Le prenez-vous sur ce ton ? Sur quel ton le prenez-vous ? Si vous le prenez sur ce ton, Monsieur, je n'ai plus rien à dire ; Et vous aurez toujours raison, Molière, Amph. II, 1. Vous me payez de raison, et vous le prenez sur un ton qui mérite qu'on vous pardonne, Sévigné, 55. Vous le prenez là d'un ton qui ne vous convient guère, Hamilton, Gram. 4. Puisque vous le prenez sur ce ton-là, monsieur, je ne veux pas vous le montrer [un brillant], Lesage, Turc. II, 3.

    Familièrement. Prendre un ton, prendre "les airs de supériorité. Elle me fait trembler dès qu'elle prend son ton; Je ne sais où me mettre, et c'est un vrai dragon, Molière, Fem. sav. II, 9.

    Familièrement. Parler à quelqu'un du bon ton, lui parler d'une manière propre à s'en faire écouter.

    Changer de ton, changer de langage, de conduite, de manière d'être. J'ai douté fort longtemps que ce fût tout de bon, Et je croyais toujours qu'on changerait de ton, Molière, Tart. IV, 7.

    Faire baisser le ton à quelqu'un, l'obliger à rabattre de ses airs de supériorité, de ses prétentions.

  • 5En musique, et par la même idée étymologique de tension appliquée aux cordes, le son, par rapport à son degré de gravité ou d'acuité. La différence des tons ne vient point de la force des vibrations de l'air, mais de leur promptitude, Malebranche, Rech. vér. Éclairc. sur la lum. t. IV, p. 338, dans POUGENS. Il n'y a point de ton dans un son simple ; un coup de fusil, un coup de fouet, un coup de canon produisent des sons différents qui cependant n'ont aucun ton, Buffon, Hist. nat. hom. Œuv. t. IV, p. 472. Du rapport combiné des différents tons naît l'harmonie, Bonnet, Contempl. nat. V, 14.
  • 6Ton signifie aussi l'intervalle entre deux notes, ce que Choron proposait de nommer un diaton (voy. ce mot) ; alors le ton est précisément l'intervalle de la quinte à la quarte qui s'exprime par le rapport 9 : 8, c'est-à-dire que sol à la quinte d'ut fait 9 vibrations, pendant que fa ou la quarte en fait 8. Ce rapport se retrouve exactement de l'ut au ré, ou de la tonique à la seconde, et du la au si, ou de la sixte à la septième. Du ré au mi et du sol au la l'intervalle est seulement de 10 : 9; ce qui fait nommer ces deux tons, des tons mineurs, tandis que les trois précédents sont des tons majeurs.

    Fig. et par plaisanterie, en parlant de coups plus fortement assenés. Ah ! qu'est-ce ci, grands dieux ! il frappe un ton plus fort, Molière, Amph. I, 2.

    Demi-ton, ou semi-ton, intervalle d'à peu près la moitié d'un ton. Il faut chanter cet air d'un demi-ton plus haut. Il y a dans la gamme un demi-ton du mi au fa, et un autre du si à l'ut. Il y a douze demi-tons dans la gamme, Grétry, Méth. prél. VI.

    Demi-ton majeur, différence de la tierce majeure à la quarte.

    Demi-ton mineur, différence de la tierce majeure à la tierce mineure.

    Demi-ton diatonique, celui qui existe d'une note à l'autre, comme d'ut à ré bémol.

    Demi-ton chromatique, celui qui existe d'une note à la même note subissant une altération, comme d'ut à ut dièse.

  • 7Ton pris dans le sens de mode.

    Ton majeur, gamme où la distance de la tonique à la tierce est de deux tons ; ton mineur, gamme où cette distance n'est que d'un ton et demi.

    Tons relatifs, les modes ou tons majeurs et roi neufs qui ont à la clef le même nombre de dièses ou de bémols comme ut majeur et la mineur qui n'en ont pas ; sol majeur et mi mineur qui ont un dièse ; fa majeur et ré mineur qui ont un bémol, etc.

    Sons adjoints ou conjoints, les modes qui ont le plus d'affinité avec le ton principal, c'est-à-dire qui conservent le plus de notes semblables, par exemple à l'égard du ton d'ut, celui de fa, ou sa quarte qui n'a qu'un bémol de plus, et celui de sol ou sa quinte qui n'a qu'un dièse.

  • 8Gamme que l'on adopte pour la composition d'un air, d'un morceau, et qui prend son nom de la première note de cette gamme. Il y a un dièse dans le ton de sol, deux dans le ton de ré, trois dans le ton de la. Ce musicien sort du ton. Changer de ton. Le ton d'ut, le ton de sol, le ton ayant pour tonique la note ut, la note sol. Il faut avouer en général que le ton de la plaisanterie est, de toutes les clefs de la musique française, celle qui se chante le plus aisément, Voltaire, Lett. du Deffand, 21 nov. 1766.

    Donner le ton, indiquer par la voix ou par un instrument le ton d'un morceau.

    Fig. On doit… Et se donner le ton autant qu'on a d'haleine, Régnier, Sat. VI.

    Fig. Donner le ton, faire par influence que les autres prennent nos manières, tiennent notre langage. Il ne faut quelquefois qu'un homme d'esprit pour donner le ton à tout son siècle, Lamotte, dans DESFONTAINES. Lorsque la France donnait le ton à toutes les nations de l'Europe, Voltaire, Lett. Richelieu, 4 juillet 1772. Ce qui donne le ton chez ce peuple léger [les Français], c'est un certain nombre de femmes charmantes, Diderot, Mém. Promen. scept. Donner le ton au public, qui ne demande pas mieux que de le prendre, Cahusac, Dans. anc. et mod. III, III, 3. Elle donne le ton à toutes nos dames, Picard, Duhautcours, I, 5.

    Il se dit aussi des choses qui exercent une influence de même genre. La nature et le climat dominent presque seuls sur les sauvages ; les manières gouvernent les Chinois ; les lois tyrannisent le Japon ; les mœurs donnaient autrefois le ton dans Lacédémone ; les maximes du gouvernement et les mœurs anciennes le donnaient dans Rome, Montesquieu, Espr. XIX, 4.

    Fig. et familièrement. Je le ferai bien chanter sur un autre ton, je l'obligerai à parler, à se conduire autrement qu'il ne fait.

    Fig. Chanter sur un ton, tenir un certain langage. Qu'il essaye un peu de chanter sur ce ton, principalement sur le soin de votre santé, Sévigné, 380.

    PROVERBE

    C'est le ton qui fait la musique, c'est le ton, c'est la manière dont on dit les choses qui dénote l'intention de celui qui les dit.
  • 9Ton d'église, mode du plain-chant. Il y a huit tons d'église, quatre authentiques et quatre plagaux. Le ton de l'épître, de l'évangile, de la préface. Souffrirez-vous toujours qu'un orgueilleux m'outrage… et, s'égalant à moi, Donne à votre lutrin et le ton et la loi, Boileau, Lutr. I.
  • 10Degré d'élévation du son des instruments. Le diapason règle le ton. Son violon était monté sur ce ton-là. Avant que de chanter, il faut que je prélude un peu et joue quelque pièce, afin de mieux prendre mon ton, Molière, Mal. imag. Intermède, I, 4.

    Fig. Il semble… Que Phébus à leur ton accorde sa vielle, Régnier, Sat. IX.

    Fig. Être monté sur un ton, avoir telle ou telle disposition. Mon esprit n'est pas monté présentement sur ce ton-là, Sévigné, 71. Pour monter les âmes au ton des âmes antiques, Rousseau, Polog. 3.

    Fig. Sa maison est montée sur ce ton-là, telle est la manière dont on y vit.

    Fig. Se mettre au ton de quelqu'un, se conformer à ses idées, à ses mœurs, à son langage.

  • 11 Terme de vénerie. Ton pour les chiens, air que l'on joue sur le cor de chasse.
  • 12 Au plur. Se dit des corps de rechange du cor et de la trompette, parce que c'est à l'aide de ces corps de rechange que ces instruments peuvent jouer dans différents tons.

    Tons ouverts, se dit de ceux qu'on obtient sur le cor sans introduire la main dans le pavillon, à la différence des tons bouchés.

  • 13Il se dit, dans le même sens, de la manière, de l'expression dans le langage écrit. Qui ne croirait que des gens qui parlent de ce ton-là [dans un écrit], eussent sujet de se plaindre ? Pascal, Prov. X. Toutes mes pensées me faisaient mourir ; j'écrivis à M. de Grignan, vous pouvez penser sur quel ton, Sévigné, 14. Que ne trouve-t-on point dans les huit dernières lettres [Provinciales], qui sont sur un ton tout différent ? Sévigné, 607. De quel ton, de quel cœur, car les tons viennent du cœur, de quelle manière m'y parlez-vous de votre tendresse ! Sévigné, à Mme de Grignan, 5 mai 1689. Mes pauvres lettres n'ont de prix que celui que vous y donnez en les lisant comme vous faites ; car elles ont des tons, et ne sont pas supportables quand elles sont ânonnées ou épelées, Sévigné, 24 Juill. 1691. J'aime fort ce que me mande Montgobert ; elle me plaît toujours, je la trouve salée, et tous ses tons me font plaisir, Sévigné, 6 oct. 1675. Je finis le ton des reproches pour vous dire…, Sévigné, mars 1690. Il y eut un tel bruit avant-hier, comme je finissais ma lettre, que je ne vous dis pas la moitié de ce que je voulais ; et c'est un bonheur que je vous aime constamment trois jours de suite pour pouvoir reprendre le fil de mon discours sur le même ton, Sévigné, 17 déc. 1688. Pourquoi entend-il [M. de Grignan] des tons ironiques sur les louanges que je lui donne ? Sévigné, 20 déc. 1688. Il a pris le ton plaintif et opprimé, Bossuet, Lett. quiét. 134. Ce n'était pas jadis sur ce ton ridicule Qu'Amour dictait les vers que soupirait Tibulle, Boileau, Art p. II. Prenez mieux votre ton; soyez simple avec art, Boileau, ib. I. Tout a l'humeur gasconne en un auteur gascon; Calprenède et Juba parlent du même ton, Boileau, ib. III. La géométrie n'a qu'un ton ; mais peut-être ferait-elle bien elle-même d'en changer quelquefois un peu, puisqu'elle parle à des hommes, Fontenelle, Rolle. Vous m'envoyez de très Jolis vers… voilà un bon ton, rien n'est plus rare, Voltaire, Lett. à Mme du Deffand, 25 Juin 1774. Cette Harmonie des mots ne fait ni le fond ni le ton du style, et se trouve souvent dans des écrits vides d'idées ; le ton n'est que la convenance du style à la nature du sujet, Buffon, Disc. de réception. À l'égard des lettres de Claire, de Wolmar et d'Édouard [dans la Nouvelle Héloise], Je ne conçois pas comment on peut les trouver du même ton que celles des deux personnages principaux, D'Alembert, Œuv. t. v, p. 369. Ton se dit aussi des autres caractères que l'expression reçoit de la pensée, de l'image, du sentiment : le ton triste de l'élégie, le ton galant du madrigal, le ton léger de la plaisanterie, le ton pathétique, le ton sérieux, Marmontel, Œuv. t. X, p. 254. Les mœurs, le goût et les usages du grand monde ont passé dans la bourgeoisie, il n'y a presque plus que deux tons, et il n'est plus permis à celui du peuple de dominer même dans la comédie, Marmontel, ib. t. VIII, p. 378. Simple et grand, fort et doux, Unissez tous les tons pour plaire à tous les goûts, Delille, Jard. I. Si j'eusse commencé : chrétiens, après les attentats inouïs d'une infernale révolution… une fois monté sur ce ton, il m'était facile de continuer et mener à fin mon volume, Courier, Pamphl. des pamphl.
  • 14Les manières en général. Le ton de la ville. Le ton du collége. Un ton de corps de garde. Il n'y a point de règle générale pour les tons et pour les manières, et il n'y a point de bonnes copies, La Rochefoucauld, Réfl. div. p. 133. Le chien prend le ton de la maison qu'il habite, Buffon, Morc. choisis, p. 125. Elle l'avait priée de former mes manières et de me donner le ton du monde, Rousseau, Confess. VI. Votre esprit plaît et doit plaire par bien des qualités, par l'excellence de votre ton, par la justesse de votre goût. par l'art que vous avez de dire à chacun ce qui lui convient, D'Alembert, Portr. de Mlle de l'Espinasse. Mais à présent, mon cher habit, Tout est de mon ressort, les airs, la suffisance ; Et ces tons décidés qu'on prend pour de l'aisance, Deviennent mes tons favoris, Sedaine, Ép. à mon habit. Le ton, le style du beau monde sont ce qu'il y a de moins poétique dans le monde, Courier, Trad. d'Hérodote, Préf.
  • 15Le bon ton, le langage, les manières du monde poli, des gens bien élevés. Le bon ton, dans ceux qui ont le plus d'esprit, consiste à dire agréablement des riens, et à ne pas se permettre le moindre propos sensé, si l'on ne le fait excuser par les grâces du discours, Duclos, Consid. mœurs, 8. Ce prétendu bon ton qui n'est qu'un abus de l'esprit ne laisse pas d'en exiger beaucoup, Duclos, ib. … votre excessive sensibilité sur ce qu'on nomme le bon ton dans les manières et dans les discours ; le défaut de cette qualité vous parait à peine effacé par le sentiment le plus tendre et le plus vrai qu'on puisse vous marquer, D'Alembert, Portr. de Mlle de l'Espinasse. Zélis, qui, par bon ton, à la philosophie Joint tous les goûts divers, tous les amusements, Rit avec nos penseurs, pense avec ses amants, Gilbert, le XVIIIe Siècle. Du bon ton qu'ils n'ont pas se croyant les arbitres, Dorat, Feinte par amour, II, 2. Le bon ton, dans ce qui s'appelle la bonne compagnie, est un système de convenances qu'elle s'est fait à elle-même et qui lui est particulier ; il interdit en général une familiarité déplacée, et par conséquent tous les mots, tous les tours de phrase qui supposent, dans celui qui parle, la négligence des égards qu'il doit à la société, Marmontel, Œuv. t. X, p. 256. Le bon ton n'est autre chose que le bon goût mis en pratique, Marmontel, ib. p. 255. La maréchale était l'oracle du bon ton, Genlis, Mém. t. I, p. 383, dans POUGENS.

    On dit dans un sens contraire: le mauvais ton. Un homme de mauvais ton. Une familiarité de mauvais ton. Joignant au mauvais ton d'une ironie perpétuelle la prétention de penser philosophiquement, Genlis, Veill. du chât, t. I, p. 347, dans POUGENS.

    Absolument. Le ton, ce qu'on regarde comme le bon ton par excellence. Ce qu'on appelle le ton" cette espèce d'impudence qui ne doute de rien et qui ne permet pas la réplique, Marquis D'Argenson, Mém. IV, p. 132.

    Ton, absolument, se dit aussi pour grand ton et luxe. Je ne veux pas fréquenter cette personne ; il y a trop de ton dans sa maison.

  • 16Le haut ton, le grand ton, les manières du plus grand monde. Des propos libres, des maximes du haut ton, Rousseau, Ém. IV. Fi des coquettes maniérées ! Fi des bégueules du grand ton ! Béranger, Jeannette.
  • 17La disposition de l'opinion, à un moment donné. Le ton d'aujourd'hui, c'est l'innocence des nommées [dans l'affaire des poisons] et l'horreur du scandale, Sévigné, 31 janv. 1680. La dévotion était le ton de son siècle [de Louis XI], Duclos, Œuv. t. III, p. 360.

    Disposition individuelle. Je parlai l'autre jour de lui [M. Trouvé] à notre comtesse de Fiesque, la croyant pour lui sur le même ton que vous ; mais Je me trouvai repoussée…, Sévigné, 20 arr. 1683. Il n'y a point d'endroit [à Livry] où je ne me souvienne de ma fille, et qui ne soit marqué tendrement dans mon imagination ; car je n'y vois plus rien que sur ce ton, Sévigné, 27 sept. 1679.

  • 18Façon d'agir, de se comporter. M. de Luxembourg s'est mis volontairement à la Bastille [affaire des poisons], et se croit assez innocent pour prendre ce ton, Sévigné, 24 janv. 1680. Elle me marque tant d'empressement et tant d'amitié, que j'en suis tout embarrassée ; quand on ne peut être sur le même ton, on ne sait que répondre, Sévigné, 15 arr. 1685. Nous mangeons ensemble, nous sommes dans une parfaite intelligence, et il est vrai que plus on connaît M. le chevalier [de Grignan] sur ce ton-là, plus on l'aime, Sévigné, 6 oct. 1688.
  • 19 Terme de peinture. Nom des différentes teintes relativement à leur force, à leur éclat (par extension du sens de série des tons musicaux à la série des nuances). Des tons clairs. Tons faux. Tons blafards. Des tons sombres. Cette huppe est de même ton de couleur que le reste du corps, Buffon, Ois. t. VIII, p. 143. Les anciens ont compté cinq espèces d'améthystes qu'ils distinguaient par les différents tons ou degrés de couleurs, Buffon, Min. t. VI, p. 150. Et, le prisme à la main, l'audacieux Newton Des diverses couleurs distingua chaque ton, Delille, Trois règ. IV. On retrouve chez les Romains ce ton des chairs auquel les peintres ont donné le nom de couleur historique, Chateaubriand, Italie, à M. de Fontanes, 10 janv. 1804.

    Tons vigoureux, ceux qui ont beaucoup d'intensité ; tons chauds, ceux qui, à une grande intensité, joignent un certain éclat procédant de la couleur de feu ; tons fins, ceux qui résultent de nuances légères, qui ont peu d'intensité, et se succèdent par des passages doux, Boutard, Dict. des arts du dessin, ton. Le ciel [à Smyrne], moins pur que celui de l'Attique, avait cette teinte que les peintres appellent un ton chaud, c'est-à-dire qu'il était rempli d'une vapeur déliée, un peu rougie par la lumière, Chateaubriand, Itin. 2e part.

    Fig. Elle [la religion, par rapport à la peinture] donne des tons plus sublimes à la figure humaine, Chateaubriand, Génie, III, I, 3.

    Ton de couleur, degré de force du coloris. Ce paysage est d'un beau ton de couleur. Le ton de couleur de ce tableau tire sur le rouge.

    Couleur qui domine dans un tableau. Du reste, sans détails de nature et rouge de ton, Diderot, Salon de 1765, Œuv. t. XIII, p. 79, dans POUGENS.

    Se dit, dans une estampe" des passages du blanc au noir.

    Broder ton sur ton, broder couleur sur couleur.

    Dans la gamme des couleurs établie par M. Chevreul, le ton est la couleur elle-même considérée dans son intensité ou sa légèreté, par opposition à la nuance, qui est due au mélange de couleurs situées dans le voisinage. Ainsi le bleu est foncé ou clair, c'est le ton; il est violeté, c'est la nuance.

REMARQUE

1. Le mot ton est employé quelquefois, à tort, comme synonyme de son ou de note : Le chanteur a de bons tons dans la voix ; locution qu'il faut éviter.

2. Se donner des tons, est une locution née pendant la Révolution, d'après GENLIS, Mém. t. V, p. 91.

HISTORIQUE

XIIe s. Et s'escria clerement à haut ton, Ronc. p. 59. Ce dist Tierris d'un ton mout avenant, ib. p. 187.

XVe s. Quant le ton [bruit] de l'escu et du palais fut passé, les chevaliers se dresserent tout esbahis, Perceforest, t. IV, f° 52. Il ouyt hannir ung cheval d'une forte voix et grosse : Dieu des forests, dit le jouvenceau, où est ce cheval de tel ton ? il ne peult qu'il ne soit de grant valleur, ib. f° 113.

XVIe s. L'accent ou ton en prononciation est une loi ou regle certaine pour elever ou abaisser la prononciation d'une chacune syllabe, Meigret, dans LIVET, Gramm. franç. p. 104. Ces pauvres baudets de village, Lourdauts, sans cœur et sans courage, Qui jamais ne prennent leur ton Qu'à la mesure d'un baston, Sat. Mén. l'Ane ligueur.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. ton ; lat. to ; espagn. ton, tono ; portug. tom ; ital. tuono ; du lat. tonus, qui vient de τόνος, signifiant proprement corde, tendon, action de tendre les cordes de la lyre, puis ton, de τείνειν, tendre (voy. ce verbe).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

2. TON. Ajoutez :
20 Terme de grammaire. On le trouve quelquefois employé pour accent tonique. Il est dans la nature du langage de renforcer les syllabes qui reçoivent le ton et d'affaiblir celles qui en sont privées, Bréal, Traduct. de la Gramm. comp. de Bopp, t. III, p. XLIV. Meigret, au XVIe siècle, s'est servi de ton en ce sens (voy. ACCENT au Supplément).